« Patience. Munyal ! » Cette litanie, leitmotiv du roman Les impatientes, nous hante longtemps après avoir refermé le livre. Répétée à l’envi aux femmes, qui doivent accepter sans broncher le mariage forcé, la polygamie et les brisures de leur rêve d’amour ou d’éducation. L’écrivaine Djaïli Amadou Amal nous touche avec ce roman féministe, qui relate les difficultés des femmes du Sahel, face à un patriarcat qui érige en tradition l’oppression des femmes.
Mariage, silence et patience pour Les ImpatientesDjaïli Amadou Amal nous fait entrer dans l’univers fermé des concessions du Nord Cameroun. Ces lieux de vie et d’emprise familiale, où tout le monde vit ensemble dans un grand domaine subdivisé en maisons. Impossible d’échapper aux lois des autres ou à leurs regards, quand on vit collé à ses parents, ses oncles et tantes, ses cousins et cousines et sa belle-famille. Quels rêves peut-on avoir et comment échapper à son destin ?
Les protagonistes du roman sont prises dans les filets de la polygamie institutionnalisée, qui crée des rivalités féminines féroces et donne tout le pouvoir aux hommes. Un pouvoir qui les réduit inexorablement au silence face aux violences conjugales, car une femme se doit toujours d’être « patiente ». Ces femmes étouffent tout, leurs larmes, leurs souffrances, leur indépendance et leur existence.
J’ai l’impression d’étouffer, de chercher en vain de l’air et de ne pas pouvoir respirer. De ne voir autour de moi que des fantômes. De ne plus jamais pouvoir tenir sur mes jambes. De ne plus retenir aucune information. J’existe sans exister. »
Les impatientes, Djaïli Amadou Amal
L’autrice camerounaise, elle-même mariée à 17 ans, peule et musulmane, parle de ce monde qu’elle connaît de l’intérieur. Elle conte avec une écriture belle et limpide, les affres d’une société où « la volonté d’Allah » pèse sur les âmes, où le groupe s’impose sur l’individu, où les femmes ne voient d’autre issue que de transmettre leurs traumas intergénérationnels. Pourtant, toutes portent en elle une résistance qui fait battre leur coeur et les lie avec un fil invisible. Les guerres féminines ne sont que le symptome de ce mal(e) qui les dévore de l’intérieur.
Les impatientes a obtenu le Prix Goncourt des lycéens 2020 et le Prix Orange du Live en Afrique 2019. C’est un énorme coup de coeur ! 7,90 € aux éditions J’ai Lu.
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