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Il est courant de penser que le Viagra est la preuve –encore une– de la domination masculine, puisqu’il n’existe aucun équivalent pour les femmes (comme si leur désir comptait pour zéro). C’est effectivement injuste. Mais le Viagra avantage-t-il vraiment les hommes ?
Et si le Viagra était la preuve éclatante du sexisme qui frappe les hommes ? En 1998, le psychosociologue Alain Giami entame une recherche sur la pilule qui vient d’être mise sur le marché par le géant pharmaceutique Pfizer. Le Ministère de la santé s’inquiète de savoir si les «cachets bleus» ne pourraient pas causer des infarctus. Est-ce dangereux pour la santé ? Au cours de son enquête, Alain Giami établit rapidement que le Viagra (citrate de sildénafil) est sans danger. Sans danger… ou presque. Sur le plan symbolique, le Viagra fait des dégâts, puisqu’il renforce les pires clichés frappant les hommes, réduits au rang de pénis sur pattes. C’est ainsi qu’Alain Giami l’expose dans un article écrit à la façon d’un polar. La scène du crime : l’Université de Boston. La victime : le sexe «fort». L’auteur du meurtre : un conglomérat de chercheurs en urologie et d’entrepreneurs travaillant pour l’industrie pharmaceutique.
L’industrie des biotechnologies au pouvoir
Tout commence en 1982 : un chirurgien français, Ronald Virag, découvre que lorsque des hommes s’injectent de la papavérine dans les corps caverneux, leur pénis devient turgescent. En 1983, des urologues de l’Université de Boston se mettent à étudier ce qu’ils appellent le «dysfonctionnement sexuel masculin», qu’ils assimilent à une panne de moteur : pour eux, la cause est mécanique. Ainsi qu’Alain Giami le souligne, l’impuissance était jusqu’ici généralement attribuée à des troubles émotifs, liés (tout comme la frigidité) à des contextes sociaux, conjugaux ou familiaux. Pour les psys et les sexologues, la «perte de virilité» était le plus souvent interprétée comme le résultat soit d’un refoulement, soit d’une mésentente au sein du couple. Lorsque les chercheurs en chimie se mettent à tester les «molécules de l’érection», non seulement ils réduisent l’impuissance à sa seule dimension biologique, mais ils en font une pathologie.
Comment priver l’homme de coeur et d’esprit
La «construction médicalisée de l’impuissance masculine», ainsi qu’Alain Giami la désigne, s’appuie sur l’invention d’une nouvelle entité clinique appelée «dysfonction érectile». Le terme est proposé en 1989 (dans un article intitulé Impotence) par les urologues du «groupe de Boston», qui le définissent comme «l’incapacité à maintenir une rigidité suffisante pour avoir un rapport sexuel». Dans leur article, il n’est question ni de libido, ni de plaisir, ni de désir. Leur analyse se limite à la seule «capacité érectile du pénis». En faisant l’impasse sur le coeur et sur l’esprit des individus, leur nosographie présente l’avantage de justifier une approche strictement fonctionnelle du trouble. Par ailleurs, elle légitime un traitement pharmacologique. Pour mieux le légitimer, elle créé même un effet panique en gonflant les chiffres des soi-disant «malades» concernés : dans leur article, les urologues affirment que 10 millions d’Américains souffrent d’impuissance.
Comment légitimer la vente d’un produit
Il s’avère qu’à peine deux ans plus tôt, en 1987, trois chercheurs (Robert Furchgott, Louis Ignarro et Ferid Murad) ont découvert les effets spectaculaires du monoxyde d’azote (NO) sur le pénis (1). En 1992, la NO devient «la molécule de l’année» et, cette même année, Pfizer dépose son brevet sur le sildénafil. Lorsque les urologues créent le concept de «dysfonction érectile», ils ne font jamais que préparer le terrain à l’invasion commerciale des produits qu’ils entendent bien prescrire aux patients. Dénonçant ce qu’il appelle une «stratégie médico-scientifique», pour ne pas dire une véritable collusion d’intérêts institutionnels et financiers, Alain Giami déplore les effets délétères de cette imposture : Pfizer veut à tout prix éviter que le Viagra soit perçu comme un aphrodisiaque (2). Question d’image. S’appuyant sur la nouvelle terminologie mise au point les urologues, la firme fait en sorte que les pilules bleues ne soient délivrées que sur ordonnance.
