Donner son consentement sur smartphone avant de coucher avec quelqu’un ? Mauvaise idée, disent les avocats. Ils dénoncent le danger : sous prétexte de «prouver» que votre partenaire était d’accord, les app encouragent les viols.
Début 2018, une entreprise néerlandaise fait le buzz avec Legal Fling
(«aventure encadrée»), une app conçue pour éviter tout malentendu. Elle
fonctionne comme un contrat : les deux parties d’un rendez.vous galant signent
un accord formel attestant officiellement de leur volonté
de passer à l’acte. Consentent-ils à la relation sexuelle ? Avec préservatif, ou sans ?
Autorisent-ils des photos ou vidéos pendant l’acte ? Sont-ils d’accord pour que
des mots crus soient utilisés ? Si le contrat est validé sur l’app, les
partenaires peuvent enchaîner. Problème. Loin de prévenir les viols, ce genre
d’app ne peut que les encourager. Pourquoi ?
Les 4 bonnes
raisons de ne JAMAIS signer un contrat sexuel
1. Si une des
deux personnes change d’avis au cours de l’acte, elle n’ose plus le faire, car
elle se sent tenue par contrat de respecter l’accord.
2. Si une des
deux personnes change d’avis, l’autre peut très bien faire la sourde oreille et
considérer qu’un contrat signé l’autorise à exercer son «droit».
3. Si une des
deux personnes change d’avis, mais que l’autre n’écoute pas, le viol ne sera
pas dénoncé devant la justice. La victime se sentira coupable d’avoir dit
«oui».
4. Si la victime
porte plainte pour viol, le fait qu’elle ait d’abord consenti risque
de discréditer son témoignage.
Pour toutes
ces raisons, dès 2018,la plupart des juristes déconseillent fortement d’avoir recours à
ces app. Mieux vaut parler, apprendre à s’écouter, disent-ils. Cocher des
boutons sur un smartphone risque de rendre les partenaires sourds et aveugles à
leurs désirs respectifs. Le projet Legal Fling ne voit d’ailleurs jamais le
jour : il est refusé sur App Store pour cause de «contenu inapproprié» (les
questions sur les pratiques sexuelles consenties). Mais
cela n’arrête pas le mouvement. Actuellement, une dizaine d’app en anglais
envahissent le marché de la paranoïa sexuelle. Elles sont, semble-t-il, très populaires aux Etats-Unis et menacent d’envahir l’Europe. En voici un aperçu.
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YES IS YES
Sur
Yes Is Yes, vous pouvez échanger vos consentements par SMS, sous forme de contrat pré-écrit : «Mon nom est (Andrei Popov). J’ai plus de 18 ans et
je suis en pleine possession de mes moyens. Je consens à avoir des relations
sexuelles avec (Anna Naizorova), le (23 mai 2019). Mon accord sera archivé de
façon permanente et confidentielle sur Yes is Yes, à moins que je ne conteste
ultérieurement l’aspect consensuel de la relation sexuelle.» Une
signature digitale
est censée apporter une protection supplémentaire, mais comme on le voit
rien
n’empêche les parties de se retourner l’une contre l’autre. Si Andrei
Popov
estime qu’il a été violé par Anna Naizorova le fait qu’il ait
préalablement
accepté la relation ne pèsera probablement guère dans la balance… Ce qui
fait de cette appli (payante, comme la plupart d’entre elles)
l’équivalent d’un marché de dupe, sur le plan strictement logique. Ou la parfaite pièce à conviction dans le cadre d’un piège prémédité : un violeur pourrait très bien s’en servir pour faire taire sa victime.
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SAY YES
«Nous
pensons que le consentement ne devrait jamais être ambigu ou imprécis et c’est
pourquoi notre mission est de fournir un moyen simple de savoir si votre
partenaire dit “Oui”.» L’app Say Yes prétend faciliter les choses : «plus
de conversations embarrassées, en quelques clics vous pourrez partager un
moment d’intimité sans stress.» Le mode d’emploi est simple : il faut
s’inscrire avec Facebook puis scanner le QR de l’autre personne, marquer son
prénom dans la phrase «Je veux dire OUI à (Léa, Louis, Truc-chose)» puis
cocher «Je suis sobre». Si vous ou votre partenaire avez bu,
l’application vous défend formellement d’aller plus loin. Le consentement n’est
pas validé par l’app qui émet un signal d’alerte. Techniquement, Say Yes n’a
donc guère d’autre utilité que de faire prendre conscience aux utilisateurs que
l’alcool est incompatible avec le consentement. Sur le plan juridique, en
revanche, ce genre d’app ne peut décemment pas servir de preuve. Un homme peut
très bien utiliser le téléphone de sa victime pour enregistrer son consentement
sur Say Yes avant de la violer.
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YES MEANS YES
Créée
par une association de lutte contre le viol, l’appli Yes Means Yes est
probablement la plus paranoïaque de toutes. Elle repose a priori sur le même
principe que les autres : inscrivez-vous, enregistrez le nom de votre
partenaire puis choisissez entre ces trois options : «Je consens»,
«Je ne consens pas» et «J’ai changé d’avis». Si l’autre a
choisi «Je consens» (comme vous), alors tout va bien : en avant.
