Le protocole BDSM : entre l’intention et la pratique est une adaptation par Monsieur Valmont du texte The West Wing Perspective on Protocols: Intent and Practice, by Flagg (Be Very Polite), The Estate, 1/19/99.
Cette façon pratico-pratique d’aborder le bdsm par Flagg m’a toujours fasciné depuis mes premières lectures du site The Estate autour des années 2000. C’est devenu un pilier de ma pensée sur l’échange de pouvoir érotique.
J’aimerais clarifier certains points qui me chicotent depuis un bon moment.
C’est à propos du mot « protocole » que j’ai abordé dans l’article Les protocoles BDSM : entre l’étiquette, le rituel, les codes, les pratiques et à d’autres occasions.
Il existe encore une certaine confusion autour de la définition du protocole que j’aimerais bien éclairer.
Mais d’abord, définissons ce que le protocole n’est pas.
Ce que le protocole n’est pasLe protocole n’est pas le rituel, bien qu’il puisse contenir certains éléments de rituel.
Le rituel est un comportement répété à la faveur d’une situation ou sur demande. Le but du rituel est le rituel lui-même, et les émotions qu’il crée chez la personne soumise et chez la personne dominante. Le rituel comme tel ne varie pas beaucoup; le but ultime du rituel est l’atteinte de sa perfection.
Le protocole n’est pas l’étiquette, bien qu’il puisse l’envelopper dans son enseignement et son intention.
L’étiquette est une expression de soi. C’est une forme sophistiquée de la communication. C’est l’habileté de communiquer avec autrui d’une façon que la personne dominante considère appropriée et plaisante. L’importance fondamentale de l’étiquette et des bonnes manières n’est toutefois pas abordée dans cet article.
Le protocole n’est pas non plus une simple suite de demandes ou même un scénario bdsm, bien qu’il puisse contribuer à renforcer ces éléments.
Ce que le protocole bdsm estLes règles du protocole, ce sont les indications que suit une soumise déterminée dans le but de prendre les meilleures décisions dans l’intérêt de son dominant. Voilà ce qu’est le protocole bdsm.
Le protocole, c’est une structure qui spécifie le comportement et les actions appropriés de la soumise. C’est un ensemble de conditions qui favorisent les besoins, les désirs et les priorités de la personne dominante.
Un protocole bien structuré offre un cadre de confiance tant à la soumise qu’au dominant. Un protocole bien structuré permet de sortir la relation de pouvoir de la chambre à coucher pour l’intégrer à la vie de tous les jours.
La première question touchant le protocole est aussi la plus difficile : « Qu’est-ce que vous voulez? »
Qu’est-ce que vous voulez?Oui, c’est quoi vous voulez exactement, Monsieur le dominant, Madame la dominante? Cette question est moins évidente qu’elle en a l’air. Elle demande réflexion. De la pratique. Et je dirais même… des échecs.
Ma conception et ma pratique du bdsm s’inscrit dans un cadre continu, 24/7 diraient certaines personnes. Pourtant, je n’ai pas du tout envie de gérer tous les gestes posés par une soumise dans une journée. Je n’ai non plus aucune envie de me répéter constamment tandis que les soumises sans initiative, sans énergie ni colonne vertébrale peuvent tout de suite rebrousser chemin.
La structure relationnelle de pouvoir qui s’applique le mieux à ce que je souhaite comme dominant trouve ses réponses dans l’application des trois degrés du protocole que l’on attribue à la vieille garde BDSM :
- le protocole simple,
- le protocole moyen,
- le protocole élevé.
Le protocole simple et le protocole moyen ont tous deux un caractère formel et informel, ce qui augmente leur souplesse d’exécution.
Le protocole simpleDans la vie de tous les jours, je veux que les personnes à mon service soient en mesure d’interagir normalement avec le reste du monde… et jusqu’à un certain point, qu’elles soient en mesure d’interagir normalement avec moi, si je puis dire. Il existe trop d’usages réels et positifs qui répondent aux aspirations d’une soumise pour se perdre dans des rituels inadaptés qui ne collent pas à la réalité.
Cela ne change en rien l’obéissance de la soumise, mais sa soumission doit demeurer somme toute subtile, invisible aux yeux extérieurs. On n’a pas de spectacle à donner.
Élaborer un cadre relationnel de pouvoir avec la soumise me permet de définir ce que j’attends d’elle dans un protocole simple :
- Un rappel constant qu’elle est à mon service et des responsabilités qui s’y rattachent.
