Sexpress n’est plus drôle. Sexpress a perdu de sa légèreté. C’est Eric Mettout himself qui me l’a dit. On s’est demandés d’où c’est venu. Ca a peut-être basculé avec les débats sur le mariage pour tous et les tombereaux d’atrocités qu’on a pu y entendre. Ou alors ce sont les attentats de janvier et le FN à 25%? Toujours est-il que j’ai du mal à vivre dans l’insouciance en ce moment. Et c’est pas fini.
La nouvelle loi sur le renseignement, qui sera sûrement votée comme un seul homme par le parlement au nom de la sacro-sainte lutte contre le terrorisme, va finir de m’achever. Elle va permettre la surveillance généralisée de tout le trafic internet par des « boîtes noires » qui, via des algorithmes tenus secrets, vont chercher à détecter des « comportements suspects ». Elle va permettre la surveillance par l’Etat sans regard d’une autorité judiciaire. En gros, au nom de Charlie, Big Brother sera mis en production dès cette année, avec juste 31 ans de retard sur 1984.
Oh bah c’est dingue ! Charlie est contre la loi dont la justification est Charlie. pic.twitter.com/Ce6zgkmrEU
— Laurent Chemla (@laurentchemla) 5 Avril 2015
Les tenants du « je n’ai rien à cacher, ils peuvent toujours me surveiller » sont bien naïfs. Parce que d’abord, tout l’intérêt d’un système de surveillance généralisé est de vous faire savoir que vous êtes sous le regard permanent de l’autorité. Michel Foucault n’a pas eu besoin de l’avis du public pour théoriser cela sous le concept de Panoptisme : le fait de se sentir surveillé entraîne l’autocensure. Des machines vont surveiller ce que l’on dit, chacune de nos conversations, chacune des lettres tapées sur nos claviers, afin de détecter des schémas « terroristes ». Est-ce que vous parvenez à discerner le monstre qui est en train de se créer sous nos yeux alors que les politiques et le public applaudissent des deux mains? Il est inéluctable que des dérives s’en suivent, sans parler du risque que cet outil macabre tombe dans les mains d’une dictature. Mais tout le monde s’en fout, puisque, évidemment, « on n’a rien à cacher ».
Pour faire prendre conscience ces questions au grand public, il faut s’attaquer au bas-ventre. Ainsi, John Oliver, journaliste et humoriste anglais qui officie aux Etats-Unis sur HBO, a récemment interviewé Edward Snowden, sorte de John Connor virtuel et héros de la résistance contre l’Etat de Surveillance. Le débat fait rage aux Etats-Unis car le premier juin 2015, les dispositions du Patriot Act qui étaient limitées dans le temps vont finir d’avoir effet. Vous savez, le Patriot Act c’est cette loi américaine votée dans la foulée des attentats du 11 septembre, que les politiques français jurent qu’elle n’arrivera ô grand jamais en France, mais qu’on est en train de reproduire (c’est le New York Times qui le dit). Afin que ces questions parlent à tous, John Oliver a questionné Edward Snowden sur un cas simple : « peuvent-ils voir ma bite? ». John Oliver lui tend une photo (imaginaire?) de son sexe. Et de lister avec Edward Snowden tous les programmes de surveillance américains, afin de savoir si oui ou non la photo de son pénis y est accessible ou non. En résumé, oui : la bite est stockée partout. (C’est en anglais)
Vous pouvez lire le résumé sur le site « Can they see my dick » (peuvent-ils voir ma bite?). Dans cette vidéo, John Oliver réalise un micro trottoir et pose la question : « Si un programme gouvernemental permettait de récupérer vos photos de bites, voudriez-vous qu’il soit arrêté? ». Et tout le monde de dire « oui bien sûr! ». Et vous, les photos intimes, accessibles par l’Etat sans autre forme de procès, vous en diriez quoi?
La Quadrature du Net, une association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, propose à celles et ceux que le sujet interpelle de contacter les élus via un site dédié, appelé « Sous Surveillance« . Plutôt que de leur envoyer une énième pétition, pourquoi pas leur communiquer une photo de nos parties génitales? Histoire de leur mettre sous le nez tout ce qu’ils apprêtent à surveiller…
Mon débit internet se tarit… Ils me surveilleraient déjà? En tout cas, Eric, la légèreté ne semble pas prête à revenir tout de suite.