«Straight to Hell», fondé en 1971 à New-York par Boyd Mac Donald est sans aucun doute l’un des piliers ayant constitué les fondements de la mise en forme d’une certaine presse gay underground à tendance salace et classée triple X. La première spécificité de STH tient principalement à la publication d’histoires vraies, recueillies au fond d’un backroom au petit matin et fleurant bon le soufre et la sueur.
Les héros de STH sont le plus souvent les lecteurs eux-mêmes, mis en abîme pour leurs quinze minutes de gloire inavouable sur papier photocopié. Les exploits sexuels les plus extraordinaires de tout ce beau monde se retrouvent épinglés au fil des pages dactylographiées à la machine à écrire et illustrées d’une ribambelle d’éphèbes poseurs en noir et blanc. Une pointe de second degré peut aussi parfois faire partie de la recette-miracle rendant ce fagzine particulièrement truculent.
A chaque parution un sous-titre explosif annonce la couleur, dont le plus célèbre: Straight to Hell Magazine: The Manhattan Review of Unnatural Acts. On trouve aussi notamment d’autres perles du type: U.S. Chronicle of Crimes Against Nature; The American Journal of Dick Licking; Feeled and Creemed; Splorch Illustrated; The Official Organ of The Great East Ball Lickers Union; W.H.O.R.E. International; The Society for the Preservation of Quality Blow Job; American Journal of Debauchery… et la liste est encore longue.
On imagine donc assez facilement que STH n’avait pas que des supporters tout de cuir vêtus sortis tout droit d’un shooting de Robert Mapplethorpe. Ce climat un brin tendu n’empêcha guère Boyd Mac Donald d’ajouter le préfixe de « Révérend » à son nom, histoire de faire monter encore un peu la pression du côté des puritains acharnés et son journal d’être tiré à 10’000 exemplaires au faîte de sa gloire.
Boyd présentait volontiers STH en tant qu’objet parodique assorti d’une tribune de libre pensée qui servirait certainement en temps et heure d’outil de travail pour historiens et anthropologues et il n’avait certainement pas tort. Il a capturé à la perfection les heures les plus chaudes de la scène underground ainsi que l’ennemi numéro un: les égarements du commun des mortels dans les méandres de la tentation homosexuelle.
Les tournures stylistiques peu alambiquées et les fautes d’orthographe étaient elles aussi conservées intactes afin de maintenir le réalisme de toute la démarche. D’une certaine manière, STH est le modèle absolu de fagzine trash en accord total avec son lectorat: une forme d’auto-voyeurisme qui en a fait le meilleur ami des onanistes friands de papier. Peu avant sa mort en 1983, Boyd Mac Donald publia encore un dernier livre: «Scum», dans lequel la moindre douche de camping est prétexte à des orgies infinies et les camps de scouts sont tenus par de pervers archétypes de l’abus d’autorité en uniforme. De quoi faire trembler l’Amérique puritaine plus que de raison, sachant aussi que «The truth is the biggest turn-on» (la pure vérité est ce qu’il y de plus excitant au monde) demeure la citation la plus explicite du Révérend Boyd Mac Donald.
Ayant marqué son temps en poussant un peu loin les limites du supportable pour une grande partie de ses concitoyens homophobes déclarés, en créant un objet culte, il fait encore des émules de nos jours. Une rétrospective STH a notamment été réalisée à Berlin en 2008 par le curateur Billy Miller à la galerie Exile durant laquelle l’artiste Jan Wandrag a proposé un hommage intitulé: «Straight To Hell: In Cock We Trust»: un titre à la hauteur de ceux de feu Boyd Mac Donald.
Scum: True homosexual experiences. An S.T.H. Chapbook, Vol. 13, Fidelity Publishing, 1993, ISBN 0962555827
Exposition STH à la galerie EXILE, Berlin http://thisisexile.com/exhibitions/sth/