Avec Enterrées vivantes, Arno Strobel joue avec nos nerfs. Son personnage principal, Eva Rossbach se réveille dans le noir complet, avec la sensation d’être enfermée dans une caisse en bois. Si elle bouge un peu, elle se cogne. Peu après, elle se réveille. C’était un cauchemar. Pourtant, son corps porte les traces de blessures.
Strobel nous entraîne derrière l’inspecteur Bern Menkhoff et sa collègue, Jutta Reithöfer. Tous les deux enquêtent sur un crime : le cadavre d’une femme vient d’être retrouvé dans un cercueil, les yeux et la bouche recouverts d’adhésif, les poignets liés aux chevilles par une corde qui empêchait la victime de toucher le couvercle et les cloisons latérales. La femme a été enterrée vivante. Or, c’était la demi-sœur d’Eva Rossbach.
Si l’intrigue s’arrêtait à ces faits, le roman serait possiblement plat et fade. Arno Strobel sait instiller le doute chez le lecteur. A qui appartiennent les pensées qu’il découvre au fil des pages ? A une femme ? Un homme ? A Eva ? Pour quelles raisons Eva a ressenti les sensations qu’a pu éprouver la victime avant de mourir ? Pourquoi a-t-elle ces blessures ?
Mon seul regret est d’avoir lu Enterrées vivantes après avoir vu Split de M. Night Shyamala. L’effet de suspense était moindre. Néanmoins, je déconseillerais de lire ce thriller aux personnes qui souffrent de claustrophobie, ou à celles qui ont peur du noir et celles qui ont des pertes de mémoires.
Né en 1962 à Sarrelouis, Arno Strobel a longtemps travaillé pour une grande banque au Luxembourg. Il compte parmi les auteurs de thrillers allemands les plus lus. On dit de lui qu’il est le nouveau maître du psychothriller.
Extrait (p.7 à p.8)
Eva se réveilla dans le noir complet.
Son esprit embrumé essaya de se repérer. Elle ne comprenait pas pourquoi elle était allongée dans une telle obscurité. Pendant quelques secondes, elle crut même qu’elle avait les paupières encore fermées et cligna des yeux, mais l’obscurité demeura impénétrable.
D’habitude, quand Eva se réveillait en pleine nuit dans sa chambre, elle avait plusieurs points de repère : les chiffres verts du radio-réveil, l’encadrement de la fenêtre, le faible rai de lumière qui en provenait et dans lequel dansaient des particules de poussière, les contours de la commode. Ils étaient importants ces points de repère, ils la rassuraient. Et en cet instant, ils lui manquaient. Ou alors ils étaient bien là et Eva ne les voyait pas parce qu’elle avait un problème aux yeux. Sa respiration déjà saccadée s’accéléra encore. L’air était suffocant, moite, vicié.
Lorsqu’elle voulut se redresser, son front heurta quelque chose et sa tête retomba sur une sorte de coussin. La douleur ne dura que quelques secondes car elle céda rapidement le pas à la panique, qui prit le dessus sur toutes ses autres sensations.
Elle voulut écarter les bras et pousser sur les côtés, mais là encore, elle se cogna. Impossible également de plier les genoux et de battre des pieds, elle rencontrait un obstacle à chaque fois. En comprenant qu’elle était enfermée, Eva s’agita de plus en plus. Et plus elle paniquait, plus elle ressentait le besoin de bouger, de se libérer de l’étroitesse et de l’obscurité. Elle se mit à crier, à pleurer, elle tambourina avec ses poings sur la cloison au-dessus d’elle, encore et encore… avant de s’immobiliser.
A chaque seconde qui passait, sa poitrine se levait, s’abaissait, et chacune de ses respirations était accompagnée d’un gémissement. Son esprit cherchait une explication, mais il était comme paralysé. Cela dura plusieurs minutes, jusqu’à ce qu’une digue cède et qu’Eva soit submergée par un flot de pensées. Elle devait absolument les saisir au vol, c’était le seul moyen de reprendre un tant soit peu le contrôle de la situation. Elle devait réfléchir. Elle était enfermée. La peur… Réfléchir… Maintenant.
Enterrées vivantes, Arno Strobel, éditions l’Archipel 308 pages 21 €
Traduit de l’allemand par Penny Lewis
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