Une fois n’est pas coutume, et le temps m’ayant manqué pour écrire des critiques plus détaillées, vous trouverez ci-dessous les livres que j’ai aimés lire, voire dévorer. En sera-t-il de même pour vous ?
1ère Partie.
- L’âge de l’héroïne de Quentin Mouron, éditions de La Grande Ourse, 114 pages. 15 €
Où l’on retrouve Franck, ce personnage désabusé qui ne sait plus vraiment s’il est dandy, collectionneur de livres anciens ou détective. Toujours accro à la cocaïne, Franck se retrouve à enquêter à Toponah. Face à lui, Leah, serveuse au Jenny’s Dinner. La jeune femme l’intrigue au plus haut point. « Elle semble prête à tuer, […] Est-ce une illusion ? Une adroite mystification ? […] »
Quentin Mouron a encore une fois posé son regard acéré sur une partie du monde, le Nevada. Osé, lettré, rythmé, L’âge de l’héroïne est un roman noir et scintillant, court et troublant qui se lit d’une traite.
Notez que son précédent roman, Trois gouttes de sang et un nuage de coke a paru en format poche 10/18.
Extrait
[…] Un cow-boy gominé s’approche du comptoir. Derrière celui-ci se dresse Leah. Leah. L’adolescente pieuse et débauchée, la vierge sublime et offerte. Un énergumène, une sainte, une salope. Qui s’active tous les jours, tous les soirs au Jenny’s Dinner. Le fast-food possède ses propres sortilèges. Il y a une authentique poésie dans l’alignement des enseignes, dans la reproductibilité des plats, dans la diversité de l’offre. Quand on roule dans le désert, qu’il fait nuit, qu’il n’y a personne – et personne depuis longtemps, depuis qu’on a quitté Vegas, depuis cent kilomètres au moins – rien n’est apaisant comme ces oasis d’huile, de métal, de lumière. Leah, à première vue, incarne la lettre et l’esprit du fast-food : un accueil chaleureux, souriant, fardé, des cheeseburgers savoureux et des pipes dispensées sans empressement, presque avec grâce. Elle n’engorge que les pauvres, les loqueteux, les désaxés, les mutilés, les refoulés, les exclus, les balafrés, les cauteleux ; elle produit ses fellations en chaîne, mais leur ajoute la magie du caprice. […]
- La nuit, nous grandissons de Ben Brooks, éditions La belle colère, 272 pages. 19 €
Traduit de l’anglais par Marie de Prémonville
Jasper Wolf est censé bâtir son avenir mais il a d’autres priorités : s’éclater avec ses potes dont Tenaya, coucher avec Georgia Treely et envoyer son beau-père Keith en prison, histoire qu’il disparaisse de la vie de sa mère et de la sienne. Pour obtenir tout cela, Jasper ne reculera devant rien.
Prises de risques, émotions, angoisses, espoirs, tout est là. Ne vous fiez pas à son apparente frivolité, La nuit, nous grandissons décrit avec justesse ce moment éphémère : l’adolescence. Un délicieux moment de lecture où règnent l’humour noir et la tendresse.
Ben Brooks avait 17 ans quand il écrit ce roman, 19 ans quand il sort en Angleterre (Grow up, Canongate, 2011). A suivre !
Extrait
Il est 8 h 35. Je suis debout à ma fenêtre et je regarde le jardin. Keith est en train de caresser le sol de sa main, s’imaginant sans doute que c’est la poitrine d’un cadavre. D’ici peu, il va sûrement se frotter le visage dans la terre.
Au-dessus de lui, le ciel est tout en strates, comme une glace napolitaine. Saumon. Ambre. Sépia. Elles se chevauchent et se mélangent. Saumonbrépia. Une odeur mêlée de bière, de tabac et de papier règne dans ma chambre. La vitre sent la poussière et le vieux soleil emprisonné. Dans les nuages, les oiseaux se bécotent.
J’allume mon ordi portable et me connecte sur Facebook. A en croire le chat, Georgia Treely est en ligne. Ça m’étonnerait. Le chat de Facebook essaie de me piéger.
Georgia Treely est une fille de mon cours de psycho avec qui j’ai envie de coucher, mais ça n’arrivera pas parce qu’elle croit en Jésus et que sa mère est une bourge qui fait ses courses dans des épiceries hors de prix. Mon seul espoir, c’est qu’elle fasse une bonne crise d’ado contre les valeurs familiales qui la cernent de toutes parts. Si ça devait se produire, je me ferais un plaisir de proposer mes services comme exutoire à sa révolte. Quand mon sexe pénétrera dans son vagin, Georgia pensera à sa mère qu’elle déteste, et à ses insupportables couvre-feux.
