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C’est au coeur du Quartier Latin que prend place la 4ème édition du Festival du Film de Fesses. Entre le Reflet Médicis et la Filmothèque, l’équipe a su nous proposer un programme dense faisant la part belle au cinéma érotique et au documentaire pointu où élégance et humour se frottent à la réalité des corps et des sexualités. J’ai assisté pour vous à deux séances : Dream Boat de Tristan Milewski et Karima de Clarisse Hahn. Tous deux défiants le genre du documentaire, je vous propose une jolie mise en bouche pour deux films qui valent le détour.
Je débute le festival avec Dream Boat du réalisateur allemand Tristan Milewski. La jeune documentariste nous plonge dans l’univers des bateaux de croisière gay, là où se mêle fête démentielle, sexe et recherche de l’amour. Documentaire émouvant et filmiquement pittoresque, Dream Boat est un instant de flottement où quatre portraits poignants sont dépeints à travers un regard tendre sur la dure réalité des univers clos. Cette Arche de Noé qui abrite un nombre incalculable de genres, de sexes et de nationalités se veut être l’endroit de toutes les démesures où les paillettes volent sur la légèreté de l’amour.
Bien heureusement, le documentaire n’est pas qu’une succession de plans léchés mais va beaucoup plus loin grâce à des séquences frontales où la maladie, le handicap et le mal-être sont aussi abordés : « Les gens arrivent avec des attentes très élevées, beaucoup d’excitation. Et puis au bout de quelques jours, on s’aperçoit que le temps se fond à l’espace, le jour et la nuit se mêlent pour disparaître et devenir des notions abstraites. Et ça permet à des questions plus profondes de remonter à la surface. On voit les passages à vide, on est amené à réfléchir à la pression très forte que créée cette rencontre. » confit le réalisateur à l’équipe d’Arte. Tristan Milewski nous montre se qui se passe au-delà du superficiel en nous incitant à nous poser des questions sur la norme, la vie et l’oppression aux seins de nombreux pays qui n’acceptent toujours pas l’homosexualité.
Le samedi 1 juillet j’assiste à la séance de 22h pour le film Karima de Clarisse Hahn. La réalisatrice française a suivit pendant un an la maitresse dominatrice Karima au sein de sa famille, de ses amis et de ses séances de domination. Les premières images nous emmènent dans un univers où la générosité se mêle parfois violemment à la réalité des banlieues parisiennes délaissées. A la fois maternelle et dominatrice, Karima nous parle de son rapport au corps d’autrui à travers des séquences d’une sincérité désarmante.
Personnellement liée aux acteurs présents dans la documentaire, Clarisse Hahn offre ainsi des moment d’intimité fort où la présence de la caméra prend un tour certain dans l’excitation des sujets. Souvent fixe, la caméra nous fait ressortir des éléments bruts, emplis d’une authenticité sans réserve : « Je tente de filmer les différents modes de relation à autrui, à en révéler la complexité et l’ambiguïté. Dans cette recherche, le corps apparaît comme le révélateur des codes et des stratégies mises en place pour aborder l’autre. Je ne choisis pas de montrer le corps dans des situations héroïques, mais plutôt dans des moments de fragilité ou de résistance » explique-t-elle pour le quotidien FIDMarseille.
Le portrait dressé par la réalisatrice, à la fois social, politique et féministe, s’exprime sous couvert d’une proximité aux univers clos des personnages plutôt que par un regard subjectif et analytique. De nombreuses scènes, non directement liées aux séances de BDSM, nous permettent de mieux comprendre la personnalité de Karima et de comprendre son rôle aussi imposant au sein de sa famille maghrébine qu’au sein de ses activités de dominatrice.
Affaire à suivre pour la prochaine édition du Festival du Film de Fesses qui promet une fois de plus d’être au sommet de la découverte cul-turelle.
Voulez-vous tenter le massage tantrique génital ? Vous initier à la danse érotique ? Faire une Rencontre du 7e Type ? Si vous êtes en couple, problème : pour éviter toute crise de jalousie, un atelier propose de comprendre cette émotion négative.
Comme chaque année depuis sa création (en 2014), EroSphère, le «festival des créativités érotiques» vous invite, pendant trois jours, à «participer» aux émulsions sexuelles les plus inattendues : s’ouvrir à «l’hyper-sensorialité», faire du SM déguisé en panda, pratiquer le Fat sex (jeux d’écrasement et de glisse), vous transformer en charmeuse de libidinal, découvrir l’univers des backrooms, apprendre à «aller vers l’autre»… Entre le jeudi 13 et le samedi 16 juillet, 18 ateliers ludiques ou techniques proposent pour plus 30 heures d’activités qui impliquent parfois que vous soyez nu.e ou semi-nu.e, que vous fermiez les yeux et que des choses étranges se passent, en compagnie de corps inconnus. Voilà qui nécessite de faire le point avec son-sa partenaire : vous laissera-t-il ou elle la liberté d’explorer vos envies ? Accepterez-vous de le-la voir partir en vrille et jouir avec des étranger.e.s ?
