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Cet article Le dîner – Des amis qui vous veulent du bien, par Fania Noël provient de Manifesto XXI.
Avez-vous déjà vécu une situation sexiste sans réussir à mettre le doigt sur ce qui clochait exactement ? La remarque anodine d’un camarade militant qui reste en travers de la gorge, une réaction véhémente d’un ami pourtant progressiste ou bien la « blague » cringe d’un collègue ? Le diable est dans les détails, le sexisme le plus difficile à dénoncer et peut-être celui qu’on appelle « bienveillant », celui des hommes « bien », bien diplômés, bien gentils, bien entourés et bien « féministes ». Dans ce cycle de 8 chroniques, la chercheuse et militante afroféministe Fania Noël vous propose de décortiquer des situations quotidiennes avec une courte fiction éclairée ensuite par une notion de critical feminist theory. [2/8]Désolé ! On est super en retard. » Le dîner était prévu à 19h, il est 19h06 et comme à son habitude, Julien tient à s’excuser. Pas par perfectionnisme, mais pour souligner son sens de la bienséance. Il claque deux grosses bises à Laure, prend la veste de Julien et les invite à faire « comme chez eux ». C’est d’ailleurs presque chez eux, ce duplex où ils ont vécu dix ans avant d’opter pour une maison à Mairie des Lilas après le premier confinement.
19h15
« Chloé vient à peine de rentrer, de toute façon », lance Paul, tire-bouchon et bouteille à la main. Laure incline légèrement la tête, suivant des yeux le bruit des allées et venues des jumeaux à l’étage.
19h27
« Je suis là, je suis là ! » Triomphante, Chloé dévale l’escalier. Bien que ce soit une bataille quotidienne, la victoire sur le coucher n’est jamais assurée. Laure et Julien affichent un air déçu de ne pas voir leurs filleuls ce soir.
19h39
La commande du traiteur thaïlandais du coin de la rue arrivée à 19h17 peut enfin être entamée et la discussion prend son rythme :
Laure : Là on a encore une merde avec le toit, et les devis sont ridiculement chers.
Julien : On va finir par le faire nous-mêmes, en regardant des tutos sur YouTube.
Chloé : Au cabinet, on a un client qui a une entreprise de rénovation, je peux lui en toucher deux mots et voir s’il peut vous faire un prix.
Julien : Tu es sûre, ça ne te pose pas problème ?
Chloé : Mais n…
« Bien sûr que non, en plus c’est pas tous les jours que les cabinets comptables peuvent faire du pro-bono », interrompt Paul d’un ton jovial.
Chloé : Je lui en parle demain… Ohlala si vous saviez ! Son dossier est un casse-tête, il…
Paul, lui passant la main sur le dos : « Chouchou, jeudi soir, pas de casse-tête au programme. » Il ponctue la phrase par une bise dans le cou et poursuit : « J’ai pas trouvé la sauce vietnamienne. »
Chloé se lève pour prendre la sauce.
19h58
Chloé est de retour à table avec la sauce qui se trouvait dans le placard des sauces.
Julien : Je t’avais dit ! Elle est géniale.
Chloé : Qui ?
Julien : Une ancienne collègue, le top du top dans tout ce qui est ESS, campaigning.
Paul : Là, on veut lancer une nouvelle campagne sur les énergies fossiles et si on peut avoir des soutiens à Bruxelles, ce serait merveilleux.
Laure : Oh putain, j’ai complètement oublié d’envoyer les derniers drafts pour la rencontre de la semaine pro.
Paul : Oh t’inquiète, ça peut attendre lundi, surtout qu’on va se taper plein d’allers-retours.
20h05
Le téléphone de Paul sonne.
Paul : Ah, c’est la nounou. Allô ?
Chloé : Alors, la pièce vous l’avez trouvée comment ?
Laure et Julien, à l’unisson : Extraordinaire !
Chloé : Je savais ! Je l’ai recommandée à au moins cinquante personnes. Ils m’ont carrément donné envie de reprendre le théâtre, et vous savez que c’est un mélange entre…
Paul, en lui tendant le téléphone : Il y a un problème d’horaire pour demain, Mathilde va devoir partir avant que Louisa arrive.