Je n’ai jamais adressé la parole à Georgia Treely.
[…]
Tenaya a vraiment l’esprit pratique. Elle ne laisse jamais rien au hasard. C’est ce qui me fait dire que : ou bien elle n’est pas totalement convaincue de la culpabilité de Keith, ou bien elle n’est pas totalement convaincue que la police sera totalement convaincue de la culpabilité de Keith. C’est l’une de ces deux réserves (ou peut-être les deux) qui l’empêche d’embrasser pleinement ma cause.
« On pourrait exhumer sa femme ? » propose Tenaya.
Je la dévisage, hébété. Je suis tout excité. Comment n’y ai-je pas pensé ? C’est la solution parfaite pour incriminer Keith : on va déterrer le corps, appeler la police, et alors Maman sera de nouveau en sécurité et Keith, derrière les barreaux.
- Un homme à terre de Roger Smith, éditions Calmann-Lévy, 320 pages. 20,90 €
Traduit de l’anglais (Afrique du sud) par Mireille Vignol
10 ans ont passé. John Turner, homme d’affaires, et son épouse Tanya, avocate, ont quitté Johannesburg pour s’installer près de Tucson en Arizona. Ils ont une fillette de 9 ans et vivent dans une immense maison depuis que John a déposé le brevet d’un appareil à nettoyer les piscines. Tout irait pour le mieux si John n’était pas tombé amoureux de sa secrétaire au point de demander le divorce. Comme sa femme refuse et tente de le faire chanter, il a imaginé une solution radicale.
Un homme à terre est un roman noir extrêmement violent. Avec maestria, Roger Smith nous entraîne dans la vie de ce couple qui part en vrille dès lors que le hasard s’en mêle. « Le coupable est toujours celui qui se passe la corde au cou. » dit l’auteur. Impossible de lâcher la lecture de cette histoire tant qu’on n’est pas arrivé au point final.
Auteur de Blondie et la Mort, Le sable était brûlant et Le piège de Vernon, Roger Smith est aussi scénariste et réalisateur.
Extrait
Tandis que Lucy et le type chauve approchaient de la porte d’entrée – sous le coup de la panique, et bien que Tanya l’ait récemment traîné à un barbecue ennuyeux à mourir chez cet homme, Turner luttait pour retrouver son nom -, Shorty se colla à lui et il sentit son haleine chaude à travers le trou du masque.
– Tu ouvres la porte, tu me vires ce connard et tu fais entrer ta môme. Déconne pas. tu m’entends ?
– Oui, dit Turner, la voix rauque de peur.
Shorty recula, s’aplatit contre le mur, l’arme braquée sur la tête de Turner.
Un mouvement attira son l’œil de ce dernier et il aperçut Bone qui traversait la pièce, se glissait dehors par la baie vitrée et dépassait la piscine. Le faisceau lumineux d’un des spots du bassin accrocha la longue lame du couteau qu’il tenait dans sa main gantée.
- Parce qu’ils le méritaient de Peter Swanson, éditions Calmann-Lévy, 352 pages. 20,90 €
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Estelle Roudet
Dans le vol de nuit Londres-Boston, Ted Sevenson rencontre la belle et mystérieuse Lily Kintner. Ils bavardent, ils boivent et Ted finit par se dévoiler, sans retenue. Selon lui, son couple est en train de sombrer, sa femme le trompe. La seule solution envisageable est de la tuer. Ça tombe bien, Lily déclare qu’elle est prête à l’aider. Pour elle, des tas de gens méritent de mourir : parce qu’ils mentent, trompent, blessent sans remords. Seulement, la belle Lily n’a pas tout dit à Ted.
Peter Swanson excelle à sonder la nature du mal et à distiller le suspense. Dans cette histoire, qui manipule qui ? A ce jeu très dangereux du chat et de la souris, lequel de ces personnages va gagner ? J’en redemande, oh oui !
