I – Le consentement à l’inégalité n’est qu’une arnaque
Bourdieu, dans le dernier chapitre de son torchon idéologique La domination masculine, rejoint bien d’autres phallophiles dans son idée d’un îlot social où s’éprouverait la sexualité. En guise d’analyse sociologique, il a recyclé un mythe patriarcal : la « pénétration sexuelle » vue comme un acte magique isolé de la domination masculine. Pure affirmation qui nie les faits les plus criants.
Les hommes agissent dans un contexte et non comme des astronautes qui alunissent pour cueillir les Mystères de La femme. Le contexte dans lequel les hommes noues pénètrent est une société sexiste, haineuse des femmes, organisée par l’inégalité à tous ses niveaux : exploitation, menace de viol et d’anéantissement, viol et meurtres de masse, et usage unilatéral de la violence et de l’insulte dite « sexuelle ».
Les raisons invoquées sont pour le moins suspectes :
- « le devoir de procréer » … quand on sait que les hommes dans les patriarcats tuent et violent en masse les enfants et que nombre de patriarcats organisent la pénétration non reproductive ;
- « la pulsion irrésistible » ou « le cri de la couille sous pression » … quand on sait que chaque homme, de même qu’à une autre échelle chaque société sexiste, agit selon une stratégie particulièrement bien rodée …
Dans ce contexte et pour ces raisons le « consentement » n’est que reddition.
II – Quand l’Homme créa le sexe de la femme.
Les hommes, comme caste dominante, ont littéralement créé un organe sexuel chez les femmes : le vagin.
En effet, cet organe, d’un point de vue biologique, est un organe reproducteur. Non pas sexuel. Il est la continuité de l’utérus, pour dégager celui-ci de l’étranglement osseux du pubis.
Il n’est pas fait pour la pénétration telle qu’elle est pratiquée par les hommes :
* profonde (qui détruit donc le col de l’utérus)
* compulsive (hors projet de procréation)
* frénétique (quelque soit l’état d’excitation de la femme, les hommes organisent la pénétration, y compris en déversant des kilotonnes de lubrifiant à une population qui a un lubrifiant naturel)
* invasive (et vouée à s’étendre à tous les orifices des femmes).
* sadique et vouée à multiplier les risques pour les femmes. Les hommes au fil des millénaires multiplient les pratiques à risques sanitaires :
- ils pilonnent plusieurs femmes en même temps [coépouses, femmes en prostitution, maîtresse, fille ou nièce, fillettes par leurs réseaux du tourisme du viol]
- par tous les bouts possibles [répandant les virus qui provoquent le cancer ou d'autres maladies mortelles ou invalidantes ou les bactéries de l'intestin, par une pratique, la pénétration, qui multiplie les risques de transmission pour les femmes].
Dans les faits : d’un point de vue biologique et d’un point de vue des pratiques sociales (au vu des risques de douleur, lésion, grossesse, transmission de maladie), le vagin n’a rien à voir avec la « sexualité récréative » que les hommes y voient.
Les risques qu’ils noues font encourir n’ont rien de naturel, la pénétration comme pratique sexuelle n’a rien de naturel. Donc le plaisir qu’ils tirent de toute cette mascarade coïtale ressemble fort à ce qu’ils font dans tous les autres domaines : domination.
Ils ont créé le vagin comme organe sexuel par le viol systématique. Ainsi, une pratique invasive impliquant des risques mortels (mort en couche, IST) ou vitaux (grossesse non désirée) est devenue : a) dans les sociétés traditionnelles, un « devoir »; b) dans les sociétés post-sadiennes, et plus encore depuis la revanche pornographique de la « libération sexuelle », une « sexualité de plaisir ».
En transformant le vagin en organe sexuel, les hommes comme caste ont, dans un même geste de violation, colonisé les femmes et naturalisé cette colonisation.
Au point qu’ils ont nommé l’orifice du vagin : « entrée du vagin », signifiant clairement que cet organe était « fait pour » être pénétré et bâillonné, et non plus pour faire sortir la vie (enfant et sang).
Au point qu’ils ont fini par nommer cet orifice : « trou », signifiant clairement que cet organe n’existait pas, et était « fait pour » être anéanti, non plus pour faire s’écouler la vie des générations et le sang de la création.
Avec l’offensive porno de ces 50 dernières années, la bouche d’abord (avec Deep Throat, où tout le film a été réalisé à coups de viols, séquestration et menaces de mort à l’encontre de Linda Boreman) et l’anus (avec Dernier Tango à Paris, où la sodomie était une viol de Marlon Brando contre Maria Schneider) sont devenus d’autres « entrées » dans notre corps.
Les hommes ont créé des « spot sexuels » sur notre corps, des « entrées » pour leur pénis. Comme les colons envahissent un territoire en créant d’abord un comptoir, une zone de débarquement, pour créer une brèche dans l’intégrité physique, puis désorganiser profondément les circuits vitaux, et enfin mettre sous contrôle, en lardant le territoire de no-man’s-land. [lire Andrea Dworkin, chap.7 d’Intercourse].
