A tort sans doute, on perçoit souvent l’électorat gay comme penchant irrésistiblement à gauche ou, au pire, vers un centre bon teint. Mais à Zurich, c’est désormais la droite populiste qui drague le gay urbain. Avec un candidat tout aussi bon teint: Hans-Ueli Vogt. Ce candidat UDC aux Conseil des Etats, a d’ailleurs réservé des encarts publicitaires dans deux magazines LGBT d’Outre-Sarine, «Display» et «Cruiser», qui lui consacrent plusieurs pages d’interview ou de portrait en vue des élections fédérales d’octobre.
«L’homme du moment», comme le surnomme «Cruiser», y apparaît après un relooking qui a transformé l’austère professeur de droit en un fringant quadra doté d’une barbiche poivre et sel et d’une coupe de cheveux aérodynamique. La bataille n’est pas gagnée d’avance. Vogt fait même figure d’outsider dans cette élection difficile. Il espère manifestement faire de son coming-out, au détour d’une interview dans «Blick», ce printemps, un atout.
Homophobe, l’UDC?
Non, l’UDC n’est pas hostile aux gays, martèle-t-il dans les deux mensuels gay. «Quand un parti ne se place pas prioritairement sur le thème de l’homosexualité, cela ne veut de loin pas dire qu’il est homophobe. Il a simplement un autre centre d’intérêt», explique-t-il dans «Display». L’intervieweur se garde bien de lui demander comment il s’entend avec ses camarades zurichois du Conseil national Toni Bortoluzzi (pour qui les «homosexuels ont le cerveau à l’envers») et Christoph Mörgeli (qui avait comparé les homosexuels à des «abuseurs» lors d’un débat sur l’adoption).
Un «cerveau à l’envers» tête de liste de l’UDC
Le credo de Hans-Ueli Vogt? Ce qui est bon pour la Suisse est bon pour les gays. Il reproche ainsi aux autre partis de se parer du label «gay-friendly» tout en mettant en péril les bases de la prospérité du pays. Apôtre gay d’une «Suisse libre, indépendante et démocratique… mais aussi tolérante», le Professeur Vogt se dit en faveur du mariage pour tous et de l’adoption de l’enfant du conjoint – à l’inverse de la majorité de son parti. En revanche, il se retrouve au diapason de l’UDC sur l’extension de la norme antiraciste aux propos homophobes («une limitation de la liberté d’expression») et sur la naturalisation facilitée pour les partenaires de même sexe. Pour assurer l’avenir de sa Suisse libre, prospère et tolérante, mieux vaut s’attaquer à l’immigration, un «danger pour notre société», quand elle est «en provenance de cultures qui foulent au pied les droits des femmes et des minorités.»
Anti-État
Les interviews dans la presse gay ne s’attardent guère sur la politique culturelle et sociale du juriste, qui a détaillé sa vision ultralibérale dans d’autres médias. «Je suis contre les organismes et les autorités d’Etat qui s’activent pour l’égalité, parce que je suis généralement contre de tels contrôles et contre le toujours-plus-d’Etat», résume simplement Vogt dans «Display». Le professeur est aussi l’auteur d’une initiative de l’UDC qui revendique la primauté du droit suisse sur les traités internationaux, comme le rappelle rapidement «Cruiser». Et tant pis, là encore, pour la promotion des droits des minorités sexuelles, par exemple via la Convention européenne des droits de l’homme.
Il y a de quoi faire frémir celles et ceux qui, dans la communauté LGBT, croient à l’action publique et au droit international. A l’instar du Front national en France, ce n’est sans doute pas eux que Hans-Ueli Vogt tente de convaincre sans choquer, en misant sur une majorité silencieuse – mais inquiète – au sein de l’électorat gay.