Percussions. Le soumis arrive à quatre pattes. Marie se marre. Se moque. Sa culotte est au sol. Elle danse, lentement, autour de lui. Ensuite, sa langue valse aussi. Elle le suce. En très gros plan. Cut. Frank l’embrasse. Était-ce lui, sous la cagoule ? Dans A Thought of Ecstasy, on se perd au fil des fantasmes… et on se dit que ça ressemble à une version porno de Twin Peaks. Les scènes censurées d’un film de Lynch. Ou juste les fragments de nos derniers rêves érotiques ? On ne sait plus, mais l’excitation est bien là.
LE DESTIN EST L’IRRÉVERSIBILITÉ DE LA SÉDUCTION
Frank part en quête dans une Californie caniculaire et crépusculaire. Voix off en allemand. Son road trip sinue sur les routes de ses désirs. Des dunes et des lunes, sous le soleil. Très vite, ses fantasmes embrassent les réalités superposées. Ses scénarios sont structurés par un livre. Celui-ci est écrit par un amour de jeunesse, perdu. Marie. Voix off en anglais. C’est en la cherchant qu’il va rencontrer la travailleuse du sexe, Nina.
A Thought of Ecstasy est un film expérimental allemand (à la bande son bilingue). Il est réalisé par (et avec) RP Kahl, en 2017. Film de festival assez confidentiel. Pourtant, il est d’une splendeur et d’une profondeur rares. Kahl (Frank) est entouré de trois actrices : Deborah Kara Unger (Liz), Ava Verne (Nina) et Lena Morris (Marie). Dans ce film hypnotique et étrange, les deux femmes principales sont surnommées Hope (Nina) et Destiny (Marie).
Marie, c’est l’irréversibilité de la séduction. Le destin et la danse. Nina, c’est l’espoir qui renaît à chaque fantasme. La pornographie. Ou l’inverse, selon la temporalité invoquée… Liz, enfin, c’est le pouvoir et le mystère. Le complément de Frank. Ce dernier va les rencontrer dans différents lieux et différentes temporalités. Entrelacées. Frank semble souvent hagard, contrarié ou dépassé. Parfois, il est discrètement ému. C’est alors qu’il devient enfin acteur. Sa quête, c’est peut-être celle de la maîtrise de ses fantasmes. Nécessairement, elle devra traverser le « bunker » !
Le « bunker » est un lieu de passage, lynchien, entre les différentes réalités. C’est un espace fantasmatique. C’est aussi le pendant artistique des villas typiques de productions pornographiques. Dans le bunker, Frank assiste d’abord à une séance masochiste de Nina. Celle-ci filme la session. Frank semble ici la surprendre. Comme un voyeur. Plus tard, il la rencontre et se paye ses services d’escorte. Il la regarde se branler dans un fauteuil. Scène silencieuse et fascinante. Pourtant, Frank semble rester spectateur… Session suivante, dans le bunker, Nina devient la domina. Frank filme, sur sa demande. Il agit en tant que voyeur.
Puis apparaît Marie (ou son double ?). Elle aussi domine. Pirate solaire mais pirate bizarre… Arrive ainsi la scène que nous décrivions en ouverture… Ou elle tease et danse avant de se lancer dans une brève fellation… Marie est une amie de Nina. Marie rencontre aussi Frank dans le désert. Ou le croise. Ils baisent. Ou se ratent. Pas très clair avec cette canicule ! Ces hallucinations ? Tout du long, tensions dramatique et sexuelle s’interpénètrent. La musique de Moderat donne de la profondeur aux ambiances californiennes. On en ressort secoué.
A Thought of Ecstasy est une expérience filmique séduisante et déroutante. Mais c’est surtout du cinéma génial par la manière dont on navigue sur les flux fantasmatiques. Ici, la pornographie matérialise le scénario. Lui donne corps et consistance. C’est le centre de gravité du film. Ici comme ailleurs, le porn attise l’espoir d’un monde meilleur.
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