Trois man’s land.
Tous trois renommés « trous ». Car le pilonnage intensif laisse des traces, et qu’il est primordial pour les hommes de nommer explicitement leurs cibles et leurs victoires.
Une seule solution : autre chose que la pénétration.
Pour inventer une sexualité non reproductive, non soumise aux risques mortels ou vitaux.
Pour inventer une sexualité de plaisir, basée sur nos organes sexuels : clitoris et nymphes. (« L’éjaculation féminine » qui se produirait par une pénétration appuyée ou profonde n’a rien d’une preuve que le vagin serait « fait pour la pénétration ». La lubrification est une réaction physiologique au risque d’abrasion et de lésion, donc loin de prouver qu’il faille pratiquer la pénétration compulsive, elle prouve qu’il faut procréer de manière moins brutale et moins profonde. Qualifier cette réaction « d’éjaculation », comme qualifier le clitoris de « petit pénis qui peut bander », sont autant de réquisitions viriles de notre anatomie pour noues faire croire, avec Gallien, que le sexe féminin est un organe en miroir du sexe masculin, le fourreau « fait pour » l’épée).
Pour en finir avec ces mesurettes de « prévention » : les campagnes de diffusion de préservatifs, pilule et pour l’avortement. Ces mesurettes détournent les énergies des féministes et sabotent notre libération (qui est se tenir à distance raisonnable de la première source de violence au monde, les hommes). Car
a) elles sont dangereuses (le lubrifiant noues surexpose au risque d’IST, le suivi presque à vie par les gynécologues à cause des risques occasionnés par la pénétration et l’avortement renforcent le contrôle de la médecine patriarcale sur noues), toxiques pour noues (pilule à cancer, latex à allergies) et la planète (plastique de l’industrie porno-sex-toys, hormones de synthèse).
b) Mais surtout, elles organisent la pénétration compulsive ! En effet, l’avortement, la pilule et le préservatif transforment définitivement le vagin en man’s land, car le pénis y a plus sa place qu’un enfant ou nos règles.
Enfin pour restaurer une intégrité physique qui définira très clairement le viol … comme violation. Car en patriarcat, les pratiques sociales (masculines, policières, judiciaires, médiatiques) sont tellement imprégnés de culture de viol qu’il n’est pas rare d’entendre, en guise de classement (moral ou institutionnel) d’affaire de viols, des phrases comme :
« Vous savez, c’est parole contre parole, car la différence entre un rapport sexuel et un viol, c’est le consentement de Madame » …
Ce qui veut dire que :
- L’intentionnalité coupable de l’agresseur (sadisme, volonté d’anéantir, envie de triomphe, projet d’effacer l’altérité) serait sensiblement la même que l’intentionnalité du partenaire sexuel**.
- Les femmes consentiraient à des pratiques qui peuvent être qualifiées de viol, au sens d’actes commis par l’usage de la menace, la contrainte, la surprise ou la force.
Or il n’y a rien de plus vrai !
Les hommes sont pas peu fiers de leur « sexualité sans sentiments » caractérisée par la froideur affective, l’égoïsme, la plaisir à « faire l’homme » et à contrôler les actes … par leur industrie pornographique, ils célèbrent même une sexualité « offensive », puant la passion haineuse, fleurie de regards agresseurs et d’insultes.
Les femmes, elles, consentent à une « sexualité » masculine faite de :
- menaces (les « mots sexuels », courtois, argots ou porno, ne sont qu’insultes et menaces de viol ou de dol);
…. pratiquée par des hommes qui agissent en usant de :
- la contrainte (pesant de leur poids sur noues, noues surplombant de leur taille, noues coinçant contre le lit ou le mur ou par une position où noues n’avons plus aucune prise sur eux ni de liberté de mouvement)
- la surprise (ils sont en position d’initier les actes, de désirant, alors que noues sommes en position de « répondre », de « consentir » et d’être « excitées » uniquement par leurs actes sur noues, ce qui crée une hiérarchie des désirs et des décisions)
- et parfois la force (les « jeux » du SM-chic).
Les spectacles de Jean Marie Bigard – qui en un soir peut rassembler 5000 personnes – ou la prose des « libertins » comme Philippe Caubère ou le succès organisé de 50 shades of Grey sont des exemples de la culture du phallus vengeur ou tout permis qui imbibe toutes les couches sociales. De fait, les « pratiques sexuelles » dans un patriarcat sont organisées de telle manière à blanchir tous les viols, et tous les viols, même les plus brutaux (crime organisé, sadisme, torture, barbarie, mutilation) sont voués à être estampillés « sexualité » (prostitution, BDSM, pornographie, sodomie, fellation, gang bang, labioplastie, vaginoplastie) [lire « La violence sexiste occultée dans l’affaire DSK » ou « Quand une femme est agressée, le doute n’est pas permis« ].