Un atelier pour désamorcer la bombe
«On parle de la jalousie comme d’un sentiment inéluctable, parfois compliment ou preuve d’amour, parfois colère dévorante utilisée comme une excuse à la violence domestique. Qu’en est-il pour vous ?». L’artiste MxJena, propose, au sein de Festival EroSphère un atelier pour apprendre à «démêler les concepts de jalousie et d’envie, d’amour et de possessivité. Peut-être que la jalousie n’est pas si monolithique : nous essaierons de séparer ses causes, ses effets physiques, ses conséquences sur vos actions. Une fois l’horloge démontée, elle ne fait plus si peur ! On pourra étudier ses rouages, peut-être même tester ses mécaniques… Et remonter l’horloge ?».
La jalousie est-elle un «droit» ?
Spécialisée en soutien relationnel, Mx Jena (1) propose depuis plusieurs années des consultations bénévoles d’aide et d’écoute aux personnes ayant des difficultés par rapport à leurs orientations de genre, à leur couple et à leurs désirs. Longtemps impliqué dans des associations d’accueil à destination des jeunes LGBT, Mx Jena a suivi toutes les formations sur la communication non-violente. La jalousie, elle connaît. «Mon point de vue a été formé, surtout, par les discussions en groupe polyamoureux, dit-elle. Je constate qu’en France aujourd’hui, quand un homme tue la personne qui partage sa vie, la presse et le public qualifient le meurtre de «drame familial» ou «crime passionnel» et utilisent la jalousie comme une explication voire une excuse. Cette intégration de la jalousie comme d’un fait non seulement inévitable, mais très souvent revendiqué comme une vraie preuve d’amour –justification des pires abus– me semble terrible.»
La jalousie est-elle un élément de la personnalité ?
Son atelier «Jalousies» a lieu jeudi 13 juillet (de 11h à 13h) et vendredi 14 juillet (de 14h à 16h). Il dure deux heures : «Un peu court pour envisager un déconditionnement !, remarque Mx Jena. Elle n’a pas «la prétention de vaincre une émotion.» La jalousie, surtout, ne se maîtrise pas facilement. «Mais on peut la tenir pour ce qu’elle est : une réaction fugace, qui n’altère pas le libre arbitre. Ce qui compte, c’est ce qu’on en fait. Si on l’entretient, qu’on la laisse s’installer, elle devient un sentiment durable, et dans certains cas, une redéfinition de notre personnalité. Qui n’a pas entendu “Je suis jaloux·se” comme si c’était un trait de caractère inéluctable ? Une fois qu’on identifie une émotion, on peut choisir l’étendue de son influence sur nos actions.» Pour Mx Jena, donc la jalousie est une émotion. Reste à savoir ce qu’est une émotion.
Si la jalousie est une émotion, comment définir l’émotion ?
La jalousie n’a rien de «naturel». C’est le message principal de Mx Jena qui s’appuie pour le dire sur les travaux d’Eve Rickert et Franklin Veaux, «une inspiration permanente dans le travail sur la non-exclusivité». L’idée de départ est simple : nous avons des sentiments pour quelqu’un. Nous lui sommes attaché.e. Puis un jour vient où nous souffrons. Pourquoi ? Pour la sociologue américaine Arlie Russell Hochschild, le sentiment (ou l’émotion) se définit «comme un sens», au même titre que la vue ou l’ouïe. «Nous faisons l’expérience de ce sens quand se rejoignent des sensations corporelles, d’une part, et ce que nous voyons ou imaginons, d’autre part. Au même titre que l’ouïe, l’émotion communique l’information : elle a une “fonction de signal”. C’est lorsque nous éprouvons des sentiments que nous découvrons notre propre point de vue sur le monde.» Il est donc très important d’avoir des émotions, car elles permettent de se définir. «À l’instar de quelqu’un qui ne sentirait pas la chaleur et se brûlerait en touchant du feu», une personne dépourvue d’émotions ne dispose d’aucun système d’alerte pour se protéger. L’émotion signale l’existence «d’un point de vue interne» sur le monde. Le problème, c’est quand ce point de vue fait mal.
Quid des émotions «inadéquates» ?