20h08
Chloé s’éclipse sur le canapé, prend la tablette pour avoir sous les yeux l’agenda des activités des jumeaux et convient que le mieux est qu’ils restent en activités périscolaires et que Louisa, la femme de ménage, les récupère à 17h30. Elle écrit un message WhatsApp à Louisa pour l’informer, et rappellera à Paul de prévenir l’école en les déposant le matin.
20h26
Chloé revient à table.
Paul : Non mais c’est génial !
Chloé : Quoi ?
Laure : Un projet d’insertion pro pour des femmes migrantes. Tu te souviens de Victor ? Petit, un peu chauve. Ben il a lancé sa propre structure ESS et ça cartonne.
Chloé : Et elles sont insérées dans quel secteur ?
Julien : Dans le tertiaire : cantines collectives dans les entreprises, collectivités, entretien.
Chloé : Mais elles n’avaient pas déjà un métier avant d’arriver ?
Paul : Évidemment, mais dans leur situation, l’urgence c’est vraiment de pouvoir les insérer le plus rapidement, pour monter des dossiers solides de régularisation.
Chloé : Ben justement ça n’irait pas plus vite si elles n’avaient pas besoin de se former à un nouveau métier ?
Paul : C’est pas comme si la formation durait trois ans, et c’est plus court que de faire reconnaître les diplômes, expériences… Tu vois.
Laure et Julien acquiescent.
Chloé : Mmmh…
Paul : C’est bon avec Mathilde ?
Chloé : Oui, faut juste que tu préviennes pour qu’ils restent en périscolaire, et Louisa passera les prendre.
Paul : Oki doki. Oh, mais peut-être que je pourrais en parler à Louisa !
Chloé : De quoi ?
Paul : Du projet de Pierre. Elle cherchait d’autres contrats.
Se tournant vers Laure et Julien : « Vous savez, sa situation est compliquée. »
Chloé : Je pense pas que ça l’intéresserait, elle est très déterminée à devenir fleuriste.
Paul : Fleuriste ?
Chloé : C’est ce qu’elle faisait en Angola, fleuriste, et ses enfants l’aident à trouver une formation.
Laure : Oh, c’est super !
Paul : Ben je savais pas, alors qu’on papote souvent avec Louisa pendant la pause de midi avec les petits monstres.
Laure : Ils restent pas à la cantine ?
Paul : Seulement quand je vais au bureau, bon parfois je regrette… Ce midi, un vrai bordel, un cinéma pas possible, parce qu’il n’y avait plus de Mini Babybel et de Dinosaurus.
Chloé : Il n’y en a plus ?
Paul : Nope.
Chloé : T’es passé au Monop ?
Paul, prenant une gorgée de vin et secouant la tête pour signifier un non : Hmm hmm. Digne du caca nerveux de Fred à la conférence à Ber…
21h00
Chloé prend son smartphone, clique sur l’application Monoprix, duplique le panier d’il y a deux semaines.
Chloé : Tu vas au bureau pour 11h, c’est ça ?
Paul : Oui, par là.
Chloé : Par là, 10h30, ou midi ?
Paul : Hmm midi.
Chloé valide la livraison pour le lendemain entre 8h et 11h.
21h10
Chloé reprend le fil de la conversation.
Laure : Toute ton équipe y va ?
Paul : Affirmatif.
Chloé : Va où ?
Laure : À la manif du 8 mars.
Paul : On a préparé une bonne mobilisation avec un groupe éco-féministe extra.
Julien : Celle du matin ou la marche de nuit ?
Paul : Celle du matin, bon c’est pas génial politiquement mais il y a tous les acteurs politiques et la presse pour la campagne.
Laure : Tu viens avec moi à celle de nuit ?
Chloé : Je vais essayer mais je suis sur les rotules.
Paul : Ça va te booster cette manif, tu retrouves pas cette énergie au boulot.
Chloé : C’est un autre type d’énergie.
Paul : Mais tu vois ce que veux dire, c’est pas là où se joue la bataille contre le patriarcat.
Julien, levant son verre : Sur les pavés, camarade !
Paul : Oh non ! J’ai zappé, j’ai le petit-déj inter-asso à 9h.
Julien : Trop bien que tu viennes ! En plus, drama en perspective avec Gre…
22h00
Chloé reprend son téléphone : « Changer l’heure de livraison ». Pas de créneau disponible après 17h. « Annuler la commande ». Elle laissera de l’argent liquide à Louisa qui passera au Monoprix avant d’aller récupérer les petits. Elle programme le SMS pour que Louisa le reçoive à 9h le lendemain. Pour ne pas oublier, elle se lève pour déposer un billet de 20 euros dans le vide-poche de l’entrée.
