Par peur de l’infection, beaucoup de personnes ont cessé de s’embrasser, de se toucher, craignant même de dormir ensemble. Comment faire pour rester sexuel (mais sain) ? L’association Erosticratie propose des solutions. Une par jour, sauf le dimanche.
«La «distanciation sociale» est à l’ordre du jour, et c’est également valable pour notre vie sexuelle.» Le 26 mars 2020, la compagnie We Vibe, «premier fabricant de sextoys connectés pour couples», fait parvenir à la presse française les résultats d’un questionnaire envoyé à peine 6 jours plus tôt aux membres de son panel de testeurs hommes et femmes. Sur les 1200 personnes ayant répondu aux questions, «78 % pensent que le nombre de séparations et de divorces va augmenter en raison de la situation actuelle liée au coronavirus». Autre chiffre révélateur : «une personne sur six a le sentiment que son ou sa partenaire est plus souvent en colère contre elle ou lui.» De façon assez contradictoire, les autres résultats de l’enquête soulignent l’augmentation sensible du désir (1). Il y a donc, d’un côté, des personnes qui témoignent de leur inquiétude face à l’avenir du couple et, de l’autre, des personnes qui affirment avoir plus d’envies et de désirs.
Quand le danger est intérieur…
Le questionnaire ne comporte aucune question relative à la peur de l’infection. Il est pourtant probable que cette peur existe : si l’un des deux poursuit des activités à risques, comment faire ? Il est courant de penser que l’existence d’un danger dope la libido, mais avec le virus on ne peut pas jouer à Tarzan qui arrache Jane de la gueule d’un lion. C’est Tarzan le danger. Ou Jane elle-même, comment savoir. Cela jette un froid. On s’abstient et on compte les jours. Mais dans un an (minimum), quand le vaccin sera disponible, se regardera-t-on encore ? Ou récitera-t-on cette phrase terrible de Michel Houellebecq : «Avant, lorsque les humains vivaient ensemble, ils se donnaient mutuelle satisfaction au moyen de contacts physiques» (La possibilité d’une île).
…le salut vient de l’extérieur
Craignant que l’épidémie d’abstention sexuelle fasse plus de victimes que le virus lui-même, l’association Erosticratie «vous invite chez vous pour érotiser votre confinement.» Du lundi au samedi, elle propose chaque jour une surprise, un bonbon vidéo ou audio en ligne sur sa chaîne YouTube, à 21 heures. L’association se compose de volontaires tous terrains : hétéros queer, bis, homos et pervers divers. Il y en aura pour tous les goûts.
Lundi : «Litt’érotique». Une lecture de Baudelaire, Ghérasim Luca, Anaïs Nin, Despentes, Nerval, un conte érotique, des textes originaux…
Mardi : «Dans mon kink». Un-e érosticrate présente l’histoire de son fétichisme : pour les baskets, par exemple, ou pour le métal. Mardi 7 avril, Ness Harper (dominatrice, connue pour les Goûters du divin marquis), présentera ses fétiches BDSM.
Mercredi : «Singuliers souvenirs». Un-e anonyme confie son souvenir sexuel le plus insolite.
Jeudi : «ASexMR». Un scénario chuchoté, avec des son qui font frissonner. Dans la peau d’un VRP en sextoys, William K, par exemple, jouait des lubrifiants et des plugs comme d’instruments de musique concrète très douce, en plages sonores presqu’inaudibles.
Vendredi : «Erosti’ouïe». Des productions audio pour vous faire…. Récit, pseudo-dialogue, dans le style des Jerk Off Instructions (les appels téléphoniques pour se masturber).
Ne manquez pas ces rendez-vous de 21h, car certaines vidéos seront supprimées juste après leur diffusion.
Le samedi de 15h à 17h, l’association offre en alternance deux programmes : un atelier d’écriture intitulé «Plumes d’Eros» et une discussion thématique, sur Skype intitulée «Erosticauserie». Samedi 11 avril, Sacha Cynabre animera une Erosticauserie sur Les starters du désir. Attention : pour les événements du samedi, les jauges sont limitées, inscription par mail surasso@erosticratie.fr.
Les ateliers d’écriture sont de 2 types : ceux d’écriture individuelle se déroulent sur Skype, avec une jauge de 10 personnes maximum. L’animatrice ou l’animateur guide les participant.e.s, qui produisent individuellement un texte (par exemple une nouvelle érotique). Les ateliers d’écriture collaborative ont lieu sur un pad (un document sur lequel toutes les personnes enregistrées peuvent intervenir). Les participant-es, produisent collectivement un texte, en intervenant sur la même page (le prochain atelier, samedi 18 avril, animé par William K. fonctionnera de cette manière).
Une équipe de fantasmeuses/fantasmeurs bénévoles
Coordinatrice du projet, Moiselle Pardine raconte : «L’idée d’actions dans le cadre du confinement a émergé alors qu’un projet parallèle de performances polymorphes était mise en sommeil par l’épidémie : le public ne pouvant venir à nous, c’était à nous de nous inviter chez lui. Nous sommes une équipe de douze personnes : huit à la production (audio, vidéo, atelier, causerie) et quatre assurant l’aspect technique (diffusion sur notre chaîne YouTube, gérer les inscriptions du samedi, etc). Evidemment nous sommes tou-tes bénévoles. Animé-es par quoi ? Par le même élan qui guide toutes les actions de l’Erosticratie : la passion pour l’érotisme et les arts et medias de celui-ci ; la volonté d’ouvrir à d’autres horizons que la norme établie ; la joie de travailler ensemble, le plaisir et l’amusement que nous y trouvons ! Et, spécifiquement, apporter un peu de légèreté, d’animation, en aidant un public le plus large possible à pimenter, oniriser cette période difficile et très anxiogène.»
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A VOIR : Erosticratie en confinement
NOTE 1 : Les autres données chiffrées du questionnaire We Vibe sont les suivantes :
1. Pour les couples étant ensemble pendant le confinement, une personne sur trois avoue avoir plus d’appétit sexuel qu’avant et une personne sur quatre trouve que son ou sa partenaire a plus de désir sexuel qu’à l’accoutumée.
2. Une personne sur cinq, en quarantaine avec son partenaire, déclare avoir actuellement plus de relations sexuelles que d’ordinaire.
3. Le désir de se masturber augmente : 50 % des couples ensemble pendant le confinement et 73 % des couples vivant le confinement séparément ressentent davantage le désir d’avoir des relations sexuelles en solo.
ILLUSTRATION : Résidence Erosphère 2019. Photo (c) Victoire Renard
Spéciale dédicace à Andreas et Michael.