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L’affaire Stormy Daniels / Donald Trump secoue les médias depuis quatre mois déjà. Au début, ce n’était qu’un boulet de plus au pied du président des États-Unis : l’idée que ce dernier, alors déjà marié, ait pu coucher il y a de cela douze ans avec une ancienne pornstar. Mais aujourd’hui, tout cela outrepasse le cadre de l’amante dans le placard (dont il était au demeurant déjà coutumier).
Les 130 000 dollars versés en 2016 – quelques jours avant l’élection présidentielle – pour acheter le silence de Stormy Daniels passe aux yeux de la loi pour une tentative de manipulation électorale, au creux d’une campagne déjà largement critiquée pour les zones floues de son financement. Alors que Trump nie les faits dont on l’accuse, il suffirait que cette infraction à la loi du financement électoral soit démontrée, après un témoignage sous serment du Président, pour que celui-ci se retrouve accusé de parjure, et fasse l’objet d’une procédure de destitution – si tant est que les élus du Congrès s’investissent dans l’affaire. C’est ce que nous apprend le New York Magazine, reliant ces événements au scandale Bill Clinton/Monica Lewinsky. Ce scandale nous renvoie aussi aux casseroles que Trump se traîne depuis 2017 : la bonne dizaine de plaintes pour harcèlement déjà déposées par des femmes à son encontre. Cette véritable tornade politico-porno met donc en péril la stature présidentielle.
Pour ne pas s’égarer dans les voies sinueuses du « Stormy-Gate », voici un petit récapitulatif des événements d’une affaire encore en cours. Un petit digest actualisable à l’envi : chaque semaine, c’est une nouvelle page de ce feuilleton médiatico-X qui semble s’écrire.
12 janvier 2018“Le Président et l’ex-Porn Star”, voilà pour l’intitulé de cette fable un peu spéciale. Tout commence dans les pages du Wall Street Journal aux prémisses de janvier . Les journalistes Michael Rothfeld et Joe Palazzolo nous apprennent que le 17 octobre 2016, Donald Trump aurait versé 130 000 dollars à l’ancienne performeuse Stormy Daniels, Stephanie Clifford de son vrai nom, afin qu’elle taise la relation sexuelle qu’elle aurait entretenue avec le 45e président américain dix ans auparavant. L’égérie de Wicked Pictures aurait rencontré le multimillionnaire en juin 2006, lors d’un tournoi de golf entre célébrités aux alentours de Lake Tahoe. S’en serait suivi un rapport sexuel entre adultes consentants, nous informe le Wall Street Journal, se basant sur les déclarations des proches de Clifford.
Stormy Daniels
D’emblée, Daniels nie ces révélations au gré d’une déclaration publique. Non, affirme-t-elle, elle n’a pas eu de relation sexuelle avec l’actuel Président des États-Unis, leurs rapports se résumant à « des apparitions publiques ensemble, et rien de plus« . « Croyez-moi, si tel était le cas, vous ne l’auriez pas découvert en lisant les infos, mais en lisant mon livre » appuie-t-elle. De son côté, la Maison-Blanche dément les faits au gré d’un communiqué officiel.
Malgré les tensions que la nouvelle implique (en 2006, Donald Trump était déjà marié à Melania Trump, et le rapport aurait eu lieu quelques mois après la naissance de leur fils Barron), cette annonce pourrait s’apparenter à un inoffensif gossip. Mais pas tant que cela, puisqu’elle questionne directement les conditions du financement de la campagne électorale du républicain. De quoi l’édifier en affaire d’État. Dans les comptes déclarés de cette campagne, nulle trace des cent trente mille dollars versés à l’icône porno. De quoi déplaire au Common Cause, l’association de surveillance des pratiques électorales américaines, qui déposera une plainte. Lors d’un communiqué, le porte-parole Paul Ryan conçoit en ce versement d’argent « une tentative d’influencer l’élection » et exige plus de clarté.