22h09
Chloé retourne à table, au moment de demander qui a divorcé de qui, elle est prise d’une soudaine fatigue. Son verre à la main, elle sourit en essayant de s’aligner sur l’effervescence générale et se fait un rappel mentalement : « voir si Louisa peut être payée moitié au black pour plein temps première semaine vacances de Pâques ».
Ce qu’en dit Rose-Myrlie Joseph :
[Les femmes] qui peuvent externaliser le travail domestique entretiennent une autre forme d’illusion de l’égalité qui consiste à décrire un modèle d’organisation domestique inégalitaire sans questionner l’implication des hommes dans l’installation et la perpétuation de cette organisation injuste. Elles nient ainsi le rapport inégalitaire qu’elles entretiennent avec leur conjoint, font comme s’il n’y avait plus de lutte à mener, alors que c’est aussi leur exploitation dans le domestique qui reproduit et renforce celle des migrantes pauvres et racisées.
Rose-Myrlie Joseph est une sociologue haïtienne, dont les recherches portent sur les parcours migratoires de femmes haïtiennes devenues travailleuses domestiques en France. Son travail analyse les rapports de domination, d’exploitation et de pouvoir qui se jouent à l’intérieur du couple et dans les discours féministes autour du travail domestique – majoritairement dévolu aux femmes – défini par sa gratuité, le service domestique des personnes employées par des familles et le travail non domestique.
Paul et Chloé sont tous·tes les deux salarié·es, et bien que Chloé semble avoir des horaires moins flexibles, elle est en charge de la grande partie du travail domestique. Dans le cas des couples de catégories sociales moyennes et supérieures, le travail domestique qui est imposé aux femmes dans la division genrée du travail est médié par les femmes de classes populaires, souvent non blanches. On peut constater comment Paul entretient l’illusion d’égalité, en mettant en avant le temps passé avec les enfants, en assumant son féminisme. Il se pose même comme plus féministe que son épouse, en adoptant une une posture paternaliste et moralement supérieure : employé d’une organisation à but non lucratif, son poste lui confère un statut d’expert de l’égalité et la justice sociale, tandis que la vie professionnelle de Chloé est vite évacuée comme étant trop casse-tête pour la catégorie entre-ami·es.
Chloé est une ombre de ce moment de sociabilité entre adultes, car même si elle n’accomplit pas certaines parties du travail domestique, elle est la « manager domestique » – ce qui sous-tend souvent la charge mentale. D’après la définition de la sociologue, Chloé est la seule à se montrer responsable « dans la recherche d’arrangements entre “management” et “ménagérisation” ». Ces arrangements passent par le transfert de la charge de travail sur une femme plus pauvre et non blanche. Dans le cas présent, Chloé est le principal intermédiaire : Paul est absent du travail mais aussi distancié des rapports de domination.
Le duo de Paul et Chloé est censé refléter une image de couple progressiste, mais on constate que cette illusion d’égalité repose sur leur capacité à externaliser une partie du travail domestique, l’évitement de confrontation concernant le désinvestissement de Julien et son incompétence stratégique (passer le téléphone quand le nounou appelle, ne pas penser à acheter les biscuits, ne pas savoir que la sauce est dans le placard, à sa place habituelle), et le récit de soi entretenu, selon lequel il serait le plus féministe des deux.
Dans cette chorégraphie, Louisa est une variable d’ajustement de temps pour le travail qu’elle effectue, mais aussi pour les positions morales et politiques que revendique Paul et dont bénéficie Chloé mais qu’elle tolère plus ou moins. En effet, cette illusion d’égalité se retrouve dans certains discours féministes mainstream où le patriarcat serait incarné par une certaine catégorie d’hommes, souvent pauvres et non blancs ou de certaines cultures.
Pour aller plus loin : Joseph, Rose-Myrlie. « Les paradoxes et les illusions de l’égalité dans le travail : l’occultation des dominations », in Recherches féministes, volume 30, n° 2, 2017, p. 197–216.