Extrait
Cet été-là, je retournai à Monk’s. Ma mère avait un nouveau petit ami, Michael Bialik, un professeur barbu qui enseignait la linguistique à l’université et avait étonnement les pieds sur terre. Il habitait à environ huit cents mètres de chez nous, dans une ancienne grange aménagée où il vivait avec son fils, un prodige du piano appelé Sandy. Michael adorait cuisiner et, pour cette raison, ma mère passait beaucoup de temps chez lui, m’abandonnant Monk’s. Mon travail à la bibliothèque ne me prenant que quatre heures par jour du lundi au vendredi, je passais le reste de ma semaine soit à lire, soit à me balader dans la propriété. J’étais amoureuse et en paix. […]
J’avais prévu de rejoindre Eric à New-York les week-ends, mais quand il vint me voir à Monk’s, il tomba amoureux de l’endroit, ou du moins le prétendit.
[…]
– Tu es devenue quelqu’un de bien, Lily, en dépit de ta mère et de moi, me dit-il, et ce n’était pas la première fois qu’il le faisait.
[…]
Son bureau se trouvait dans un immeuble en pierre de quatre étages sans rien de particulier, à côté d’un Gray’s Papaya. Je m’assis sur un banc en face de l’entrée, repêchai un New York Post dans une poubelle voisine et le dépliai devant moi tout en gardant un œil sur l’entrée du bâtiment. Un peu après 17 heures, quelques hommes en costume accompagnés d’une femme en jupe et chemisier apparurent. Pas d’Eric. Puis il sortit avec deux autres types. Il portait un costume gris clair. Dès qu’ils furent sur le trottoir, ils allumèrent tous une cigarette en même temps. Je ne fus pas surprise de le voir fumer, bien qu’il m’ait dit avoir arrêté le jour de la remise des diplômes. Il n’avait jamais fumé une seule cigarette lors de ses visites dans le Connecticut, mais c’était parce qu’il était deux individus en un. Leurs cigarettes allumées, ses collègues commencèrent à marcher vers le centre-ville, mais lui ne bougea pas, un œil sur son téléphone. Un taxi jaune finissant par se garer devant lui, je crus qu’il allait y monter, mais une rousse vêtue d’une minirobe rétro en descendit et l’embrassa sur la bouche pendant qu’il jetait sa cigarette.
Ils discutèrent un moment, la main d’Eric posée sur sa hanche.
Ma poitrine me faisait mal, le monde scintillait devant mes yeux et, pendant un bref instant, je crus que je faisais une crise cardiaque. Puis le pire s’estompa. Je me redressai, inspirai un grand coup, étudiai la fille. Elle me disait quelque chose, mais il fallait que je voie son visage. Qu’elle soit rousse elle aussi ne faisait que retourner le couteau dans la plaie, bien qu’à cette distance je puisse affirmer que sa chevelure était l’œuvre d’un coiffeur et non de la génétique.
Eric et la rousse firent demi-tour et, pendant un instant abominable, je crus qu’ils allaient descendre du trottoir et traverser la rue dans ma direction, mais ils prirent vers le nord, bras dessus bras dessous. Je les observai par-dessus mon journal et réussis enfin à bien voir le visage de la petite amie d’Eric à la ville. C’était Faith, une Faith aux cheveux roux. A y repenser, je ne fus pas vraiment surprise que ce soit elle – bien sûr que c’était elle -, mais je me souviens avoir été choquée qu’elle se soit teint les cheveux, et qu’ils soient maintenant roux comme les miens. Et cela me mit en colère. Plus en colère que je l’avais été depuis des années.
- Les tribulations de l’expéditif de P.G. Sturges, éditions Calmann-Lévy, 288 pages. 20 €
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Mireille Vignol
Pussy Grace, strip-teaseuse, fait appel à l’Expéditif : Art Lewis, son très riche amant septuagénaire a coupé tout contact avec elle. Pour elle, cela n’a aucun sens. Pourquoi ? Afin de répondre à cette question, Pussy et l’Expéditif pénètre déguisés dans la maison de Lewis qu’ils découvrent mort. Alors que leur virée tourne au cauchemar, ils réussissent à s’enfuir pour apprendre quelques heures plus tard qu’Art Lewis est non seulement ressuscité mais qu’en plus, il vient de se marier. Serait-ce un complot ?
Michael Connelly qualifie l’auteur de « digne successeur de Chandler ». Revoici Dick Henry dit l’Expéditif. L’homme qui aide les gens à se sortir des situations les plus difficiles en usant de tous les moyens radicaux et immoraux. Certains pourraient penser à la série Ray Donovan mais qu’ils se rassurent, pas de ressemblance. Ici sont de mises l’humour noir, l’amour vrai et le loufoque. Et P.G. Sturges est vraiment doué pour que ce « bricolage assez unique » fonctionne. Un très bon moment de lecture à passer !
