La série Sex/Life raconte le dilemme de Billie, femme mariée et mère de famille, obsédée par ses souvenirs de jouissance sexuelle avec son ex (toxique) Brad. En pleine crise existentielle, elle se demande où est passée cette femme hypersexuelle qu’elle aimait tant et qu’elle sent toujours présente en elle. Malgré des défauts, voici six raisons d’aimer le regard féministe et sex-positif de la série !
1. Billie est une B.I.T.C.H assuméeBillie veut retrouver son âme de BITCH ! Oui, une âme de « salope », mais surtout de « Baiseuse Indépendante Tout Comme les Hommes ». Billie a des envies sexuelles plus fortes que son mari et sa libido de couple en berne la frustre de plus en plus. Cela déclenche en elle ses souvenirs de sexualité fougueuse pré-mariage, et notamment de sa sexualité avec Brad.
Choix scénaristique assez rare pour être souligné : on nous montre une femme mariée et mère bouillonnante de désir sexuel, et qui assume publiquement son envie de wild sex. La mère et la putain enfin réunies à l’écran, plutôt que d’être opposées, hallelujah !
Montrer une femme actrice de sa sexualité, qui exprime ouvertement ses désirs et frustrations, malgré un statut d’épouse et de mère est un move positif. Cela va à l’encontre des représentations féminines habituelles.
Sigmund Freud avait théorisé l’idée de l’opposition entre la mère et la putain, comme phénomène régulant le désir des hommes envers les femmes. Pour résumer, il y a la figure de la « putain » (la femme qui est désirée sexuellement mais rabaissée) et de la « mère » (la femme aimée et si respectée, voire sublimée, qu’il n’y a plus de désir sexuel pour elle, pour ne pas la « souiller »). On a coutume de dire qu’un mari infidèle part à la recherche de la putain, tout en gardant la « mère» à la maison. Partant de ce postulat, il devient transgressif de la part de Sex/Life de montrer qu’une « mère » est aussi une « putain ». La série permet aussi de se demander si fantasmer c’est tromper » ?
2. Le cunnilingus, la masturbation féminine et le cerveau sont au cœur du plaisir sexuelIl y a beaucoup de scènes de sexe dans la série Sex Life, il faut vous y attendre ! Cependant, on y montre une sexualité féminine avec un female gaze et c’est important de le mentionner. Premièrement, la plupart des scènes où Billie prend son pied ne sont pas basées sur la pénétration. Des cunnilingus excitants, des orgasmes en se masturbant, l’excitation de voir le corps nu de son mari dans la salle de bain, ou ses souvenirs avec Brad… toute l’excitation de Billie fonctionne sur des mécanismes associés au féminin. La pénétration est aussi présente, car cela procure aussi du plaisir aux femmes, mais elle n’est pas montrée comme le seul et unique point central de plaisir et d’accès à l’orgasme. Le pouvoir du fantasme et des souvenirs est un énorme turn-on, donc célébrons la mise en avant de cette réalité trop souvent niée. La série Sex Life est réalisée par Stacy Rukeyser, adapté de l’autobiographie « 44 chapters about 4 men » écrite par l’américaine B.B Easton. Ainsi, c’est une création combinant deux regards féminins.
3. Le stéréotype mari ennuyeux / amant fougueux présente quelques subtilités intéressantesLa série a l’audace de montrer une réalité non binaire de la vie de couple et de la vie de parents. Billie n’est pas dans un « burn-out » total de sa vie d’épouse et mère de famille. Cela contraste avec la protagoniste de la série « Mytho« , en dépression profonde et rejet de sa vie de mère. Billie n’a pas non plus perdu tout désir pour son mari, bien au contraire, elle en veut plus ! Spoiler alert : une des premières scènes montre Billie en train d’initier l’acte sexuel dans le lit conjugal. Son mari simule le plaisir, car il essaie de continuer de regarder le match de foot en même temps.
Quand il tombe sur le journal intime de Billie et réalise qu’elle fantasme sur son ex et a un bodycount plus élevé que lui, il réfléchit à comment améliorer la situation de leur couple. La jalousie, souvent valorisée dans les films et séries, a peu de place dans Sex Life et la crise de couple ne mène pas automatiquement à des engueulades et à des menaces de séparation. Au contraire, la communication non violente et le désir de trouver des solutions de couple sont au cœur du cheminement.