Comment créer de nouveaux besoins
Il s’agit de vendre un «médicament». Et pour cela, tous les moyens sont bons… Y compris faire en sorte que les troubles du désir soient identifiés –ou plutôt diagnostiqués– comme un problème de tuyauterie (ce qui fait de l’homme l’équivalent d’un système de vidange) mais aussi comme un «problème majeur de santé publique» (ce qui fait de chaque homme un patient potentiel). Sous prétexte de «dépistage», le lobby pharmaceutique lance des «campagnes d’information et de sensibilisation» des médecins afin que ceux-ci incitent leurs patients à parler de leur vie sexuelle et, si possible, à demander du Viagra sur ordonnance. En parallèle, des campagnes «d’éducation du patient» (selon les propres termes des lobbies qui les sponsorisent) sont menées à grands frais dans la presse (3). La propagande s’appuie aussi sur des colloques au cours desquelles des «experts» sont encouragés à présenter des «données scientifiques» sur la dysfonction érectile, sans questionner le concept même de «dysfonction». Tout le monde est-il dupe ?
Un médicament de confort ?
Pas vraiment. Parmi les consommateurs, beaucoup prennent les cachets dans un but «récréatif» et les achètent sur Internet, sans prescription. Les pouvoirs publics en ont bien conscience : l’Assurance Maladie doit-elle rembourser un aphrodisiaque ? «Le risque de dérapage financier est d’autant plus grand que ce produit hors norme va immanquablement susciter une demande dépassant largement la sphère des hommes souffrant de réels troubles de l’érection» (Le Monde, 17 oct 1998). Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) affirme que la collectivité ne saurait subventionner «l’amélioration des performances sexuelles» des individus (4). Il recommande que le Viagra ne soit remboursé que dans le cas, exceptionnel, des invalides (blessés médullaires et autres) et en profite pour accuser les lobbies d’avoir créé une «nouvelle maladie», c’est-à-dire de «nouveaux besoins auxquels la société serait obligée de répondre».
Réduction du domaine du désir
Les promoteurs de la «dysfonction érectile» n’ont pas partout à fait réussi leur coup. Malheureusement, ainsi qu’Alain Giami le note, le mal a été fait. A cause du Viagra, les hommes qui ont des problèmes de désir sont sommés de se «soigner», c’est-à-dire d’ignorer, voire de nier la part émotionnelle de leur trouble. Sous le contrôle de l’industrie pharmaceutique, la sexualité masculine n’est plus envisagée que sous l’angle génital, mécanique, fonctionnel. Leur corps ne trouve plus place dans l’imaginaire collectif que comme objet à manager. A problème d’«engin», solution technique. On appelle cela la libération. Mais n’est-ce pas plutôt une aliénation ? Dans un tel système –qui impose aux individus la maîtrise de leurs «fonctions» (érectiles ou reproductrices)–, la gestion des organes devient affaire de responsabilité individuelle c’est-à-dire que les hommes et les femmes n’ont plus vraiment le choix : puisqu’il existe des pilules, plus personne n’a d’excuse. Tu te poses des questions existentielles ? Prends des anti-dépresseurs. Tu veux faire carrière ? Prends un contraceptif hormonal (5). Tu veux être un homme ? Prends du Viagra.
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A LIRE : «De l’impuissance à la dysfonction érectile. Destins de la médicalisation de la sexualité» d’Alain Giami, in : D. Fassin, D. Memmi (eds). Le gouvernement des corps, Paris, éditions EHESS, 2004, p. 77-108.
NOTES
(1) pour lequel ils obtiendront le prix Nobel en 1998, quelques semaines après la mise sur le marché du Viagra (Alain Giami, email, mars 2020).
(2) Il n’y aura jamais d’essais cliniques auprès de «volontaires sains» (Alain Giami, email, mars 2020).
(3) «Une campagne européenne d’éducation du patient a été lancée au cours de l’hiver 2001 par l’Association pour le Développement de l’Information et de la Recherche sur la Sexualité (ADIRS). Cette campagne, pourtant financée par l’industrie pharmaceutique, ne comporte jamais le nom des sponsors, ni le nom du médicament. Elle répond, terme à terme, aux campagnes destinées aux médecins, en incitant les «patients» à «en parler avec votre médecin» sur le thème de «comment dire à votre médecin que vous souffrez de troubles de l’érection”.» Source : Alain Giami, De l’impuissance à la dysfonction érectile. Destins de la médicalisation de la sexualité, 2004.
(4) «La position du CCNE servira de fondement à l’Arrêté du 15 janvier 2001 autorisant le remboursement de l’alprostadil en IIC comme »médicament d’exception”.» Source : Alain Giami, De l’impuissance à la dysfonction érectile. Destins de la médicalisation de la sexualité, , 2004.
(5) «La technique permet à l’individu de « se réaliser » en fonction d’un plan, d’un programme, d’un cahier des charges, contraint en grande partie par des impératifs économiques, et soulage ce faisant la sphère publique, les autorités, les collectivités, de la lourde charge de définir ensemble, démocratiquement, des objectifs et un destin commun. » Source : Mon corps ne vous appartient pas, de Marianne Durano, Albin Michel, 2018.
