Focus sur un autre classique du hard US 70’s de la (défunte) collection de l’éditeur Wild Side : Soft Places (1978), drame pornographique réalisé par Joanna Williams (le teenage porn Little Girls Blue, Chopstix), sous le pseudonyme de Wray Hamilton, avec en tête d’affiche la légendaire Annette Haven (Desires Within Young Girls, V : The Hot One, SexWorld, Dracula Sucks, Co-Ed Fever, Deep Rub, alias Petites mains à tout faire, aux côtés de Desiree Cousteau & John « Mr. 33 cm » Holmes).
Pour lui tenir compagnie, la réalisatrice s’adjoint les services de la starlette asiatique China Leigh (l’OFNI Long Jeanne Silver, dédié au physique « particulier » de l’amputée Jean Silver, Teeny Buns, China Sisters), de Chris Cassidy (Candy Stripers & Sadie de Bob Chinn, SexWorld, China Cat, où elle croise John Holmes dans la peau du célèbre détective privé Johnny Wadd) et de l’incontournable Paul Thomas, acteur (Desires Within Young Girls, Little Girls Blue, la parodie porno Sex Wars – inspirée de la saga de tonton Lucas, une palanquée de Swedish Erotica) et réalisateur prolifique (auteur du magnifique Masseuse II).
« There, does it excite your legal prick ? »
Soft Places se pare d’une tonalité particulière dès l’intro, où le drame (cf. ce « couple » vêtu de noir à l’arrière d’une berline – Annette Haven & Paul Thomas, visiblement de retour d’une cérémonie funéraire) est dynamité par des flashes (réminiscences d’étreintes sexuelles brutales & bucales), emplissant rapidement la totalité de l’écran (hormis une « découpe figée » de l’actrice). Une audace formelle, flirtant avec l’expérimental, qui place d’emblée le film sur des rails peu balisés.
On comprend rapidement que Monique (Annette Haven), l’épouse en deuil, escortée par l’avocat (Paul Thomas) de feu son mari, doit hériter de biens conséquents, lui assurant opulence jusqu’à la fin de ses jours. Mais la tâche s’avère plus compliquée que prévue pour la veuve, supposément frigide (selon les dires de son mari) ; le testament inclut des conditions précises : qu’elle s’abandonne enfin, découvrant l’amour de soi (masturbation), avant d’aimer autrui (première relation saphique, sexe avec un parfait inconnu, …).
Prenant place dans un cadre bourgeois et raffiné, soutenu par la belle BO de A.R. Prajna (dont c’est le seul fait d’armes), le film est une ode à la beauté (en apparence inaccessible) d’Annette Haven, respirant la classe en toutes situations (même les plus scabreuses).
Un côté feutré renforcé par de nombreux et habiles changements de point (flou-net), conférant aux raccords une douceur insoupçonnée.
Soft Places donne à voir à l’amateur une des plus belles scènes de masturbation féminine de l’histoire du porno américain, où l’on découvre un nouvel usage du combiné téléphonique. Une séquence à ranger auprès de la redécouverte de son corps par Georgina Spelvin – sous les accords épiques d’un extrait d’une BO du grand Ennio Morricone, dans cette salle de bain crasseuse du The Devil in Miss Jones de Damiano.
On dérive ensuite vers une somptueuse séquence fantasmagorique, où une silhouette gantée de blanc (« homme invisible ») invite Monique à venir s’occuper de son membre, qui déchargera son nectar dans une coupe à champagne (bue avec avidité par la divine fellatrice)…
Monique s’adonnera aussi à l’exhibitionnisme (en cascade ; d’un taxi – sous les yeux du conducteur médusé – à la cabine d’essayage d’un magasin de haute couture !) et connaîtra son premier acte lesbien (avec la craquante China Leigh) dans un club pour femmes. Qui plus est, ce passage s’ouvre par une séquence étonnante, entre un homme et une jeune hermaphrodite, caractérisant de fait la liberté (de ton & d’esprit) propre à l’époque, où diverses spécialités (homosexualité masculine, fétichisme – non édulcoré, physiques hors normes, …) se mariaient gaiement au sein de productions hétéros, loin de la compartimentation (rigide) en niches du marché vidéo actuel.
Néanmoins, le film s’égare lors d’une (petite) poignée de séquences, telle celle sise dans un bar miteux, repaire de poivrots et catins sur le retour, qui s’étire imperturbablement au-delà du seuil acceptable…
Heureusement, Soft Places emporte la mise par une séquence de baise réussie (entre Annette Haven & Paul Thomas) – qui aurait été magistrale sans ces (très) gros plans anatomiques pas très « glam » – et un superbe plan final, à la symbolique étudiée…