4. La sexualité est montrée sous différentes facettes sans tabousIl est vrai que les scènes de sexe abondent et s’enchaînent. Billie a des relations sexuelles dans des escaliers, dans une voiture, dans une ruelle en sortie de boîte et ose même l’échangisme un soir avec sa meilleure pote. Enfin l’image d’une femme qui n’a pas peur de se laisser aller à faire l’amour dans des lieux insolites ! Notons également cette scène épique où elle se masturbe en visio en regardant son ex et sa meilleure amie noire. Cette scène érotique très osée a un aspect problématique : Brad filme sa relation sexuelle avec la meilleure amie sans son consentement et Billie ne voit visiblement aucun problème à jouer la voyeuse secrète. On est en plein dans la caricature de la soumission de « la meilleure amie racisée », comme l’explique très bien la page Instagram @SansBlancDeRien.
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Les relations et soirées libertines sont aussi montrées brièvement dans la série. Au passage, la série en profite pour casser un autre stéréotype sur les femmes, en rappelant qu’une femme à la sexualité libre, n’est pas forcément d’accord pour toutes les pratiques, avec tout le monde et quel que soit le contexte.
5. Le schéma « idéal » du mariage hétéro monogame est questionné du point de vue fémininDans combien de productions ose-t-on montrer que la vie sexuelle d’un couple marié se vit avec des doutes et des questionnements ? Combien de séries dévoilent la dualité d’une femme tiraillée entre sa jeunesse débridée, et la nouvelle mère/épouse à qui on demande une retenue parfaite ? L’histoire de Billie permet d’évoquer le post-partum, de questionner l’infidélité et de réfléchir sur le modèle monogame. La norme dominante correspond-elle à tout le monde ? Le conflit entre feu de la passion et raison du mariage a déjà été magistralement abordé dans le film Sur la route de Madison et le roman Madame Bovary, mais Sex Life offre une vision moins binaire que les œuvres précédentes. Billie ne déteste pas son mari ou son mariage, elle n’est pas encore l’ombre d’elle-même dans sa vie de famille, cependant elle craint de le devenir. Elle se questionne avant qu’il ne soit trop tard pour son couple. C’est cette tension interne, ce sentiment d’être au bord du précipice et ce désir brûlant de sauter, qui rend la série vraie, profondément féminine et éminemment transgressive.
6. La série Sex Life ose affronter les paradoxes du désir et poser la femme en sujet de son désirIl n’y a pas l’ombre d’un doute, le personnage de Brad est un pervers narcissique de base. C’est intéressant de voir que les critiques négatives de la série insistent sur la toxicité de la relation Brad-Billie, alors que 90% des histoires d’amour montrées au cinéma sont toxiques par essence et normalisée. Il suffit de lire Le regard féminin d’Iris Brey, pour réaliser que la majorité des productions vendent des schémas toxiques et une vision dégradante de la femme.
Est-ce parce que Billie est sujet de son désir et qu’elle co-construit la relation, plutôt que de la subir, que cela dérange ? Est-ce parce qu’elle admet que le sexe est au cœur de son addiction et non l’amour « pur » que l’histoire choque plus ? On nous montre habituellement la femme comme objet de désir et non comme sujet de son désir et de sa sexualité. Si une personne est en manque de sexe dans le couple, c’est forcément l’homme qui est frustré et non l’inverse. C’est transgressif de montrer une femme mariée qui vit le sexe comme un ciment de son bien-être personnel. Billie sait que Brad est toxique, mais elle est en manque de l’extrême jouissance qu’elle a vécu avec lui, qui reste un fantasme vivant en elle. Elle aimerait revivre ces sensations tout en les craignant. Brad est manipulateur, Brad est cet ex toxique qu’il faut à tout prix fuir et ghoster, mais la libido a ses raisons que la raison ignore.
L’important est que Billie assume sa sexualité de femme et prend les devants de cette sexualité, à l’image de cette dernière phrase prononcée pour clôturer la saison : « NOW FUCK ME ». La messe est dite.
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