Extrait
Je retrouvai Puss dans la partie ancienne du Farmers Market. Nous partageâmes un café tandis qu’un immigré laotien lisait les commandes de crêpes en les écorchant. Ce qui me rappela encore une fois que la langue anglaise n’appartient pas aux intellos qui écrivent des manuels inabordables. Elle appartient à ses locuteurs dans le monde entier.
– Il est peut-être encore vivant, dit Puss.
– Non, impossible. Il est mort.
– Ça s’appelle la combustion spontanée, Dick.
– Non, ça ne s’appelle pas la combustion spontanée.
Nom de Dieu.
– Si, si. Je l’ai appris à la fac El Camino.
– Non, t’as rien appris de tel. Et c’est pas ce qui s’est passé. Art est mort.
– Alors il n’est pas marié.
– Il l’a peut-être été sans le savoir. Lors d’une cérémonie posthume.
– Peut-être, mais il est probablement mort.
– D’accord, Puss.
C’était pas gagné.
Puis je vis les larmes couler sur ses joues. Je posai ma main sur la sienne.
– Je suis désolé, Puss. Désolé.
– Je l’aimais, Dick. Et il m’aimait. A sa manière. Je sais qu’il m’aimait. Tu ne crois pas ?
– J’en suis sûr, ma chérie.
Elle sanglotait, je la laissai faire. J’étais tellement abasourdi par la nouvelle que je n’avais même pas songé à ses sentiments. J’étais trop occupé à me projeter en taule.
Pauvre Puss. Combien d’âmes sœurs laissons-nous entrer dans nos vies ? Non seulement ça devient de plus en plus dur en vieillissant, mais il n’y en a pas beaucoup au départ. On surmonte le tressaillement, on suspend temporairement son incrédulité et il nous arrive de réussir.
Adieu à tout ça. Puis on meurt. Mais au cul ces pensées, ou alors il me faut une double Stoli et une dose d’héroïne.
Puss s’était à peu près remise de ses émotions. Elle s’essuya les yeux et tenta de sourire.
– T’as reconnu la femme qu’il a épousée ? lui demandai-je.
– C’est la sœur d’Ellen Havertine.
– Et tu la connais.
– Ah bon ?
– Ouais. Tu lui as flanqué un grand coup de canne dans la tronche.
– Quoi ? Cette pouffiasse ?
Et ouais, Puss. Cette pouffiasse.
- Ce qui ne nous tue pas… de Carole Declerq, éditions Terra Nova, 320 pages. 18 €
1944, pendant l’Occupation. Les Français espèrent un débarquement allié. L’inquiétude gagne peu à peu l’armée allemande qui accentue les duretés perpétrées contre la population française. Maximilien von Wreden, officier du Renseignement allemand, en poste depuis quelques mois rencontre Marianne, étudiante en philosophie. Il en tombe amoureux fou.
Marianne a 21 ans. Elle travaille pour un réseau de résistance. Sa mission est de recueillir des informations sensibles et d’abattre Maximilien.
Carole Declerq signe ici un très beau roman historique ET érotique. Sa plume est brillante. Tous les ingrédients sont réunis dans Ce qui ne nous tue pas… pour que le lecteur n’oublie jamais ses deux personnages.
Extrait
[…]
– Allez, ma poule, à toi de jouer. Tu prends un air dégagé, hein ? Tu viens de faire tes courses à la librairie et tu es sur le chemin de la maison.
Marianne acquiesça. Elle sortit avec une grande respiration, morte de terreur, prête à vomir dans toutes les casquettes de la Wehrmacht réunies. L’instant d’après, son visage avait pris un air dégagé. Elle se mit à marcher lentement, le nez en l’air, comme si elle flânait. La rue de l’Université était presque vide. Elle croisa deux bicyclettes, puis une grosse voiture qui ne roulait pas très vite et qui s’arrêta tout à fait une dizaine de mètres derrière elle. Elle entendit une portière s’ouvrir.
– Marianne !
Elle se retourna. Von Wreden avait un pied sur le trottoir, l’autre était resté sur le plancher de la voiture. Elle prit un air surpris et fit quelques pas hésitants dans sa direction. Encore une mission comme ça et je rentre à la Comédie-Française.
