C’est un véritable cauchemar qu’ont vécu Omar et Samer (prénoms d’emprunt) un couple gay, début juin au Liban. Le premier, un ingénieur installé à Beyrouth, ramenait le second chez lui, au Liban-Sud, quand leur voiture a été stoppée à un barrage. En fouillant les bagages de Samer, les policiers des Forces de sécurité intérieure (FSI) y ont trouvé un demi-gramme de haschich. Après une première nuit en cellule, les deux jeunes hommes ont subi un interrogatoire très violent. Ils sont forcés de se soumettre (et de payer) un test de drogue, qui s’avère négatif pour Omar. «Mais ils ne me l’ont pas dit. Ils ont ensuite fouillé mon téléphone, mes photos, ma boîte e-mail et mes messages. Examinant mes conversations avec Samer, ils se sont attardés sur le fait que je l’appelais habibi (mon chéri, en arabe, ndlr.)», raconte-t-il à «L’Orient-Le Jour».
Les deux hommes sont alors roués de coups, «électrocutés» et sommés de révéler le noms de leurs dealers, de toxicomanes, ainsi que de livrer une «liste de noms de la communauté gay». Ironie du sort, ces séances se déroulent dans un bureau où est accrochée une pancarte «Tout usage de la force est interdit durant les interrogatoires».
Outing
Dans la foulée, les parents sont convoqués par les policiers. «Ils leur ont dit que nous étions gay alors qu’ils n’en savaient rien», précise Omar. Quand le père de Samer arrive, il hurle des insultes à l’intention de son fils, qu’il ne peut pas voir. Défiguré par les coups, celui-ci reste dissimulé dans sa cellule.
Suivent plus de trois semaines de détention et d’interrogatoires violents dans une promiscuité menaçante (les autres détenus sont au courant de leur homosexualité), avant une libération sous caution. «Le pire est arrivé, je n’ai plus rien à perdre», résume Omar. «Mon père ne m’adresse plus la parole depuis qu’il a su ce qui est arrivé, et je sais que j’ai été puni sans avoir fait le moindre mal à qui que ce soit. Cela ne m’empêchera pas de vivre ma vie comme bon me semble et je pense que j’ai, dorénavant, en horreur toutes les personnes en uniforme.»
Enquête
L’affaire pourrait ne pas en rester là. Contacté par «L’Orient-Le Jour», un conseiller du ministre de l’Intérieur a assuré que le cas d’Omar et de Samer «serait suivi de près» et que le comportement des responsables des FSI faisait l’objet d’une enquête. Selon l’article 534 du Code pénal libanais, les rapports sexuels «contre nature» sont théoriquement passibles de 1 an de prison. Toutefois, ce texte est reconnu comme inapplicable par une récente jurisprudence.