Alors que les plus jeunes de la famille commencent à s’intéresser à la gravité et la poussée d’Archimède, d’autres, plus âgés, s’interrogent sur la gravité du mariage et ce qui pousse les uns et les autres à aller voir ailleurs.
Est-ce que c’est le très pernicieux cap des 7 ans de vie de commune qui m’a amenée à me questionner ? Un mari débordé par la vie qui ne prend plus le temps de regarder sa femme, un autre bien marié qui regarde un peu trop les autres femmes, la complainte de la voisine d’un côté, les frasques du voisin de l’autre… Et voilà que l’envie m’a prise de plonger dans le monde des infidèles en cherchant pourquoi – ô grand pourquoi – beaucoup préféraient tromper que quitter, préférence qui me semblait particulièrement obscure auparavant.
J’ai donc mis mon vieil imper, salué mon mari que vous ne verrez pas dans cet épisode, largué le chien et le cigare dans ma vieille bagnole et, de ma voix la plus sexy, je suis allée enquêter il y a quelques mois auprès des hommes, jeunes et moins jeunes, qui pratiquaient ouvertement l’infidélité comme une religion. J’exagère peut-être en parlant de religion car certains me racontaient leur envie de changer leur quotidien sans pour autant oser franchir le cap de la tromperie.
« Mais j’y songe parce que je suis malheureux » me dit l’un d’un air franchement peiné. « Pourquoi ne pas vous séparer alors ? » « 25 ans de mariage, ça ne s’efface pas comme ça ». Et puis, « c’est la mère de mes enfants » m’a rappelé un autre dont les dits-enfants entraient dans la pénible phase de l’adolescence. « On aimerait les ménager. »
Tromper pour ménager vaut-il mieux qu’un bon ménage de printemps dans son couple ? Peut-être. Surtout si certains sont à l’automne de leurs couples, s’aimant toujours mais ayant perdu depuis longtemps les clés de la passion. « Elle ne fait que me critiquer », « Chaque fois que je lui propose de partir un week-end en amoureux, elle me regarde d’un air de dire « pourquoi faire ? ». Je suis le père de ses enfants mais ça doit faire dix ans qu’elle oublie que je suis aussi son mari. ».
Du haut de mes 7 ans de vie commune, je comprends déjà. Le temps qui passe, le quotidien qui englue, le stress qui envenime les rapports, les enfants qui cimentent et à la fois séparent le couple. Une député allemande a d’ailleurs proposé il y a quelques années de rendre le mariage légal pour 7 ans et de ne le renouveler que si les deux parties étaient pleinement d’accord. Concept qui a hautement été décrié. Si le cap des 7 ans est si dur à avaler, que dire de la pilule des 25 ?
Mes chers parents sont mariés depuis 35 ans, eux. Il doit bien y avoir une recette magique au bonheur en couple. Des efforts ? Oui, des efforts. Quand on tient à son couple, il faut faire des efforts pour toujours le maintenir à flot. J’ai donc parlé de ces fameux efforts aux infidèles qui ont accepté de me répondre. « Des efforts ? Oui, j’en fais mais ce n’est pas suffisant. » Pas suffisant pour rester avec elle sans la tromper ? Pourquoi ne pas la quitter alors ?, ai-je demandé à un jeune homme qui, lui, n’était pas en couple depuis longtemps. « Oh, elle est jolie et sympa mais je m’ennuie. » « Et tu as essayé de pimenter votre vie ? » « Oui, mais au bout d’un mois, elle arrête de faire des efforts. » En questionnant certains hommes jeunes, fraîchement installés dans une relation déjà branlante, j’ai eu la nette impression que la notion d’efforts devait être unilatérale. Eux étaient parfaits. A leurs compagnes de s’adapter à leurs besoins. En attendant, tout prétexte semblait bon pour les tromper. Arrêteront-ils une fois qu’elles auront tout fait pour leur plaire ?
Question besoins, d’ailleurs, il y avait de quoi remplir un cahier en parlant avec ces messieurs. Quelques cinquantenaires, hommes de tête, chefs d’entreprise impétueux et sûrs de leurs charmes, m’ont étalé leurs attentes comme si chaque femme devait remplir un cahier des charges très précis, de son apparence physique à sa diction en passant bien évidemment par ses capacités sexuelles. « Il faut que », « elle doit être », prononcés d’une voix forte et sans appel, m’ont quelque peu glacée. Le chef d’entreprise marié de cinquante-cinq ans semble aimer mener ses infidélités à la baguette. Reste à savoir si le pain chaud est capable de fondre de plaisir pour une femme imparfaite.