Il est courant de penser que le Viagra est la preuve –encore une– de la domination masculine, puisqu’il n’existe aucun équivalent pour les femmes (comme si leur désir comptait pour zéro). C’est effectivement injuste. Mais le Viagra avantage-t-il vraiment les hommes ?
Et si le Viagra était la preuve éclatante du sexisme qui frappe les hommes ? En 1998, le psychosociologue Alain Giami entame une recherche sur la pilule qui vient d’être mise sur le marché par le géant pharmaceutique Pfizer. Le Ministère de la santé s’inquiète de savoir si les «cachets bleus» ne pourraient pas causer des infarctus. Est-ce dangereux pour la santé ? Au cours de son enquête, Alain Giami établit rapidement que le Viagra (citrate de sildénafil) est sans danger. Sans danger… ou presque. Sur le plan symbolique, le Viagra fait des dégâts, puisqu’il renforce les pires clichés frappant les hommes, réduits au rang de pénis sur pattes. C’est ainsi qu’Alain Giami l’expose dans un article écrit à la façon d’un polar. La scène du crime : l’Université de Boston. La victime : le sexe «fort». L’auteur du meurtre : un conglomérat de chercheurs en urologie et d’entrepreneurs travaillant pour l’industrie pharmaceutique.
L’industrie des biotechnologies au pouvoir
Tout commence en 1982 : un chirurgien français, Ronald Virag, découvre que lorsque des hommes s’injectent de la papavérine dans les corps caverneux, leur pénis devient turgescent. En 1983, des urologues de l’Université de Boston se mettent à étudier ce qu’ils appellent le «dysfonctionnement sexuel masculin», qu’ils assimilent à une panne de moteur : pour eux, la cause est mécanique. Ainsi qu’Alain Giami le souligne, l’impuissance était jusqu’ici généralement attribuée à des troubles émotifs, liés (tout comme la frigidité) à des contextes sociaux, conjugaux ou familiaux. Pour les psys et les sexologues, la «perte de virilité» était le plus souvent interprétée comme le résultat soit d’un refoulement, soit d’une mésentente au sein du couple. Lorsque les chercheurs en chimie se mettent à tester les «molécules de l’érection», non seulement ils réduisent l’impuissance à sa seule dimension biologique, mais ils en font une pathologie.
Comment priver l’homme de coeur et d’esprit
La «construction médicalisée de l’impuissance masculine», ainsi qu’Alain Giami la désigne, s’appuie sur l’invention d’une nouvelle entité clinique appelée «dysfonction érectile». Le terme est proposé en 1989 (dans un article intitulé Impotence) par les urologues du «groupe de Boston», qui le définissent comme «l’incapacité à maintenir une rigidité suffisante pour avoir un rapport sexuel». Dans leur article, il n’est question ni de libido, ni de plaisir, ni de désir. Leur analyse se limite à la seule «capacité érectile du pénis». En faisant l’impasse sur le coeur et sur l’esprit des individus, leur nosographie présente l’avantage de justifier une approche strictement fonctionnelle du trouble. Par ailleurs, elle légitime un traitement pharmacologique. Pour mieux le légitimer, elle créé même un effet panique en gonflant les chiffres des soi-disant «malades» concernés : dans leur article, les urologues affirment que 10 millions d’Américains souffrent d’impuissance.
Comment légitimer la vente d’un produit
Il s’avère qu’à peine deux ans plus tôt, en 1987, trois chercheurs (Robert Furchgott, Louis Ignarro et Ferid Murad) ont découvert les effets spectaculaires du monoxyde d’azote (NO) sur le pénis (1). En 1992, la NO devient «la molécule de l’année» et, cette même année, Pfizer dépose son brevet sur le sildénafil. Lorsque les urologues créent le concept de «dysfonction érectile», ils ne font jamais que préparer le terrain à l’invasion commerciale des produits qu’ils entendent bien prescrire aux patients. Dénonçant ce qu’il appelle une «stratégie médico-scientifique», pour ne pas dire une véritable collusion d’intérêts institutionnels et financiers, Alain Giami déplore les effets délétères de cette imposture : Pfizer veut à tout prix éviter que le Viagra soit perçu comme un aphrodisiaque (2). Question d’image. S’appuyant sur la nouvelle terminologie mise au point les urologues, la firme fait en sorte que les pilules bleues ne soient délivrées que sur ordonnance.
