Cerises de terre.
Je ne suis pas un collectionneur. Je suis un jouisseur.
Bon, il m’arrive d’enfiler… Mais je ne collectionne pas.
J’ai cessé de collectionner sur le chemin de l’école, j’avais douze ans. En laissant choir mon album de timbres magyars dans la flaque d’eau, Gagnon, qui transpirait la jalousie par toutes les pores de son être faisandé, a sonné le glas de cette manie que j’avais jusque-là de la collectionnite aiguë quand j’étais ti-cul : ramasser des roches, des livres, des objets hétéroclites…
Quoi? Tous ces efforts de possession pour en arriver là?
Il y a quelque chose de fétichiste dans ce besoin de collection. Depuis ce temps, je préfère jouir du moment présent.
Par exemple, quand je mange une cerise de terre, je suis dans le moment présent. Oh, je dis le moment présent : elle ne tombe pas du ciel, cette cerise de terre. Elle ne provient pas du supermarché non plus.
J’en mets quelques plants en terre au printemps. Chaque plant fait racine et mature lentement, sans crier gare, avant de donner à l’automne, jusque tard en octobre, une abondance de ce petit fruit d’un bel orange bronzé qui se trouve à grandir dans un calice, le petit sacrament.
Les cerises de terre deviennent gorgées, chaudes et mielleuses, lorsqu’on les fait sécher au soleil. Il faut en saisir une, puis une autre… pour les faire sortir de leur cage et découvrir au toucher, au nez et au goût un fruit légèrement différent du précédent… en chaleur, en couleur, en grosseur… chacune ayant son parfum, sucré ou plus âpre…
La cerise de terre porte plusieurs variétés aux noms charmants : physalis, cerise d’hiver, groseille du Cap, coqueret du Pérou, amour en cage…
Amour en cage!
En grappe, on les appelle des lanternes japonaises, chaudes comme des soumises mûres. C’est un fruit à manger avec les doigts, nonchalamment… ou avec davantage d’autorité.
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