Je reçois tous les jours des messages d’hommes de tous âges qui rêvent de se lancer dans une carrière de hardeur. La plupart d’entre eux m’envoient des photos de leur sexe en gros plan, posent debout seuls, figés devant le miroir de leur salle de bain. Certains y joignent même un CV. Tous sont persuadés qu’ils «sont faits pour ça ». Ils se disent « bons coups », ont leur succès dans les soirées échangistes, affichent leurs mensurations au centimètre près …Et après tout, pourquoi pas ? Jérôme, vingt-huis ans, informaticien, ou David, trente-trois ans, pompier , a peut-être un potentiel que je ne soupçonne pas? Nombreux sont les hardeurs qui avaient un métier avant de se lancer dans le X. Si l’on met de côté le « qu’en dira-t-on » des amis, de la famille, des voisins, être acteur porno reste pour beaucoup un métier de rêve. Il ne soulève pas le même dilemme moral que pour une actrice X. On ne conçoit pas qu’un homme puisse être sexuellement exploité.
Si l’image de la hardeuse reste celle d’une femme aux motivations douteuses, qui monnaye sa dignité, se soumet, se chosifie, un hardeur est quant à lui un homme envié ; il est symboliquement le mâle Alpha. Une scène porno trouve son apothéose au moment où il jouit, l’ orgasme est plus qu’un lâcher prise, il est son marquage de territoire, la démonstration de sa toute puissance masculine. Son sexe est fort, dur, en érection, et ce, quelque soit la femme qu’il a en face de lui. Chaque jour lui apporte une partenaire différente. C’est un peu le principe de la pochette surprise. Métier facile? Ce serait omettre les contraintes de tournage.
Vous êtes hardeur. Aujourd’hui vous êtes booké pour un film X « scénarisé ». Une inconnue vêtue d’une tenue plus qu’improbable surgit de nulle part, se précipite sur vous, sauvage, agressive… Elle exige que vous la preniez là, tout de suite. Vous vous montrez bien entendu coopératif…Il est vingt-trois heures, nous sommes au mois de Février en Californie…Vous avez de la chance, il y a quelques semaines vous tourniez sous une pluie hongroise glaciale. Vous avez commencé votre journée de travail ce matin à sept heures, c’est votre deuxième scène hard de la journée ; vous portez un préservatif que vous recouvrez allègrement de lubrifiant mais après quatre positions il semble se transformer en gélatine gluante ; les talons aiguilles de votre partenaire s’enfoncent dans le sable ; vous devez la soutenir, porter sa jambe , la positionner, mettre en évidence la pénétration, pousser la mèche de cheveux qui s’acharne à cacher son visage, être attentif aux instructions du réal… être attentif à elle, que vous voulez entendre gémir parce qu’elle a du plaisir, non pas parce qu’elle a mal. Et avec ça il faut bander. Discipline et intuition. Instinct et professionalisme. Votre sexe est votre outil, votre cerveau est aux commandes.
Deux heures de vidéo et cent-cinquante photos plus tard, il est temps de finir la scène. Vous devez jouir. Maintenant. Votre partenaire de scène est une jolie femme, agréable, patiente. Décidément vous avez de la chance, celle de ce matin n’était pas d’humeur chaleureuse et plus préoccupée à s’engueuler sur Twitter avec son petit-copain, qu’à vous accorder un peu d’attention. Pas vraiment le top pour stimuler votre libido mais vous ne lui en voulez pas. Ca arrive.. Celle-ci est physiquement moins à votre goût, mais elle a la qualité d’avoir envie de vous….Du moins, elle avait. Elle s’est montrée coquine et entreprenante, a elle-même réclamé à ne pas simuler pour la version soft (qui peut se tourner sans pénétration puisque celle-ci n’est pas apparente). Mais voilà, c’était il y a deux heures. Elle est fatiguée, son regard se perd, elle glisse ailleurs, le feeling laisse place à la mécanique. On n’attend désormais que vous. Le réalisateur est à une distance quelque peu embarrassante. Vous sentez son haleine sur votre épaule. Vous ne voulez pas en demander plus à votre partenaire pourtant volontaire mais vous vous dites que vous la demanderiez bien en « amie » plus tard sur Facebook.L’équipe technique emmitouflée dans des anoraks se fige dans le froid. Ca tourne, ça tourne, ça soupire.
Montée, cette scène s’avèrera efficace. Un homme erre dans le désert.Par un hasard faisant plutôt bien les choses, une amazone apparaît dans une brume lunaire. Elle a la peau huilée, des mains parfaitement manucurées, ses seins débordent avec insolence d’un corset qu’elle délace déjà. ..Elle vous lance un sourire de défi, se cambre sans un mot. Dans le silence de la nuit cette aventure restera un secret. C’est votre rêve, il vous appartient, alors vous vous laissez porter et vous déchaînez votre toute-puissance masculine sur cette créature dont les lèvres ne s’ouvrent que pour engloutir votre chair. Vous êtes un guerrier…. Mais la vérité c’est qu’il est deux heures du matin et vous devez jouir; techniquement parlant, éjaculer.
Vous vous mettez à penser à la scène tournée hier, un gonzo *; soit une heure de sexe sportif sur un canapé douillet et avec l’une de vos hardeuses favorites ; avec elle difficile de ne pas s’abandonner , elle a compris qu’avant le sexe d’un homme, c’est son cerveau qu’il faut pétrir. Vous pensez à ses seins, ses fesses, son visage qui s’illumine, puis au porno d’hier soir, une actrice que vous ne connaissez pas. Peut-être mieux encore. Elle vous rappelle cette inconnue qui traversait la rue ce matin, ses jambes moulées dans un jean..Votre regard dévie, vos fantasmes aussi. La maquilleuse se tient là, à quelques mètres, elle vous regarde vous masturber avec frénésie. Elle a de jolis pieds. Vous l’imaginez jeter ses pinceaux à terre, prendre la place de l’amazone, saisir de sa petite main ferme votre sexe qui se met à gonfler… « Dix secondes ! »
On tourne. L’amazone reprend sa position. Vous venez de jouir et de faire votre travail.
Prochain article, découvrez « Les secrets d’une érection d’un hardeur ».
Katsuni
*gonzo : scène porno sans scénario
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