Or si on redéfinit le viol comme violation de l’intégrité physique :
1) on se débarrasse de quelques épines rhétoriques en matière de viol …
« Monsieur, on a retrouvé du sperme (ou du lubrifiant) dans le vagin de Madame … qu’y faisait votre pénis ? Aviez-vous l’intention de procréer ? Prouvez-nous que vous aviez tout prévu matériellement: logement, budget, etc. Rien de tout ça ? Vous êtes coupable de violation ! … On a retrouvé du sperme dans la bouche de Madame … qu’y faisait votre pénis ? Vous êtes coupable de violation et de tentative de meurtre par étouffement ! Que faisait votre pénis dans son anus ? Vous êtes coupable de violation et d’acte de torture ! On a constaté des lésions sur le vagin de Madame. Ce n’était pas un pénis, c’était un bâton, qu’est-ce qu’il faisait là ? … vous appelez ça un « god » ? vous vous prenez pour qui ? Acte de torture !« .
2) on introduit le viol dans l’atteinte aux droits humains et on réhabilite les femmes comme sujet des droits humains.
Car la pénétration, et ses pratiques actuelles (assortie d’insultes, de gestes humiliants comme tenir les cheveux ou éjaculer au visage, de menaces de viol [les hommes disent qu'ils "défoncent" ou "enculent" quand ils envahissent par l'anus]…), déroge point par point à un des principes premiers des droits humains qui est le droit à l’intégrité physique et morale de la personne humaine. De plus, le viol par coït, en tant que ciblant les femmes, et les femmes comme reproductrice, serait qualifiable de torture et acte de génocide (voir qualifications proposées par Catharine MacKinnon dans Kadic v. Karadzic).
3) on entame une réelle décolonisation mentale, car rien n’est pire pour un être opprimé que d’être envahi physiquement par son oppresseur. Rien n’est plus destructeur de l’intégrité mentale, de l’espoir d’en réchapper un jour que d’avoir le colon en soi. Si, peut-être une chose : aimer son colon. Ressentir un attachement traumatique pour lui, alors que les hommes sont notre première cause de mortalité, et pratiquement la seule cause de viol. Pire, voir une source de plaisir dans la pénétration, alors qu’elle est la cause majeure de notre souffrance en tant que femmes (la peur du viol, la peur de la douleur, la haine de nos règles, la honte pour notre être et la peur de la grossesse). Ce n’est pas un hasard si la préoccupation majeure des conjoints violents est de pilonner leur femme, à des fins récréatives et reproductives. Ce n’est pas un hasard si le souci majeur des manuels de sexologie ou des industries proxénètes est d’inonder les femmes d’injonctions à jouir de et sous la trique. Ils savent que l’on aliène définitivement les subalternes en les envahissant, en les colonisant de l’intérieur (et quoi de plus efficace qu’un fils du Père), et en leur donnant l’illusion d’y réaliser leur être et leur plaisir. Ils le savent par cette conscience dominante de leur domination, que les sexologues et les psychanalystes du siècle dernier ont parfaitement illustrée [lire Sheila Jeffreys The Spinster & her Enemies].
4) on en termine avec les mesures de libéralisation ou d’industrialisation de l’accès des hommes au vagin : les bras de fer autour de l’avortement ou de la prostitution. Il n’y aura plus besoin de réclamer aux hommes de noues laisser avorter pour affirmer notre « liberté à disposer de notre corps » car, en dehors des viols aggravés (qualifiés par la simple présence du pénis dans la vagin hors désir d’enfant de Madame) et des maladies fœtales graves, il n’y aura plus de grossesses à interrompre. Il n’y aura plus besoin non plus de faire des contorsions rhétoriques pour qualifier les crimes commis au nom de la prostitution par tous les hommes s’y affairent, prostivioleurs ou proxotueurs.
La pénétration est violation.
Une seule solution : Autre chose !!
Décolonisons nos vies, fermons les frontières de notre être à l’ennemi !
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Le mythe de l’orgasme vaginal, Anne Koedt, 1970
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** Il est étonnant de voir que les analyses biologiques dans des affaires de viol se cantonnent à rechercher la présence de sperme et les traces d’infection. Pourquoi ne fait-on pas de recherche sur la composition du sperme ? Il doit bien y avoir une différence physiologique entre la sécrétion d’un homme qui désire autrui et celle d’un homme qui veut déshumaniser l’autre, non ? Ou peut-être pas … car, dans nos cultures du viol, désirer une femme n’est rien d’autre pour un homme que s’exciter à l’idée de l’anéantir ou la posséder, prendre plaisir à se sentir sujet d’un acte sur l’autre, devenu objet réactif voire passif, bref, désirer la faire « femme », et lui « homme ».