Édition et relecture : Apolline Bazin et Sarah Diep
Illustration : Léane Alestra
Prochaine chronique le 5 juin
Relire : Note de bas de page [1/8]
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Les Cahiers Maria Szymanowska ont la vocation de faire connaître principalement les grandes compositrices oubliées, comme Maria Szymanowska. Ils sont dirigés par Patrick Chapelle. Non seulement, nous offrent-ils des portraits d’artistes femmes, mais aussi des chroniques et des analyses très fines des sociétés qui ont permis l’éclosion de ces talents au féminin et les ont […]
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Couples: phases de construction Comment se forment les couples? Ni les réponses de la sociologie, ni celles de la psychologie et encore moins celles de la philosophie n’apportent de certitude absolue. Faut-il se résigner et attendre d’un art divinatoire qu’il nous révèle notre destin conjugal? Envoyez “mon chéri” par SMS et obtenez une réponse “personnalisée” … Continuer la lecture de « Histoires de couples »
Cet article Histoires de couples est apparu en premier sur SEXOLOGIE MAGAZINE.
Notre décennie est celle d’un empowerment sexuel féminin de plus en plus revendiqué, notamment grâce à l’explosion de comptes Instagram sexo-féministes. Le sexpowerment, pour reprendre le titre d’un livre de Camille Emmanuelle, a le vent en poupe ! Toute une jeune génération de femmes osent enfin dire sans rougir les mots « vulve », « clitoris » et vouloir des orgasmes en pleine conscience de leur corps. Pour s’approprier son plaisir, le tabou de la masturbation tombe et cette pratique est de plus en plus assumée par la gent féminine, faisant le bonheur d’une industrie du sextoy innovante et florissante. Des femmes nous ont fait part d’un décalage de plaisir édifiant dans leur sexualité : elles arrivent à se procurer beaucoup de plaisir en se masturbant, mais ne ressentent rien (ou presque) lors d’un rapport sexuel à deux, toujours plus décevant que leur expérience solitaire. Est-ce grave docteure ?
Le plaisir de la masturbation grâce aux sextoys ? Oui, mais pas que !28 femmes qui se définissent en majorité comme cisgenres 1, âgées entre 20 et 67 ans, ont accepté de nous détailler les différences de sensation entre leur sexualité solo et à deux. 41% d’entre elles sont en couple monogame exclusif, 30% célibataires, deux femmes sont en couple polyamoureux, une se présente comme « mariée insatisfaite consolée par son amant », entre autres. Un premier constat simple : toutes disent avoir facilement un orgasme en se masturbant et 26% d’entre elles y arrivent seulement avec un sextoy. Cependant, 74% utilisent l’outil le plus basique, accessible à toutes et efficace pour se donner du plaisir, à savoir la main et les doigts. Seules 7% pratiquent la technique du humping et 22% stimulent leur poitrine.
Tout acte sexuel, qu’il s’agisse de plaisir solitaire ou accompagné, nécessite de travailler son imagination sexuelle. C’est important pour faire évoluer son plaisir et stimuler sa libido sexuelle à travers le temps. En premier lieu, les répondantes utilisent leur propre imagination pour fantasmer durant la masturbation, suivi de souvenirs de sexe avec des ex amant-es (48%), du visionnage de films pornographiques sur des sites gratuits, puis seulement en 4è position l’utilisation de sextoys (26%). Une minorité pense à des scènes de film qu’elles trouvent excitantes (18,5%), 22% lisent des livres ou BD érotiques et seulement une d’entre elles a affirmé regardé des films pornographiques éthiques-féministes.
Parmi les sextoys utilisés, sans surprise, ce sont les marques Satisfyer et Womanizer qui sont citées le plus souvent. Parmi les modèles cités, le Satisfyer G-Spot Rabbit et le Womanizer Duo. Certaines mentionnent aussi des sextoys de type « Wand »(juste stimulation externe du clitoris) ou « Rabbit » (stimulation externe et interne simultanée). La palme de l’originalité revient à Isa, 63 ans, qui mentionne l’utilisation d’une brosse à dents électrique ! Un objet qui fait partie de notre top 8 des objets insolites des femmes pour se masturber.
Il y a trop de pression à deux, en solo c’est le lâcher-prise totalLes femmes qui ont témoigné sont unanimes sur leur expérience, la masturbation solitaire c’est le plaisir assuré !