Comment créer de nouveaux besoins
Il s’agit de vendre un «médicament». Et pour cela, tous les moyens sont bons… Y compris faire en sorte que les troubles du désir soient identifiés –ou plutôt diagnostiqués– comme un problème de tuyauterie (ce qui fait de l’homme l’équivalent d’un système de vidange) mais aussi comme un «problème majeur de santé publique» (ce qui fait de chaque homme un patient potentiel). Sous prétexte de «dépistage», le lobby pharmaceutique lance des «campagnes d’information et de sensibilisation» des médecins afin que ceux-ci incitent leurs patients à parler de leur vie sexuelle et, si possible, à demander du Viagra sur ordonnance. En parallèle, des campagnes «d’éducation du patient» (selon les propres termes des lobbies qui les sponsorisent) sont menées à grands frais dans la presse (3). La propagande s’appuie aussi sur des colloques au cours desquelles des «experts» sont encouragés à présenter des «données scientifiques» sur la dysfonction érectile, sans questionner le concept même de «dysfonction». Tout le monde est-il dupe ?
Un médicament de confort ?
Pas vraiment. Parmi les consommateurs, beaucoup prennent les cachets dans un but «récréatif» et les achètent sur Internet, sans prescription. Les pouvoirs publics en ont bien conscience : l’Assurance Maladie doit-elle rembourser un aphrodisiaque ? «Le risque de dérapage financier est d’autant plus grand que ce produit hors norme va immanquablement susciter une demande dépassant largement la sphère des hommes souffrant de réels troubles de l’érection» (Le Monde, 17 oct 1998). Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) affirme que la collectivité ne saurait subventionner «l’amélioration des performances sexuelles» des individus (4). Il recommande que le Viagra ne soit remboursé que dans le cas, exceptionnel, des invalides (blessés médullaires et autres) et en profite pour accuser les lobbies d’avoir créé une «nouvelle maladie», c’est-à-dire de «nouveaux besoins auxquels la société serait obligée de répondre».
Réduction du domaine du désir
Les promoteurs de la «dysfonction érectile» n’ont pas partout à fait réussi leur coup. Malheureusement, ainsi qu’Alain Giami le note, le mal a été fait. A cause du Viagra, les hommes qui ont des problèmes de désir sont sommés de se «soigner», c’est-à-dire d’ignorer, voire de nier la part émotionnelle de leur trouble. Sous le contrôle de l’industrie pharmaceutique, la sexualité masculine n’est plus envisagée que sous l’angle génital, mécanique, fonctionnel. Leur corps ne trouve plus place dans l’imaginaire collectif que comme objet à manager. A problème d’«engin», solution technique. On appelle cela la libération. Mais n’est-ce pas plutôt une aliénation ? Dans un tel système –qui impose aux individus la maîtrise de leurs «fonctions» (érectiles ou reproductrices)–, la gestion des organes devient affaire de responsabilité individuelle c’est-à-dire que les hommes et les femmes n’ont plus vraiment le choix : puisqu’il existe des pilules, plus personne n’a d’excuse. Tu te poses des questions existentielles ? Prends des anti-dépresseurs. Tu veux faire carrière ? Prends un contraceptif hormonal (5). Tu veux être un homme ? Prends du Viagra.
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A LIRE : «De l’impuissance à la dysfonction érectile. Destins de la médicalisation de la sexualité» d’Alain Giami, in : D. Fassin, D. Memmi (eds). Le gouvernement des corps, Paris, éditions EHESS, 2004, p. 77-108.
NOTES
(1) pour lequel ils obtiendront le prix Nobel en 1998, quelques semaines après la mise sur le marché du Viagra (Alain Giami, email, mars 2020).
(2) Il n’y aura jamais d’essais cliniques auprès de «volontaires sains» (Alain Giami, email, mars 2020).
(3) «Une campagne européenne d’éducation du patient a été lancée au cours de l’hiver 2001 par l’Association pour le Développement de l’Information et de la Recherche sur la Sexualité (ADIRS). Cette campagne, pourtant financée par l’industrie pharmaceutique, ne comporte jamais le nom des sponsors, ni le nom du médicament. Elle répond, terme à terme, aux campagnes destinées aux médecins, en incitant les «patients» à «en parler avec votre médecin» sur le thème de «comment dire à votre médecin que vous souffrez de troubles de l’érection”.» Source : Alain Giami, De l’impuissance à la dysfonction érectile. Destins de la médicalisation de la sexualité, 2004.
(4) «La position du CCNE servira de fondement à l’Arrêté du 15 janvier 2001 autorisant le remboursement de l’alprostadil en IIC comme »médicament d’exception”.» Source : Alain Giami, De l’impuissance à la dysfonction érectile. Destins de la médicalisation de la sexualité, , 2004.
(5) «La technique permet à l’individu de « se réaliser » en fonction d’un plan, d’un programme, d’un cahier des charges, contraint en grande partie par des impératifs économiques, et soulage ce faisant la sphère publique, les autorités, les collectivités, de la lourde charge de définir ensemble, démocratiquement, des objectifs et un destin commun. » Source : Mon corps ne vous appartient pas, de Marianne Durano, Albin Michel, 2018.