Quelques jours plus tard, le magazine In Touch ressort du placard une interview de Stormy Daniels datée de 2011. La performeuse raconte à la journaliste Jordi Lippe-McGaw sa rencontre avec Trump, lequel jouit alors de l’énorme succès de l’émission de télé-réalité The Apprentice. Dès les prémisses de sa conversation avec celui-ci, Daniels se sent mal à l’aise, dérangée de passer pour »l’idiote aux cheveux blonds et aux gros seins« . Mais ce qui s’ensuit n’en sera que pire : un rendez-vous nocturne dans une chambre d’hôtel de Beverly Hills. La suite des événements s’est déroulée sur le lit du businessman. Dès que l’actrice a poussé la porte de la chambre, Trump l’y attendait, en pyjama, « à la Hugh Hefner« . « Je peux décrire son machin à la perfection » décoche l’actrice, qui affirme donc avoir eu un rapport sexuel avec l’homme d’affaires – introduit par un très peu enthousiaste « Ugh, here we go« . Daniels y confesse que sa plus grosse crainte eut été que Trump la rémunère pour ce rapport, c’est-à-dire que Trump « [la] considère comme une pute » (« …mais s’il m’avait donné de l’argent, il en aurait donné beaucoup » ajoute-t-elle). La chose la plus bizarre aux yeux de Stormy Daniels, ce n’est pas l’acte, mais ce qui s’ensuit : « Il avait un de mes films en dvd et il m’a demandé de lui dédicacer. Je l’ai fait« .
13 févrierLe New York Times apporte sa pièce à l’édifice. Dans un communiqué adressé au journal, Michael Cohen, avocat personnel de Donald Trump, assure avoir versé 130 000 dollars à Stormy Daniels. Il aurait signé lui-même le chèque, à son nom, indépendamment de tout financement électoral. Assurant au New York Times la légalité du paiement, l’avocat souhaite ainsi dédouaner le leader des accusations de détournement de fonds de campagne dont il fait l’objet : à l’en croire, Trump n’aurait pas déboursé un seul dollar à Stormy Daniels.
Michael Cohen, avocat de Donald Trump.
14 févrierMais Stéphanie Clifford n’a pas dit son dernier mot. Réagissant au communiqué de Michael Cohen, qu’elle considère comme une rupture de l’accord de confidentialité convenu avec Donald Trump, elle menace de « tout » révéler aux médias. « Karma will always bite you in the ass” menaçait déjà l’actrice à l’adresse de Donald Trump dans les pages d’In Touch.
16 févrierLe site XBiz nous informe d’une trivia triviale : le Musée de l’érotisme de Las Vegas (tout un poème) serait prêt à débourser cent mille dollars afin de pouvoir exposer la robe que portait Stormy Daniels lors de sa nuit en compagnie de Donald Trump. Le Musée était déjà sur le coup concernant la robe bleue de Monica Lewinsky durant le scandale Bill Clinton. Bon goût.
Monica Lewinsky.
24 févrierIncursion sulfureuse du côté de Paris Match, parti à la rencontre de Stormy. « Partout où Stormy débarque, désormais, c’est la tornade » nous prévient-on d’emblée (rires). Lors d’un show au stripclub new-yorkais «Gossip», le temps d’une soirée sexy intitulée «Make Thursday Great Again» (rires), la tourbillonnante Stormy apparait « en nuisette rouge qu’elle laisse tomber très vite pour ne garder qu’un string noir et une jarretière ». Au journaliste curieux de Paris Match, la star glisse d’aveu fou («Je ne pense pas à Trump tous les jours») en confessions frappadingues («J’étais déjà célèbre avant [l’affaire Trump], maintenant c’est vrai que d’autres personnes me reconnaissent, mon public s’est élargi. Je fais la même chose qu’autrefois, à une cadence plus élevée »). Merci pour ce moment.
6 marsRiposte de Stormy Daniels, qui en compagnie de son avocat Michael Avenatti part déposer une plainte à Los Angeles : la clause de non-divulgation qui l’associe à Trump serait invalide ! Bêtement, l’actuel Président des États-Unis ne l’aurait tout simplement pas paraphé. Dépourvu de cette signature, l’accord de confidentialité serait donc totalement nul et non avenu. Aucune raison pour Stormy de garder le silence plus longtemps. La plainte, qui nous apprend que la relation entre Daniels et Trump se serait étendue de 2006 à 2007 (loin d’être si éphémère), fustige aussi Michael Cohen, accusé d’avoir usé de « tactiques d’intimidation » envers la plaignante et d’avoir révélé au grand public l’existence de cette clause de non-divulgation sans lui en avoir demandé la permission. Anguilles sous roche par ribambelles.
