Au cours de ses vingt ans d’existence, on aura reproché au mensuel gay
Têtu, disparu cet été, à peu près tout et son contraire. Et si ces critiques dessinaient en creux un portrait de la communauté LGBT ?
La disparition cet été du magazine Têtu a suscité une vague d’hommages et de marques de solidarité, mais aussi des réactions d’indifférence, d’hostilité, voire de joie mauvaise. En vingt ans d’existence, que n’aura-t-on pas reproché à Têtu, victime de tant de caricatures ? Entre mille autre choses (parfois contradictoires), on lui a notamment fait grief (non sans raison) de ses cover boys trop beaux, trop imberbes, trop musclés, trop jeunes, trop parfaits et certainement pas représentatifs des gays dans leur diversité (sans même parler des lesbiennes !). Mais les numéros sans cover boys sont aussi ceux qui se sont le moins vendus… D’où cette hypothèse : et si les défauts reprochés à Têtu étaient aussi ceux d’une grande partie de la communauté LGBT ? Avec Têtu, les gays n’ont-ils pas eu le journal qu’ils méritaient ? Trop consensuel dans son militantisme, trop parisiano-centré, trop attiré par la mode et le luxe, trop oublieux de son histoire, trop partisan et trop dépolitisé à la fois, trop superficiel, trop embourgeoisé… Toutes ces critiques que l’on a adressées à Têtu, pour certaines à juste titre, pour d’autres avec une bonne dose de mauvaise foi, ne dessinent-elles pas en creux le portrait de nombreux gays et de nombreuses lesbiennes ? Sa chute n’est-elle pas aussi liée, en partie du moins, au déclin de l’idée de communauté chez les personnes LGBT, à leur volonté forcenée d’assimilation républicaine, à leur désir de plus en plus évident de reléguer l’homosexualité dans la sphère privée ? Certain-e-s spéculent déjà sur l’avenir et font le pari que, dans l’espace vide laissé par la disparition de Têtu, s’engouffrera bientôt un nouveau magazine plus queer, plus militant, plus beau, plus culturel, plus paritaire, qui fera l’unanimité dans la communauté et se vendra bien sûr comme des petits pains, prouvant par-là que la disparition de Têtu aurait pu être évitée par un changement de sa ligne éditoriale. On aimerait y croire. En attendant que ce miracle se produise, nous vous proposons à partir de ce cent-troisième numéro un Hétéroclite renouvelé, aussi bien dans la forme (maquette, polices, mise en page…) que dans le fond (avec de nouvelles rubriques et plumes). Sans la prétention d’échapper à toutes les critiques auxquelles a du faire face Têtu, mais avec l’ambition de faire un magazine selon notre cœur – et, on espère, selon le vôtre également.
www.tetu.com
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