D’autres hommes m’ont plutôt parlé d’attention. Ils aimeraient passer du temps avec une femme qui ferait « un peu attention à eux, en étant douce et aimante ». Une femme à l’image de la leur au début de leur mariage ? « Une femme drôle, spirituelle, qui aime la vie », « Une femme qui aime voyager, faire les musées, rire et manger. » et c’est tout ? avais-je parfois envie d’ajouter. Un soir, j’ai répliqué que cela devait être aisé de rencontrer une femme selon ces critères. L’homme aux tempes grisonnantes m’a alors transpercée d’un sourire qui en disait si long que je me suis entendue prononcer la phrase la plus bête qui soit dans ce genre de situation.
« Non, pas moi. Je suis mariée » ai-je prononcé en rougissant. « Moi aussi » a-t-il aussitôt répondu avec une folle lueur d’espoir dans le regard. J’avais oublié que je ne parlais pas à un homme qui cherchait l’âme sœur. Il voulait une maîtresse avec laquelle partager ce que je croyais être des comportements typiques de couple. Un autre m’a tout de même dit chercher cette fameuse âme sœur dans une maîtresse. Devant mon air incrédule, il a précisé clairement qu’il ne quitterait jamais sa femme pour ne pas la faire souffrir, qu’elle était la mère de ses enfants à jamais mais qu’ils n’avaient plus rien en commun hormis cette progéniture. « En plus, je crois qu’elle me trompe. »
Finalement, ils ne sont pas rares ces hommes mariés qui recherchent une relation durable avec une « femme de qualité » en dehors du mariage. « Je ne cherche pas à multiplier les conquêtes. Je n’ai plus l’âge de jouer. Je veux simplement rencontrer une seule femme avec laquelle partager des « moments de qualité, tendres et simples pour le restant de nos jours ». Cela ressemble à de bien pieux vœux, si ce n’est qu’ils s’adressent à une maîtresse au long cours plutôt qu’à une future épouse. Ces hommes sont légion, paraît-il. Aussi fidèles avec leurs femmes qu’avec leurs maîtresses.
Une autre légion pas si étrangère est celle des hommes qui ne voient pas pourquoi ils seraient fidèles alors qu’ils ont des besoins à assouvir. Ceux que j’ai rencontré étaient généralement plus jeunes que les précédents. Ils m’ont parlé de leurs besoins physiques, de leurs envies sexuelles, de l’incompréhension de leurs compagnes devant ces besoins. « Elle ne veut pas de sex toy, »« Je n’ai pas envie de lui imposer mes fantasmes mais j’aime faire l’amour avec deux femmes en même temps, »« Ma copine ne connaît que le missionnaire. » A celui-ci, j’ai demandé s’il avait déjà essayé de pimenter sa vie de couple avant d’aller voir ailleurs. « Oui, une fois. Elle a joué à mes jeux mais au bout d’une semaine elle a repris la position du missionnaire. » Et lui a repris ses missions sexe auprès de filles de passage. La palme des besoins qui m’ont le plus atterrée revient à un homme d’une trentaine d’années qui m’a cité comme besoins « se faire un restau, une toile, un pique-nique, des soirées en boîte, un jogging ». « Et tu ne peux pas faire ce genre de choses avec ta femme ? » « Mais non, je n’en ai pas envie ! » Cet homme avait donc besoin d’une maîtresse pour aller faire son footing. Et moi d’un amant pour faire la vaisselle.
Si les besoins de ces messieurs semblent si variés, il y a une constante chez eux qui m’a également interpellée : le besoin de connaître le statut social de la femme qu’ils abordent dans l’idée de coucher avec. Savoir si elles ont de bons emplois est primordial pour certains hommes. Peut-être pensent-ils qu’une bac+ 8 en CDI est un meilleur coup au lit qu’un BEP en CDD… « Non, me répond-on sur un ton outré, c’est pour être sûr qu’elle ait de la conversation ! » Décidément, ne peut pas être maîtresse qui veut de nos jours…
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