Début avril, nous informe CNN, Daniels décochera d’ailleurs : « si j’avais su que Trump ne l’avait pas signé, jamais je n’aurais signé cet accord de confidentialité, jamais je n’aurais accepté les cent trente mille dollars ! »
12 marsPas de répit pour Stormy qui – nous apprend le New York Times – se dit prête à rendre à Donald Trump les 130 000 dollars qu’elle a pu toucher si cela lui permet de dire la vérité, et rien que la vérité. C’est ce que l’on peut lire dans une lettre rédigée par son avocat Michael Avenatti. Si Michael Cohen accepte le marché de l’actrice, l’accord de confidentialité signé en 2016 serait alors nul et non avenu. S’il refuse, cela veut dire que Trump a bel et bien quelque chose à cacher…L’astuce est insidieuse, mais belle. L’heure est à la libération de la parole. Stormy affirme sa volonté de faire annuler par la justice l’accord de confidentialité conclu entre elle et Michael Cohen. L’avocat de « Miss Clifford » rappelle au New York Times qu’il s’agit plus d’une simple bagatelle : « c’est une quête de vérité« .
Michael Avenatti, avocat de Stormy Daniels.
20 marsUne autre joueuse entre dans la partie ! Son nom est Karen McDougal et c’est une ancienne Playmate. À l’instar de Stormy Daniels, elle aurait entretenu entre 2006 et 2007 une relation avec la vedette des reality shows, rencontrée au sein du manoir Playboy, détaille le New Yorker, et revue plusieurs fois depuis, au tournoi de golf du lac Tahoe de 2006 par exemple (là même où Trump a rencontré Stormy Daniels). Tenez vous bien, son silence aurait été acheté, pour la modique somme de 150 000 dollars. Géré par un proche de Trump, le tabloïd Herald Tribune aurait purement et simplement acheté son témoignage, dans le but de ne jamais le publier. Ce 20 mars, elle porte plainte ce jour-là auprès du tribunal de Los Angeles. L’une des questions centrales – savoir si la somme déboursée pour acheter le silence de Karen McDougal provient ou non de fonds de campagne illégaux – est toujours d’actualité.
20 mars toujours : un tweet curieux de Michael Avenatti s’insinue sur notre fil Twitter.
Hmmmmm……..#basta #searchforthetruth #whosenext? #buckle-up pic.twitter.com/frvAmT7MBf
— Michael Avenatti (@MichaelAvenatti) March 20, 2018
Comme le relate le Wall Street Journal, Stormy Daniels est passée au détecteur de mensonges en mai 2011, suite à l’entrevue accordée au magazine In Touch. Ce que démontre ci-contre ce fameux tweet posté par son avocat attitré, lequel aurait déboursé pas moins de vingt-cinq mille dollars afin d’obtenir la vidéo du test. Le hashtag d’Avenatti, #searchfortruth, est on ne peut plus clair quant à la finalité de l’affaire. Résultats du test : Stormy Daniels ne mentirait pas en avouant avoir entretenu une relation sexuelle (non protégée) avec le magnat de l’immobilier. Ou, comme il est énoncé dans le test, une « vaginal intercourse« .
25 marsStormy Daniels balance tout dans une entrevue accordée à l’émission culte de CBS : 60 Minutes (grosses audiences au rendez-vous). Ses pensées angoissées avant de faire l’amour à Donald Trump (« tu t’es mise dans une sale situation et de sales choses vont arriver, tu ne mérites que ça« ), ses railleries quant aux tactiques de drague du businessman (montrer à l’actrice un magazine dont il fait la couverture), l’ambiguïté de la relation sexuelle : Daniels affirme que le rapport était consentant, mais qu’elle ne souhaitait pas du tout lui faire l’amour. « Mais je ne suis pas une victime » précise-t-elle au présentateur Anderson Cooper.