Quand elle fut à deux mètres de lui, elle lui sourit vaguement, car elle ne savait quelle contenance adopter. Fallait-il paraître fâchée, indignée, triste ? Comment se comporter avec un bonhomme qui vous avait mis à la porte de sa chambre comme un sagouin après avoir aspiré vos amygdales pendant près de cinq heures ? Vaste question. Elle n’en avait pas discuté avec Nini. Il la regardait gravement, enregistrant chaque détail de sa personne depuis le petit bonnet jusqu’aux tatanes disgracieuses en passant par le paquet enveloppé de papier brun qu’elle tenait à la main.
– Je faisais quelques achats, tenta-t-elle avec un geste vague vers la librairie pour justifier sa présence de Parisienne dans une rue de Paris.
– Marianne, murmura-t-il en éludant la question d’un petit mouvement en l’air. Je vous ai cherchée partout ! Quelle veine de vous trouver aujourd’hui ! Je n’en crois pas mes yeux !
- Sors de ma vie de Lisa Unger, éditions Le Toucan
Traduit de l’anglais (USA) par Nicolas Zeimet
Ian Paine a quitté les Hollows et s’est installé dans un loft, à New York. En racontant les aventures de Gros-lard, il est devenu un auteur de BD renommé. Gros-lard ne serait rien sans Priss qui le sauve de toutes les situations. Priss, la sulfureuse… Ian l’a rencontrée dans les bois, quand il était enfant. Que serait-il devenu sans elle ? Priss et ses colères… Quand Ian rencontre Megan, il pense qu’elle pourra lui faire oublier son passé. Qu’il va enfin connaître le bonheur.
Quand il s’agit de raconter une histoire qui se délite, en alternant les scènes tragiques et celles où s’installe la tension, Lisa Unger est là. Magistrale.
Extrait
Après ma conversation dans le parc avec Megan, je me suis dépêché de rentrer pour prendre une douche et me mettre sur mon trente-et-un en prévision de notre rendez-vous. J’étais surexcité. Je me sentais plus léger que je ne l’avais jamais été depuis très longtemps. J’étais Tony dans West Side Story : quelque chose allait arriver, quelque chose d’extraordinaire. Je me trouvais à un tournant décisif de ma vie et pouvais sentir l’électricité monter en flèche. Ce qui explique le direct que j’ai pris à l’estomac en trouvant Priss assise sur les marches qui menaient à l’entrée de mon immeuble.
« Salut, étranger, a-t-elle commencé.
Salut » ai-je dit. J’ai voulu lui décocher un sourire, mais il sonnait si faux que je me suis demandé si elle avait compris que je n’étais pas franchement ravi de la voir. « La forme ? Ça fait un bail » a-t-elle répondu. Elle a enroulé une boucle rousse autour d’un de ses doigts. Il était impossible de saisir toutes les nuances de sa chevelure de sauvageonne – blanche, cuivre, or. Je n’avais jamais pu lui rendre justice, du fait de son caractère en perpétuel changement.
« C’est clair », ai-je dit. Je suis venu me planter face à elle, et elle a baissé les yeux sur moi, sa main appuyée sur la rambarde en métal. Une passante nous a jeté un regard interrogateur. « Qu’est-ce que vous regardez ? » lui a lancé Priss.
Chercher l’embrouille, partir au quart de tour : c’était tout à fait elle. J’étais un peu pareil quand nous trainions ensemble. J’ai suivi la femme des yeux, embarrassé. Mais elle avait déjà passé son chemin, sans se retourner, comme toute bonne New-Yorkaise qui se respecte.
[…]
Elle a amarré son regard d’un bleu glacé au mien. « Des trucs à faire ? »
C’est le dernier souvenir clair que je garde de cette soirée. Je me rappelle avoir sombré dans le canapé. Juste une taffe, ai-je pensé. Ça me détendra. J’aurais moins l’air d’une pile électrique quand je retrouverai Megan. C’était cette herbe hawaïenne absolument démente que m’avait donnée mon attachée de presse. N’y touche pas si tu as des choses à faire, surtout. Elle va te retourner la tête, m’avait-elle averti. Je me souviens de Priss, son souffle dans mon cou, ses mains sur mon pantalon.
Priss, arrête. Me fais pas ça.
L’article POUR LES VACANCES, DES LIVRES DES LIVRES DES LIVRES ENCORE ET ENCORE ! (1ère partie) est apparu en premier sur Impudique Magazine.