« Je vais à mon rythme, selon mes envies et quand je veux, sans pressions ni injonctions. Et le plaisir est toujours au rendez-vous »
Virginia, 49 ans
Plusieurs évoquent « l’orgasme à tous les coups » et le plaisir de maîtriser la montée progressive de l’orgasme. Le lâcher-prise est plus facile, notamment car il y a une connexion physique et mentale plus évidente durant l’acte. Pour Eloïse, 23 ans, cela fait toute la différence :
J’ai jamais su vraiment connecter avec les hommes, même si je peux discuter, flirter et coucher avec eux. Je ne ressens aucune connexion émotionnelle ni physique. C’est donc rare que je me sente vraiment excitée par un mec, je me retrouve dans une forme d’état neutre. Avec un sextoy, je n’ai même pas besoin de chercher à m’exciter, je suis excitée de base rien que d’y penser. C’est plus facile ! »
Eloïse, 23 ans
Pour Charlotte, 35 ans, il est « plus difficile d’être à l’aise, plus difficile de lâcher prise, difficulté à dire ce que j’aime ou ce que je veux et les rapports sont plutôt centrés sur la pénétration. » Qui dit rapport phallocentré, dit souvent une relation sexuelle qui se termine quand monsieur a joui, alors que madame peut avoir envie de continuer. Comme nous avons l’habitude de ces (mauvais) scripts érotiques hétéros, cela peut générer de la culpabilité chez les femmes. Il y aussi une pression chez des hommes, soucieux de faire jouir à tout prix leur partenaire.
« Mon partenaire pense que l’objectif d’un rapport est l’orgasme. S’il n’est pas atteint pour deux, il considère ça comme un échec, alors en plus de la douleur lors de la pénétration, j’ai un peu le stress. Je me sens aussi perverse car j’ai plus de désir que lui. »
Eilish, 20 ans
Lily, 30 ans, admet « prioriser le plaisir de son partenaire », « se mettre la pression seule » et avoir « plus de mal à atteindre l’orgasme ». Les femmes sont constamment sous pression de leur apparence, ce qui influence leur sexualité, comme le dénonce la série « Libres ».
Le patriarcat a des impacts sur la sexualité à deuxMajorité des femmes interrogées sont hétéros et 30% sont bisexuelles/pansexuelles. Aucune n’est lesbienne et une femme mentionne des relations sexuelles avec des travestis. Nous sommes donc face à des témoignages qui portent essentiellement sur la relation sexuelle avec des hommes cisgenres 2. Pour la moitié d’entre elles, le sexe à deux rime avant tout avec pression.
Le regard patriarcal que la société donne aux garçons sur les filles, a des conséquences sur la sexualité. C’est pourquoi l’éducation sexuelle des enfants et ados est un sujet important à traiter et améliorer. Cela n’en sera que bénéfique pour une sexualité d’adultes plus positive et réellement plaisante pour tous-tes.
Eloïse évoque le regard masculin sexualisant et objétisant tôt dans sa jeunesse. Cela a eu pour effet de l’éloigner des garçons et de créer des rapports surtout conflictuels. « J’ai eu des règles très tôt (à 9 ans), des seins qui poussaient en CE1, on m’a sexualisé et donné un statut d’adolescente trop tôt. Les garçons me disaient que “j’étais bonne” et ça me dégoûtait, mon corps me dégoûtait. Je ressemblais à une fille de 15 ans qui jouait avec des filles de 7 ans, je me faisais embêter par les garçons de mon âge et les garçons plus âgés. C’était oppressant« .
Cette pression sur le corps des femmes dès le plus jeune âge complique l’idée de « lâcher-prise » durant un rapport hétérosexuel. Les femmes étant trop habituées à se sentir scrutées et jugées par le regard masculin.
Dans les rapports à deux, je sens que je ne me lâche pas, j’analyse tout, les mouvements, les caresses, mes sensations. Alors que quand je me masturbe, je suis seule avec moi-même, je me permets de ressentir plutôt que d’analyser. »
Iris, 34 ans
Cependant, tout ne va pas mal au royaume du sexe en binôme, rassurez-vous ! Plusieurs femmes mentionnent le positif du sexe en couple, le «plaisir à procurer du plaisir et voir l’autre jouir » (Hélène, 45 ans). Faire l’amour avec quelqu’un est beau quand il y a du désir et de bonnes sensations. Cette expérience de partage entre humains reste unique avec ce « plaisir d’être peau contre peau » (Cécile, 47 ans).