Stormy Daniels lors de son entretien à 60 Minutes
« J’étais persuadée, jusqu’au fond de mon coeur, que je faisais le bon choix« , ajoute-t-elle lorsqu’on lui demande pourquoi elle en est venue à accepter qu’on achète son silence à l’aube de la campagne électorale. Les raisons sont limpides : ne pas entacher « une carrière qui a été très difficile à établir » et ne pas exposer ses enfants « à toutes les choses auxquelles je suis exposée aujourd’hui« . À l’identique, quand on lui demande pourquoi elle a initialement nié les faits suite aux révélations du Wall Street Journal, l’actrice raconte que des individus de pouvoir comme Michael Cohen « peuvent faire de votre vie un enfer pas diverses manières« .
Par quelles manières, au juste ? On le devine : chantage, harcèlement, menaces. Des tactiques dont Trump, par l’intermédiaire de ses avocats, est plutôt coutumier (pour vous en assurer, matez donc la super série documentaire Trump : An American Dream). Pour 60 Minutes, Stormy Daniels l’assure : suite à son interview pour In Touch – il y a de cela sept ans, donc – elle aurait été menacée dans un parking, elle et son enfant. « Un mec s’est approché de moi et m’a dit « Laissez Trump tranquille. Oubliez cette histoire ». Puis il a regardé ma fille et a ajouté : « C’est une bien belle petite fille. Ce serait dommage que quelque chose arrive à sa mère ». Puis il est parti« . Par peur, Daniels n’a rien révélé aux forces de l’ordre.
10 avrilLe FBI s’en mêle et organise une escapade dans les bureaux de Michael Cohen, l’avocat susnommé de Donald Trump. Comme le précise la BBC, cela n’est pas sans attiser l’ire du pourvoyeur de fake news, y allant de ses traditionnels tweets furibards : « C’est une véritable chasse aux sorcières ! » (en CAPSLOCK et avec beaucoup trop de points d’exclamation)
12 avrilDans la (longue) des Unes chocs de l’ère Trump, il faudra ajouter cette énième impeccable couverture du Time consacré à l’ouragan Stormy. Quelques jours seulement après le raid du FBI, autant dire que cela fait son petit effet. On ne va pas vous faire un dessin, cette illustration vaut tous les discours.
15 avrilTIME’s new cover: Donald Trump relied on Michael Cohen to weather the storm. Now the President is on his own https://t.co/Z8L5fYLuCO pic.twitter.com/UfTcklwg41
— TIME (@TIME) 12 avril 2018
Mise en ligne d’un article récapitulatif du Monde, intéressant par sa manière d’appréhender l’image médiatique de Stormy Daniels. Celle-ci y est esquissée comme « la femme fatale du moment, celle qui gâche les nuits et la vie conjugale de Donald Trump« . Une icône du X « haïe ou admirée« , un businesswoman aguerrie qui lors de ses performances s’affiche en costume de Wonder Woman, une femme de pouvoir pour ceux et celles qui la contemplent : volontiers méprisée, elle a le courage de « s’opposer à l’homme le plus puissant au monde« .
Ludique est l’évocation de la prestation de Stormy au bar à strip tease Déjà Vu de Nashville : son numéro a pour blaze « The porn star that trumps them all ! », (« la star du porno qui les bat tous »)« . Désormais, la médiatisation de Trump semble indissociable de celle de l’ex pornstar « aux seins XXL« , et inversement. Vraie « boss » du milieu selon Nina Hartley (la patronne du porno éducatif), Stormy Daniels acquiert avec toute cette affaire une dimension qui la rapproche de l’emblème féministe : « Elle a toujours été libre avec son corps, maintenant elle se sent libre de parler » nous assure-t-on. Joli mot.
16 avrilL’étau se resserre. Quelques jours après le raid du FBI, Stormy Daniels, dixit The Indepedent, part affronter Michael Cohen au tribunal, histoire de revenir plus précisément sur ses « méthodes de travail« . Cohen demande à la Cour l’autorisation du droit de regard de ses avocats sur les documents traités – en lien avec le paiement effectué à l’adresse de Stormy Daniels. Des documents qui peuvent éventuellement l’incriminer.
Oui oui, vous avez bien compris, l’avocat de Trump appelle à la rescousses ses propres avocats.