Mais, dans leur volonté d’être prévoyants, les concepteurs de l’appli ont
également rajouté l’option «J’ai été violé-e», afin que vous puissiez
dénoncer votre partenaire immédiatement après avoir donné votre consentement.
L’appli encourage donc les utilisateurs-ices tout autant à se faire confiance
(dire «Oui») qu’à se méfier l’un de l’autre (donner tous les détails du «viol»
et le plus vite possible après la relation), ce qui peut paraître quelque peu contradictoire. L’application qui est censée fournir un cadre rassurant à la
relation favorise le sentiment que donner son consentement peut être dangereux (ce qui n’est pas tout à fait faux… mais).
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CONTENTSY
Sur
Contentsy, une application créée pout «répondre aux besoins de la société
moderne» (sic), après avoir lu et signé le contrat de consentement, il faut
filmer son/sa partenaire en train de lire le contrat, afin d’avoir une preuve
plus tangible qu’un simple clic. Il faut ensuite se filmer à son tour en lisant
le même contrat. Une fois les deux enregistrements faits, une fenêtre s’affiche
: «Vous avez consenti», qu’il suffit de valider. Confirmation est
envoyée aux deux partenaires. L’enregistrement audio-vidéo permettra en cas de
litige de s’assurer qu’aucune des deux parties n’était ivre, inconsciente ou droguée.
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YES TO YES
Sur
Yes To Yes, appli spécialement conçue pour les ados, il s’agit d’enregistrer un
accord qui, en 25 secondes, fait le tour de toutes les questions importantes,
car dire oui à du sexe, ce n’est pas suffisant : encore faut-il savoir à
quelles conditions. Du sexe avec ou sans capote ? L’appli propose, par étapes successives,
de faire le même vérification de contrôle qu’un pilote d’avion avant le
décollage. La check-list commence par la question : «Etes-vous prêt à
consentir de façon sécurisée ?» : les partenaires ont le choix de le
faire sur un seul téléphone ou, côte à côte, sur leurs téléphones respectifs.
Il s’agit ensuite d’identifier son état d’esprit : êtes-vous «romantique»,
«échauffé-e», «franchement excité-e» ou «pas intéressé-e du
tout (mais merci de m’avoir demandé)» ? Après quoi, vient le moment de
confirmer que l’on a 18 ans ou plus, que l’on dispose de son libre-arbitre et
qu’on a l’esprit clair. Troisième étape : consent-on à avoir une relation
protégée ? La liste des moyens va de «capote et pilule» à «ni capote ni pilule»
(fortement déconseillé). Dernière étape : il s’agit d’enregistrer sa voix et/ou
de se filmer : «Je consens aujourd’hui (date) à avoir une relation avec
(nom) à tel endroit (adresse) à telle heure». L’enregistrement vaudra pour
preuve. Jusqu’au dernier moment, l’application propose la possibilité de
changer d’avis : «Pardon mais Non». La dernière fenêtre s’ouvre alors :
«Félicitations, vous avez tous les deux consentis. N’oubliez pas de vous
protéger et rappelez-vous que le consentement peut être annulé à tout moment.
Si votre partenaire l’indique, la relation sexuelle doit cesser.» Merci de le signaler.
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CONSENT AMOUR
Officiellement conçue
pour «résoudre le plus important problème de notre époque», Consent Amour est l’équivalent d’un chaperon. Vous craignez que des camarades de campus
ou des collègues de travail profitent d’une fête arrosée ou d’un rendez-vous de
travail pour vous entreprendre ? Au lieu d’utiliser What’s App, vous pouvez
vous servir de Consent Amour pour échanger avec eux. Avantage : l’application
garde en mémoire toute la trace de vos échanges et notamment le fait que vous
ayez clairement spécifié «Je refuse tout contact physique d’aucune sorte.
Non c’est non». Inconvénient : si un homme vous aborde en disant «On
prend un café ?», c’est un peu bizarre de lui répondre «Je refuse tout
contact physique». Le consentement, disponible sous la forme d’un
«Certificat de consentement» (!?) reste dans les archives pendant 30 jours, ce
qui vous laisse suffisamment de temps pour la copier et la mettre à l’abri. Le
certificat inclut des enregistrement audios-vidéo du style : «Moi, Barbara,
née le tant, déclare en mon âme et conscience, que je désire avoir une relation
sexuelle avec XX, en ce jour de l’an 2019.»
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POUR EN SAVOIR PLUS : «Faudrait-il signer un contrat avant de faire l’amour ?» ; «Contrat sexuel : simple comme un clic ?»
LA NOTION DE CONSENTEMENT :
«Pourquoi dire Non: pour exciter le mâle ?»
«Un gay vous drague: que faites-vous ?»
«Pourquoi certain-es soumis-es crient Cornichon»
«Tu consens, oui ou non ?»