Le jour du chien est un thriller à l’américaine, modèle narratif et thématique. En effet, dans son nouveau roman, Patrick Bauwen a privilégié l’action et mis en avant le criminel plutôt que le policier. Son histoire rythmée par des chapitres courts est pleine de rebondissements – quelques fois un peu tirés par les cheveux, mais ces surprises susciteront l’adhésion du lecteur qui cherche à comprendre, voire à résoudre, la fameuse « énigme du mal ».
Dans Le jour du chien, le protagoniste qui s’oppose à l’assassin en série est un médecin urgentiste – Chris Kovak, charmeur, adepte de l’humour sarcastique et profondément blessé par la mort de sa femme, Djeen, déchiquetée par une rame de métro trois ans plus tôt.
Un soir où il prend le métro pour rentrer chez lui, Kovak est agressé et blessé. Son agression ayant été filmée et diffusée sur la Toile, quand il se réveille après son opération, le médecin-urgentiste découvre l’inconcevable : sur la vidéo, Djeen est vivante.
Pour rajouter de la complexité au suspense, Patrick Bauwen a choisi de dérouler son histoire en utilisant les points de vue de plusieurs personnages : Chris Kovak ; le meurtrier psychopathe qui s’est nommé lui-même le Chien, Inquisiteur ou Guerrier Saint, et qui semble connaître tous les recoins les plus sombres de Paris, des squats aux profondeurs du métro et aux catacombes ; la juge Audrey Valenti tombée sous le charme du veuf inconsolable et le policier qui enquête sur la nouvelle série de meurtres.
Comme il a réussi à me surprendre de belle façon, je pardonne à Patrick Bauwen d’avoir utilisé l’un des clichés les plus véhiculés pour évoquer le syndrome d’Asperger. Toutes les personnes souffrant de Troubles du Spectre Autistique (TSA. Le syndrome Asperger en fait partie) n’ont pas un QI atteignant les cimes de l’Himalaya.
Il reste que Le jour du chien plaira beaucoup aux amateurs du genre. Un conseil, ami lecteur, ne rate pas un seul indice ! Une bien belle gourmandise que ce thriller !
Patrick Bauwen dirige un service d’urgence dans un hôpital de la région parisienne. Il partage sa vie entre ses deux passions : l’écriture et la médecine d’urgence.L’œil de Caine (2007) a obtenu le prix Polar des lecteurs du Livre de Poche et le Prix Carrefour du 1er roman, Monster (2009), le Prix Maison de la Presse et Seul à savoir (2010), le Prix Littré.
Extrait (p. 12 à p.13)
[…]
Je m’appelle Christian Kovak. Mes amis m’appellent Chris. Je suis médecin aux urgences. Il est vingt-trois heures, et je viens de prendre le métro pour rentrer chez moi après une journée de travail interminable. Dans un peu moins d’une minute, ma vie va changer.
Là maintenant, je suis avachi sur mon siège, les paupières lourdes. Ma tête cogne contre la vitre au rythme des soubresauts du wagon qui parcourt le tunnel. A chacune de mes inspirations, je perçois le parfum caractéristique du métro parisien, mélange d’odeurs humaines, de caoutchouc chaud et de produits chimiques. Certains trouvent cette odeur désagréable. Pas moi : je la trouve rassurante. Elle signifie que votre existence est sur des rails. Tranquille. Le docteur Kovak plongé dans la monotonie. On se lève, on bosse, on rentre, et on recommence. Comme ça, pas besoin de réfléchir.
Au fait que ma femme est morte il y a plusieurs années, et que je suis incapable de remonter la pente, par exemple.
Il n’y a pas si longtemps, nous étions là, tous les deux, nous nous promenions à vélo, pique-niquant dans les parcs en été, déambulant sur les berges du canal Saint-Martin à l’automne, souriant comme des enfants devant les vitrines au moment de Noël. Nous avions nos habitudes, nos rituels de couple : se lever ensemble quel que soit notre emploi du temps, commencer la journée par un café crème, dévorer les épisodes de nos séries télé favorites d’une seule traite pendant le week-end, déjeuner une fois par semaine au restaurant chinois, s’accorder un verre de vin chacun avant une soirée coquine. Deux amoureux vivant dans leur bulle, année après année.
Et d’un coup, plus rien. Désormais, chacun de ces détails est une plaie ouverte qui vous rappelle la mort de l’autre. […]
Le jour du Chien, Patrick Bauwen, éditions Albin Michel 432 pages 21,50 €
L’article LE JOUR DU CHIEN DE PATRICK BAUWEN : PLONGÉE DANS LA NOIRCEUR HUMAINE est apparu en premier sur Impudique Magazine.