17 avrilL’ouragan continue sa route : Stormy Daniels se retrouve en Une de Penthouse Magazine. Anecdotique ? Clairement. Sauf que l’éditeur de la revue pour adultes a insisté pour que figure sur la couv’ un macaron doré : « Collector’s Edition: Stormy Daniels Exclusive … Making America Great Again« . Le clin d’oeil est plutôt subtil (non).
Moins light : le même jour, comme le relève Xbiz, Stormy Daniels est invitée dans l’émission d’ABC, The View. Aux côtés de son avocat Michael Avenatti, elle décide de diffuser à l’antenne un portrait en noir et blanc de l’homme qui l’aurait menacé dans un parking en 2011, suite à son interview pour le magazine In Touch (rappelez-vous). Ce faisant, l’ancienne actrice, qui sur ABC se dit « fatiguée d’être menacée et brutalisée« , persiste et signe. Oui, sa vérité se fera entendre dans les grands médias américains. L’épaulant, Avenatti précise que toute information pouvant mener à l’identification dudit homme sera dûment récompensée, à hauteur de cent mille dollars. Face aux mauvais dires divers, l’avocat l’atteste : « This is serious business« . A ses yeux, les documents qui resurgiront de ce scandale politico-porno pourraient être cruciaux quant à « l’avenir de la présidence« . Wait and see.
18 avril
A sketch years later about a nonexistent man. A total con job, playing the Fake News Media for Fools (but they know it)! https://t.co/9Is7mHBFda
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) April 18, 2018
« A sketch years later about a nonexistent man. A total con job, playing the Fake News Media for Fools (but they know it)!« . Atone depuis des mois quant à ces déboires, le Président Donald Trump évoque pour la première fois Stormy Daniels sur son fameux compte Twitter. Comme d’habitude, il nie ses dires au nom de la calomnie, des manipulatoires « Fake News », des médias propagandistes et consorts. Air connu.
Affaire tumultueuse oblige, cet article sera régulièrement mis à jour. Restez connectés.
Pornhub continue d’explorer de nouvelles voies pour sa communication en ligne (et plus particulièrement pour leur partie Premium qui est au coeur de leur stratégie publicitaire). Dernier concept en date, le lancement de la série The Visionaries Directors’ Club qui donne carte blanche à un·e artiste pour mettre en avant ses talents au profit du porno en visant le public féminin (nouvelle cible affichée de la marque).
The Gift est la première production de ce type et elle est réalisée par la jeune rappeuse originaire de Brooklyn : Young M.A. Révélée au public avec le titre OOOUUU, Young M.A est ouvertement lesbienne et sa sexualité fait partie des thèmes récurrents abordés dans ses titres. Pour Pornhub, elle a donné sa vision du porno avec un court-métrage, où s’enchaînent plusieurs scènes lesbiennes portées par un très très (très) gros casting : Anya Ivy, Yara Skye, Zoey Reyes, Jenna Sativa, Shyla Jennings, Gina Valentina, Honey Gold, Elena Koshka, Milana May et Ana Foxxx, le tout appuyé par une bande-son conçue par ses soins.
Un ovni porno à la réalisation impeccable (sans doute un peu trop propre) qui mixe villa de luxe dans les hauteurs de Los Angeles, plaisir féminin, porno et rap actuel. Impressionnant de maitrise.
Le chauffage est au maximum et la musique au minimum, tout juste audible. Dans sa camionnette blanche, Nicole attend, garée rue Saint-Jean-de-Dieu, une artère sans habitation de la zone industrielle de Gerland. Brésilienne affable de quarante ans, elle est dans le milieu de la prostitution depuis quatre ans, et fait ses passes quatre ou cinq jours par semaine.
Les choses ont bien changé depuis le jour où une hernie discale l’a empêché de continuer son emploi mal payé dans le nettoyage, ce qui l’a amené sur le trottoir.
Rue Saint Jean de Dieu ©GM/Rue89Lyon
« Les clients ont peur »
Depuis la loi de pénalisation du client d’avril 2016, Nicole nous raconte que « les clients ont peur ». Une menace d’amende qu’elle n’a pourtant jamais vu appliquer, assure-t-elle. Les clients craintifs se font donc plus rares, mais ce sont surtout les répressions policières qui lui sont le plus nuisibles au quotidien. Les rondes qui, souvent, suffisent, dit-elle, à faire fuir le client ; mais surtout les PV pour non-respect de l’arrêté municipal qui interdit le stationnement des camionnettes.