Quelles solutions pour avoir plus de plaisir sexuel dans un couple hétéro ?Un tweet de la journaliste et activiste féministe Alice Coffin, montrait un slogan lesbien de manif’ « Quand les femmes s’aiment, les hommes ne récoltent pas ». Peut-on penser que plus les femmes s’approprient leur plaisir et moins elles veulent des hommes ? Cela fait écho à notre interrogation « peut-on être féministe hétéro et continuer d’aimer les hommes ? »
La réalité ne va pas forcément jusqu’à la finalité lesbienne. Cependant, les hommes doivent être plus à l’écoute du désir de l’autre et questionner leurs stéréotypes virils de la sexualité. Aucune femme n’a indiqué que la pénétration ne procurait aucun plaisir, mais il faut s’en décentrer. Le clitoris externe joue un rôle essentiel bien plus important, comme le rappelle Anna :
S’il n’y a que de la pénétration, sans contact direct avec le clitoris externe, c’est sympa 2 minutes, mais c’est pas fou ! Dans le cas des garçons qui ne savent pas toucher un clitoris, ou qui croient que c’est en me « pilonnant » que je vais avoir un orgasme, ce qui me manque c’est qu’ils soient mieux éduqués. Ou qu’ils me croient sans se vexer quand je leur explique comment ça marche chez moi. »
Anna, 35 ans
100% des répondantes ont déjà reçu un cunnilingus (se faire lécher la vulve et le clitoris). Mais, 40% d’entre elles n’ont pas eu d’orgasme ou ressenti de plaisir durant ce moment. Mélanie, 47 ans, raconte qu’elle a « un clitoris encapuchonné, et très peu d’hommes prennent du temps pour le trouver » . Pour effectuer un bon cunnilingus messieurs-dames, ce post Instagram illustré de @mercibeaucul peut vous aider ! Pour les personnes léchées, suivez nos 6 conseils pour prendre plus de plaisir pendant un cunni !
La masturbation n’est pas incompatible avec sexe à deuxÀ la question « qu’est-ce qui vous manque pour avoir plus de plaisir dans un rapport sexuel à deux ? », plusieurs mentionnent le souhait que l’acte sexuel dure plus longtemps. D’autres que l’« amant jouisse uniquement après que j’aie pris mon pied plusieurs fois » (Badille, 67 ans). Pensez donc aux bienfaits du slow sex ! Elles sont aussi une majorité à voir leur part de responsabilité dans ces difficultés à atteindre le plaisir à deux. Elles regrettent un « manque d’estime de soi », un besoin de « lâcher prise », le « courage de dire ce qu’on veut » et « oublier de se soucier uniquement du plaisir de l’autre ».
La masturbation est la clef de leur plaisir, pourtant 60% se masturbent peu, voire jamais, durant l’acte à deux. Serait-ce la peur de vexer le partenaire ? La honte de le faire devant l’autre, ou la difficulté de concentration en présence de quelqu’un d’autre ? Plusieurs raisons peuvent expliquer cela.
Quid d’ajouter un sextoy dans sa sexualité de couple ? Pour Eloïse, « utiliser un sextoy avec un mec n’a aucun effet, même quand c’est un sextoy qui de base me fait jouir en cinq minutes. »
Le rapport sexuel à deux est une improvisation qui s’apprend. Il est important de se comprendre soi et d’écouter l’autre, pour arriver à créer une danse complice et satisfaisante. Les femmes ont la qualité de vouloir faire bien, mais le défaut de privilégier le plaisir de l’autre au détriment du leur. Les hommes manquent d’écoute et de curiosité envers le plaisir féminin, et se concentrent sur leur propre plaisir. Or, il faudrait envisager le sexe de façon plus ouverte et collaborative ! Il y a des schémas à repenser des deux côtés, pour atteindre le septième ciel ensemble.
1 * Femme cisgenre : se dit d’une personne née de sexe féminin et qui se définit du genre féminin. Par opposition à une femme transgenre, née de sexe masculin mais se définissant du genre féminin. Même logique pour l’homme cisgenre vs homme transgenre.2 * Femme cisgenre : se dit d’une personne née de sexe féminin et qui se définit du genre féminin. Par opposition à une femme transgenre, née de sexe masculin mais se définissant du genre féminin. Même logique pour l’homme cisgenre vs homme transgenre.L’article Je préfère la masturbation au sexe à deux est apparu en premier sur Desculottées.