- Les comportements permis dans le cadre des limites établies.
- La reconnaissance de mes ordres, demandes et requêtes d’une façon complètement transparente aux regards extérieurs.
- Les comportements de la soumise reflètent mes intentions et ce que je veux comme interaction sur le plan personnel et professionnel.
- L’imputabilité de la soumise, malgré les dérives que peut créer l’habitude qu’elle a de faire des choix dans la vie quotidienne.
Le protocole simple est souvent le niveau le plus difficile à gérer pour une soumise parce qu’il lui offre l’illusion qu’elle peut faire ce qu’elle veut, alors que ses responsabilités de soumise ne s’arrêtent pas durant ce temps.
C’est le protocole qui comporte le moins d’accompagnement pas à pas et pourtant, celui qui offre la plus grande marge d’erreur.
Le protocole moyenLe protocole moyen est le protocole le plus régulièrement utilisé dans les scènes de jeux publics et dans les situations de jeu. Plusieurs parlent de protocole de performance. C’est le niveau que les gens identifient volontiers comme étant du bdsm. :- )
Dans le cadre du protocole moyen, je cherche à modifier le focus de la soumise par le biais des apprentissages suivants :
- Prioriser ses décisions dans un contexte spécifique.
- Offrir du temps et de l’espace aux comportements familiers.
- Connaître les règles qui guident ses actions et ses responsabilités.
- Prioriser et anticiper mes besoins et mes désirs… et ceux et celles en ma compagnie lorsque je le consens.
- Focuser sur nos places respectives dans la relation de pouvoir, quel que soit le temps passé dans le protocole moyen et le protocole simple.
Par ailleurs, le service, l’autorité et l’imputabilité ne diminuent pas lorsque la soumise passe du protocole moyen au protocole simple. Il n’y a pas de temps mort, c’est seulement l’intensité qui change, on pourrait dire.
Les activités bdsm se déroulent, dans la plupart des cas, dans le protocole moyen.
Le protocole élevéLes exigences du protocole élevé sont simples : c’est au doigt et à l’œil.
- Attention complète de la soumise, quelles que soient les distractions.
- Obéissance instantanée et sans délai, sans hésitation ni question.
- La prise de décision et la gestion des priorités de la soumise sont suspendues. De même que ses besoins et ses désirs.
- Tout mouvement ou parole de la soumise est à ma discrétion.
Chaque geste, réponse et comportement de la soumise est évalué, souligné, surligné, marqué au feutre rouge, etc.
En tant normal, le protocole élevé est utilisé sur de courtes périodes à des fins d’instruction ou pour mon amusement ou encore échelonné sur de plus longues périodes dans un contexte de punition.
Chaque protocole possède son ensemble de mots, de postures et de comportements en propre à chaque Maître et Maîtresse, je n’en discuterai donc pas ici.
Les applications du protocoleLes indications contenues dans le protocole établi avec la soumise sont effectives quand je ne suis pas présent. En fait, c’est là l’un des buts fondamentaux du protocole : la soumise apprend à gérer la présence et l’absence du dominant.
Si une de mes soumises fait du magasinage, accompagnée ou non, elle applique naturellement un protocole simple. Si elle rend visite à une connaissance mienne, genre un dominant que j’aime bien, elle entre alors la soumise dans un protocole simple plus formel. Si ce dominant veut se servir de la soumise à diverses fins, celui-ci applique alors un protocole moyen, sachant (et validant) qu’elle sait ce que doit être le comportement approprié en de telles circonstances. Si ce dominant se fâche ou qu’il requiert l’attention absolue de la soumise, celle-ci sait alors qu’elle doit respecter le protocole élevé jusqu’à preuve du contraire.
Avec un peu d’apprentissage, je peux envoyer cette même soumise chez ce même dominant avec des instructions précisant rapidement ce que j’attends d’elle :
« Protocole moyen informel, langage de protocole simple mais formel. Si le dominant fait un usage sexuel de vous, demandez humblement à appliquer le protocole élevé de sorte qu’il n’ait pas à se soucier de vos opinions ou de vos préférences. S’il le souhaite, il peut diminuer le degré de ces protocoles. »
C’est là qu’entre en jeu toute l’imagination fertile d’un scénario bdsm.
Question de mettre un peu de chair autour de l’os.
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