Depuis dix ans, c’est le moyen trouvé par la municipalité lyonnaise, pour éloigner toujours plus loin la prostitution, pas vraiment du goût des entreprises riveraines, selon le discours tenu par la mairie. En vain, car les prostituées préfèrent payer plutôt que de s’en aller. « Pour aller où ? ».
Quatre fois, en quatre ans également, son camion s’est retrouvé à la fourrière et elle a dû payer 135 euros pour le récupérer. Elle raconte essayer de se garer loin des bureaux ou des maisons, mais « la police attaque partout, si c’est pas ici, c’est là ».
Une situation encore rentableNicole a essayé de quitter Lyon plusieurs fois pour se garer le long des routes nationales. Mais « les clients ne connaissent pas », personne n’est venu.
Pour l’instant, à Gerland, la situation reste donc rentable pour cette femme qui ne travaille qu’en journée et rentre tous les soirs à Vénissieux retrouver ses trois enfants. Elle parvient à faire entre six et douze passes par jour, pour lesquelles elle demande 30 euros ou 40 euros.
Et ses clients sont « tranquilles », alors « ça va », mais elle espère quand même quitter son camion et la prostitution « dans un an » avant que cela ne devienne vraiment trop dur.
Depuis une quinzaine d’années, la prostitution est reléguée aux limites périphériques de la ville.©GM/Rue89Lyon
Que prévoit la loi du 13 avril 2016 ?
La loi prévoit une amende pour le client pouvant aller jusqu’à 1500 euros et 3750 euros en cas de récidive. Le texte comporte également un volet social avec la création de « Commissions départementales de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains », présidées par le préfet du département ou son représentant, où siégeront également des représentants d’associations agrées, un médecin, un représentant de la police judiciaire. Elle est censée se réunir une fois par an au moins et discuter des dossiers candidats au « parcours de sortie de prostitution ».
Ce « parcours » permet notamment une aide de 330 euros par mois pour une personne sans enfant à charge et un titre de séjour de six mois les personnes étrangères en situation irrégulière. Pour Antoine Baudry de l’association Cabiria, cette mesure est irréaliste : « 330 euros pour vivre, c’est dérisoire, surtout si l’on prend en compte le fait que les personnes ne pouvant plus se prostituer durant cette période sont souvent sans qualification autre, ne parlent pas français ».
La commission départementale est également chargée d’organiser les stages de sensibilisation à l’intention des clients sanctionnés. Aujourd’hui, près d’une quarantaine de départements ont mis en place une commission (dans la région Auvergne-Rhône-Alpes : l’Ardèche, l’Isère et la Haute-Savoie).
Parquet, préfecture, police : personne n’applique la loi de pénalisation des clients à Lyon
Jusque-là, la loi du 13 avril 2016, qui reprend la rhétorique abolitionniste et appelle les prostituées des « victimes de la prostitution » n’est pas appliquée à Lyon. Deux ans après son adoption définitive par les députés, « aucune procédure n’a été enregistrée, aucune infraction n’a été constatée », expose-t-on au parquet de Lyon.
Contacté par Rue89Lyon, le parquet de Lyon explique : « Pour l’instant, aucune directive n’a été donnée dans ce sens à la police, contrairement au parquet de Narbonne. Classiquement, nous avons une approche de lutte contre le proxénétisme ».
Au parquet de Lyon, on assume « un certain attentisme » sur le sujet car d’autres questions sont jugées « davantage prioritaires comme les violences contre les policiers ou les pompiers ». Et d’ajouter : « sur la pénalisation des clients, c’est une politique pénale qui démarre. Il n’y a pas de directives nationales, ni de demande sociale. Et, par ailleurs, l’infraction n’est pas facilement constatable ».
Selon le ministère de l’Intérieur cité par la revue Sang froid du printemps 2018, 2044 verbalisations de clients ont été dressées sur le plan national, depuis la mise en application de la loi et le 1er décembre dernier.
