«Mylèèèèèèèèèèèène!», les yeux mouillés, ses fans scandent son prénom depuis la fosse des stades où elle chorégraphie ses apparitions. Comme il se doit après quatre ans de silence radio, la reine Mylène descend dans l’arène pour lâcher quelques larmes devant ses admirateurs éplorés. C’est elle, le messie de la génération désenchantée. En tout cas en France, Suisse, Belgique et Russie. Les quatre contrées où la rousse fait son blé. Ses concerts-messe assurent l’émotion et les larmes précommandées des mois à l’avance par un public éternellement en manque. A contre-courant dans un monde ultra-connecté, Mylène fait sa chochotte en prenant bien garde de ne pas trop lever le voile sur le mystère qui l’entoure lors de ses passages aux 20 heures de France 2 ou TF1.
Première époque
Mais au fait, que reste-t-il du mystère Mylène? Que les choses soient claires: aucun artiste n’est plus méritant d’être aimé qu’un autre, il n’y a donc aucun jugement de valeur sur ses fans. Et je sais de quoi je parle, puisque j’ai aimé la Farmer première époque, «Tristana», «California» et sa vidéo tournée à Los Angeles par Abel Ferrara, les grandes fresques clipées par Laurent Boutonnat, son pygmalion de la première heure, alors inspiré… Je l’avoue sans honte, j’ai aimé Mylène Farmer. Aujourd’hui, certains de ses textes, «Pourvu qu’elles soient douces» en tête de liste, demeurent éblouissants d’ambigüité. Y a-t-il quelqu’un pour protester jusqu’ici? Non? Bon, continuons.
J’ai lâché l’affaire…
A l’instar de nombreux de ses premiers fans, à mesure que la recette a pris son rythme de croisière, mon intérêt pour Farmer est allé décroissant. J’ai fini par lâcher l’affaire au tournant du nouveau millénaire. Comme la plupart, j’observe de loin ses retours orchestrés comme du papier à musique et calibrés sur le calendrier des NRJ Music Awards. Certes, la spontanéité n’a jamais été son fort. Et pour cause, il y a des années lumière, en troquant sa permanente brunette pour une tignasse flamboyante tenue par un catogan après ses premiers singles, elle a construit son propre mythe en s’enfermant dans un mutisme mélancolique.
Pourtant, lorsqu’elle chantait «Maman a tort» aux côtés de Jacky dans Platine 45, elle n’avait rien d’une dépressive chronique effarouchée par des caméras de télévision. Au contraire, elle avait tout d’une sale gamine. Au fil des ans, ses passages télé se sont raréfiés, renforçant ainsi le mythe de la star tourmentée et secrète. De ce paradoxe, elle est complice. Comme me le disait un jour une proche de la chanteuse: «Mylène était une vraie écorchée au début de sa carrière. Elle exorcisait ses maux à travers ses chansons. Mais depuis le milieu des années 90, elle a pris un virage Las Vegas avec ses shows grandiloquents et elle a transformé ses fantômes en machine à fric».
N’en déplaise à ses plus fervents défenseurs, on peut se demander si ses rares interviews ne le sont pas uniquement parce qu’elle n’a pas grand-chose à dire. Récemment, Laurent Delahousse semblait ramer sur le plateau de son journal face à la «timidité maladive» de Mylène, visiblement submergée par l’émotion d’avoir retrouvé, enfin, ses fans à Bercy. Ah ça, pas évident d’obtenir une phrase qui se termine avec elle. Elle en a même fait des titres: «Ainsi soit je», «Avant que l’ombre»… Trop émotive, notre Mimi! Mais bon, au lieu de bougonner dans notre coin à vouloir à tout prix lui chercher des noises, gageons qu’au milieu de tant de pathos, la vérité est indéniable: sa plus belle histoire d’amour, c’est vous.
Mylène Farmer, Timeless Tour, les 18 et 19 octobre à Palexpo, Genève.