Quand l’émotion est négative, on souffre. On voudrait arrêter de souffrir. Parfois aussi, il y a une discordance entre «ce que je ressens effectivement» et «ce que je devrais ressentir». Dans Le Prix des sentiments, la sociologue Arlie Russell Hochschild explique : l’émotion est un signal, oui, mais qui opère à plusieurs niveaux, parfois contradictoires. D’où la souffrance. Le problème avec ce signal, c’est qu’il est «déterminé par certaines conceptions, culturellement considérées comme allant de soi, du monde et des attentes que l’on peut en avoir», dit-elle. Pour le dire plus clairement : dans certaines cultures, il est considéré comme «normal» de disposer d’un droit de regard sur la sexualité du conjoint et par conséquent «normal» d’être jaloux. Mais dans beaucoup de couples dits libres certains accords sont passés qui entrent en contradiction avec cette normalité. On souffre, mais la souffrance n’étant pas légitime, on culpabilise de souffrir. On prend sur soi, on serre les dents et on souffre encore plus…
L’émotion au niveau individuel
Pour faire la part des choses, rien de plus utile qu’appliquer à nos émotions la grille d’analyse proposée par la sociologue (2). La gestion des sentiments opère à trois niveaux : individuel, interpersonnel et culturel. Au niveau individuel, l’émotion c’est le fait de souffrir, par exemple, quand on aime une personne qui vous dit «Tu comptes beaucoup pour moi» et qui, néanmoins, va voir ailleurs. Faute de dialogue, la relation reste trouble. Si c’était de l’amour, irait-il-elle voir ailleurs ? Ne sachant pas à quoi s’en tenir, on n’ose réclamer un «droit» de propriété sur l’autre. Par ailleurs, le fait d’aimer et d’être aimé, justifie-t-il l’exclusivité sexuelle ? Il faut mettre cela au clair, proposer un contrat, négocier ce que l’on s’autorise réciproquement à faire… Tout cela n’ayant pas été discuté, vous en êtes réduit à aimer quelqu’un sans savoir si c’est réciproque. Et si c’est réciproque, sans savoir à quoi l’autre s’engage vis-à-vis de vous, ni de quelles libertés vous pouvez disposer avec lui ou elle. Vous éprouvez de la jalousie parce que vous vous sentez floué ou perdue. L’émotion au niveau individuel vous fait toucher du doigt les zones sensibles qui réagissent de façon souvent difficile à interpréter : est-on triste parce que l’autre vous «trompe» ? Ou parce que soi-même on n’ose pas aborder la question de ce que signifie «aimer» ?
L’émotion au niveau interpersonnel
Au niveau interpersonnel, l’émotion c’est le fait de souffrir par exemple quand on voit son ex s’afficher en couple heureux. Etant donné qu’il s’agit de l’ex, il n’est pas légitime de souffrir, puisque «officiellement», la relation amoureuse est rompue. Il faut donc simuler l’indifférence. Qui sait si votre ex ne simule pas le bonheur de son côté, dans le seul but de vous rendre jalouse-jaloux ? L’émotion au niveau interpersonnel relève souvent des jeux de pouvoir. C’est un outil au service de l’individu qui s’en sert, dans la logique des pertes et profits, pour obtenir une emprise sur les autres. Telle personne jouera l’affection pour obtenir un pourboire ou un cadeau. Telle autre va «contenir» sa jalousie et «ravaler» sa colère pour donner l’impression qu’elle est quelqu’un de bien. L’émotion au niveau interpersonnel relève souvent du jeu, car chacun interprète un rôle en public : on essaye donc d’être en phase avec l’émotion qui est attendue de vous. Ce qui n’est pas sans créer de multiples conflits intérieurs avec ce que l’on ressent ou avec les règles du groupe. L’émotion au niveau interpersonnel est vécue généralement comme un ensemble d’injonctions discordantes, de choses qu’il s’agit tantôt de manifester, tantôt de réprimer : on se force à sourire «avec franchise», en espérant que ce sourire vous rende heureux afin d’optimiser les interactions avec les autres.