« Une loi prohibitionniste »
Lilian Mathieu, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la sociologie et de l’histoire de la prostitution, revient sur les enjeux de la « loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées » dite « loi de pénalisation des clients » :
« Il y avait une volonté d’affichage sociétal de la part du gouvernement socialiste. Portée par Najat Vallaud-Belkacem, cette loi se voulait le contre-pied de la loi de sécurité intérieure de Nicolas Sarkozy de 2003, qui pénalisait le racolage. Dans la loi de 2016, les prostituées sont considérées comme des victimes, le PV ce sera pour le client. Or, que l’on attaque l’offre (les prostituées) ou la demande (les clients), on s’attaque à la relation et c’est la prostitution qui est pénalisée.
C’est une loi prohibitionniste dans la continuité de la loi sur le racolage : les prostituées ont été chassées des centres-villes vers les périphéries. Elles y restent. Avec la loi de pénalisation des clients, elles ne sont pas revenues dans les centres-villes. Les objectifs sont les mêmes qu’avec la loi de 2003 : il faut se débarrasser des prostituées du territoire local et du territoire national, avec une petite concession humaniste. Dans la loi de 2016, on leur donne un titre de séjour de six mois en cas de sortie de la prostitution ».
Pas de « parcours de sortie de la prostitution »
Aucune amende ni aucune commission départementale de lutte contre la prostitution, censée aider financièrement des personnes souhaitant quitter la prostitution.
Environ une quarantaine de départements a pourtant déjà commencé à appliquer la loi dans son volet « social ». Pourquoi le Rhône traîne-t-il ?
Joint au téléphone, le Mouvement du Nid rappelle que le préfet actuel était précédemment en poste en Provence Alpes Côte d’Azur, où une commission avait été mise une place à son initiative en octobre 2016, qui avait cependant vite été effrayée par l’ampleur du problème, et les difficultés à réaliser cet aspect de la loi :
« Aucun dossier n’a été accepté, car toutes les personnes demandeuses étaient surtout des Nigérianes sans-papier, qu’il fallait donc régulariser. Le préfet a eu peur d’accepter une seule demande de la sorte et de se retrouver submergé par beaucoup d’autres ».
Contactée par Rue89Lyon, la préfecture du Rhône n’a pas fourni d’explication sur l’absence de cette commission.
Des camionnettes rue Challemel-Lacour, à Gerland. ©GM/Rue89Lyon.
« La prostitution ne baisse pas, elle change juste de lieux »
Antoine Baudry est salarié de l’association Cabiria (association d’« action de santé communautaire avec les personnes prostituées à Lyon » – opposée à la loi). Il constate les effets de la loi de pénalisation.
D’abord il y a, selon lui, le tarissement de la clientèle, notamment à Gerland : « On le voit souvent, comme par exemple le vendredi 12 janvier Allée Pierre de Coubertin, habituellement, il y a plein de voitures qui passent, là c’était désert ».
Le nombre de prostituées lui, a pourtant à peine baissé, l’association Cabiria a ainsi recensé dans sa file active « 1500 personnes en 2016 et 1400 en 2017 », chiffre après lequel Antoine Baudry ajoute vite : « La prostitution ne baisse pas, elle se déplace simplement, vers la Suisse, vers Internet, vers les routes de campagne ».
Daniel Mellier, du Mouvement du Nid (association abolitionniste favorable à la loi), va dans le même sens : « Avant même que cette loi soit votée, elle a été médiatisée et a eu un impact. Son premier effet a été un mouvement de crainte des clients, puis le mécontentement des personnes prostituées car il y avait moins de fréquentations et une baisse des revenus. »
Jérôme Bénozillo, « le capotier », qui fournit une grande partie des prostituées de Gerland en préservatifs, est plus mesuré sur cet effet médiatique de la loi mis en avant par les associations : « Dans les six mois qui ont suivi l’adoption de la loi, j’ai effectivement constaté moins de clients. Mais ensuite, la fréquentation est repartie comme avant. Sur un an, le nombre de passes n’a beaucoup baissé. »
Des rapports sexuels non-protégésSi la loi n’est donc pas appliquée, ses effets se font pourtant déjà sentir sur le terrain et prennent la forme d’une précarisation des conditions de prostitution. Tout le monde est d’accord sur cet aspect.
Daniel Mellier, du Mouvement du Nid : « Il y a la tentation de baisser les exigences des prestations du côté des clients. »
En d’autres termes, les clients demandent de plus en plus de rapports sexuels non-protégés.
Jérôme Bénozillo, « le capotier » : « Un client sur deux demanderait un rapport non-protégé, me disent les prostituées. Auparavant, les clients ne le demandaient que de temps en temps. »
Antoine Baudry de Cabiria voit, lui, des prostituées qui « commencent à accepter des rapports sans préservatifs pour garder des clients ».
Dans ses tournées, il voit aussi, de plus en plus de marcheuses, « un tiers des prostituées environ », comme l’on trouve derrière le camion de Nicole toujours plus loin rue Saint-Jean-de-Dieu, quand celle-ci coupe la rue du Professeur Bernard.
Des passes à 10€Avec la baisse des clients consécutive à l’adoption de la loi, les prix pratiqués ont baissé à, en moyenne, 40 euros l’amour et 20 euros la fellation. Et les prix n’ont pas remonté.
Accompagnée de deux amies, Joyce, 20 ans, Guinéenne arrivée en Europe il y a deux ans, attend debout dans ce no man’s land entre chemin de fer et terrains vagues. En collant fin et sweat, en plein hiver, elle vient ici tous les après-midi depuis le mois dernier et attend, souvent longtemps. C’est pour elle en moyenne un client par jour, auquel elle demande 20 euros, acceptant 10 euros parfois. Elle ne parle pas français et vient d’arriver là. Quand on lui parle pénalisation du client, elle assure qu’elle n’était même pas au courant.
Des policiers municipaux, en ronde dans le quartier. Ils verbalisent les filles pour des raisons variées : application de l’arrêté anti-camionnette, pneu trop lisse, camion non conforme à la carte grise (quand des aménagements intérieurs sont réalisés).
Pour les prostituées, c’est la double peine
Au quotidien c’est la double peine pour les prostituées : des clients qui seraient moins nombreux, ou, en tout cas, qui ont plus de pouvoir pour imposer le tarif et le rapport, et des PV qui tombent régulièrement.
A Gerland, le principal problème pour les prostituées reste en définitive l’application des arrêtés municipaux anti-camionnettes.
Les interventions des polices (municipales ou nationales) sont habituelles. Quand la police passe, les rues sont vidées des camionnettes… qui se réinstallent quelques heures, ou quelques jours, ou semaines plus tard.
On compte toutefois moins de camionnettes. Selon Jérôme Bénozillo, « le capotier », il y a toujours une centaine de camionnettes mais la répression est plus forte car il est notamment plus difficile de sortir les véhicules de la fourrière : il faut désormais que ce soit le ou la propriétaire en personne qui se déplace pour aller chercher le véhicule.
Le Progrès publiait le chiffre de 1120 verbalisations entre janvier et juin 2017 pour le 7e arrondissement.
Rue Saint-Jean-de-Dieu, une prostituée occasionnelle, assistance de vie la journée, nous a avancé le chiffre de « 28 000 euros », somme des PV de 35 euros qu’elle affirme avoir dû payer depuis 2008. Un chiffre difficilement vérifiable.
Une politique locale schizophrèneAntoine Baudry de Cabiria dénonce une politique locale schizophrène : « Si on considère que les prostituées sont des victimes, il faut aller jusqu’au bout et enlever les arrêtés municipaux anti-camionnette ».
A la campagne, cela devient de plus en plus difficile pour les prostituées en camionnette. Les municipalités suivent l’exemple lyonnais, selon Jérôme Bénozillo, « le capotier » : « Dans l’Ain, ou Isère, vers Rives, les municipalités ont pris des arrêtés municipaux anti-camionnettes. En Isère, par exemple, ont été installés des panneaux « interdiction de circuler sauf véhicules agricoles ». Dans ces coins-là, les prostituées ont été chassées par la gendarmerie. »
Certaines prostituées essaient alors de se poser dans d’autres quartiers périphériques de l’agglomération lyonnaise, comme à Vénissieux ou, dernièrement, à Saint-Fons où une quinzaine de camionnettes se sont installées rue Jules-Guesde, le long de la voie ferrée.
Crédit photo 1 :©Tomas Castelazo
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