L’émotion au niveau culturel
Si vous êtes jaloux parce que les vrais mecs doivent être les propriétaires de leur femelle, vous voilà dans une émotion qui opère au niveau culturel. Si vous exigez que votre compagnon soit jaloux, parce que sinon ça voudrait dire qu’il ne vous aime pas… même chose. Au niveau culturel, l’émotion doit être conforme aux usages. On l’adopte, on la mime ou on se force à l’éprouver pour éviter d’être critiqué voire pire : insulté par ses proches et rejeté par les siens. L’émotion qui relève d’un scénario collectif peut créer un effet de malaise quand elle entre en contradiction avec ce que vous ressentez réellement. Une femme, par exemple, peut se sentir déchirée parce qu’elle aspire à la liberté et réclame que son conjoint cesse de la surveiller… tout en ayant peur de le perdre. «S’il ne me surveille plus : je ne compte plus pour lui ? Peut-être même qu’il me trompe ?». Des règles antinomiques peuvent également entrer en conflit et la gestion de l’émotion relever d’un combat intérieur épuisant. Ce que le monde attend de nous émotionnellement n’est pas forcément clair, pas plus que nos jeux de rôle, ni la part que prennent les puissances sociales sur nos comportements. Quelle est la part du «Je» dans ces affects qui nous traversent ?
Passer un Test de jalousie
Pour essayer d’y voir plus clair, l’atelier «Jalousies» propose de mettre à plat les attentes des uns et des autres. Il s’agit de montrer que la jalousie sexuelle et l’amour ne vont pas «naturellement» de pair et que le lien s’est historiquement construit dans un contexte de monogamie. Introduire des amant.e.s dans le couple : s’agit-il d’adultère ou d’une preuve d’amour ? Tout dépend du contrat qui lie le couple. «Dans la mesure où la monogamie est une façon courante d’exprimer son engagement émotionnel, lorsqu’on l’abolit on donne plus d’importance à d’autres manières d’exprimer cet engagement ; mais si celles-ci échouent, l’un des partenaires au moins peut se sentir rejeté», résume Arlie Russell Hochschild. Mx Jena, elle, invite tout le monde à venir tester sur le vif ses réactions et ses zones sensibles dans son atelier, en prélude à ce grand melting-pot sexuel que seront les trois jours du Festival EroSphère.
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RENDEZ-VOUS au Festival EROSPHERE, du jeudi 13 au samedi 16 juillet 2017.
Atelier « Jalousies», jeudi 13 juillet (de 11h à 13h) et vendredi 14 juillet (de 14h à 16h). Dans le cadre du Festival IN, qui se déroule au coeur de la capitale, pendant trois jours : «Il s’articule cette année autour de trois axes complémentaires : Fantaisie, Harmonie, et Magie, soit 18 ateliers, sur trois jours, proposés deux fois, pour plus de 30 heures d’activité en tout. Pour les participant·e·s, le principe est de choisir un module parmi les trois proposés sur chaque créneau horaire. À l’issue des trois jours, chaque participant·e aura assisté à 12 ateliers.»
Parallèlement aux modules, plusieurs artistes seront en résidence avec un atelier, une retranscription photo, vidéo, dessin, peinture…
Il y aura une fête finale : le dimanche 16 juillet, «un module immersif de 8 heures conclut le IN au cours duquel érosphérien·ne·s, volontaires, participant·e·s et intervenant·e·s s’y retrouvent pour une libre expression participative, imprévisible et décalée, mettant en œuvre ce que les modules leur auront apporté. Les artistes résident·e·s produisent leurs œuvres dans ce joyeux maelström.»
Lieu : le festival se déroulera dans le 4è arrondissement de Paris, mais le lieu est tenu secret pour éviter les personnes qui viendraient non inscrites. L’adresse est dévoilée par courriel aux personnes qui réservent sur la Billetterie.
Déroulement de l’atelier : «Je ne voudrais pas dévoiler l’effet de surprise de l’atelier, mais après un tour de présentation, nous procédons à un brainstorming et un échange de définitions sur la jalousie, ses causes et ses effets. Je vois ce travail commun comme le démontage d’une horloge : nous allons étudier les rouages ensemble. Une fois l’horloge démontée… si tout va bien elle ne fonctionne plus. La partie pratique, qui suit, a trois étapes : la première a lieu très tôt, avant la discussion. Pour moi les présentations de chaque participant·e·s fait partie d’un processus qui permettra ensuite, après la discussion, de se poser des questions sur les attirances entre les personnes présentes… Pour la suite il faut venir et participer !» (Mx Jena)
A LIRE : Le Prix des sentiments, d’Arlie Russell Hochschild, éditions La Découverte.
NOTES
(1) Mx Jena est trans, M to x, et se désigne comme «ielle» : à la fois homme et femme. Pour des raisons pratiques (facilité de lecture), j’ai fait le choix de parler de Mx Jena au féminin en espérant bénéficier de votre indulgence. L’expression «ielle» n’est pas encore passée dans la langue.
(2) Sa grille est la même que celle de Steve Gagnon qui, à la même époque, propose d’analyser la sexualité comme un script à trois niveaux : intrapsychique (individuel), interpersonnel, culturel.