Femmes de plâtre est un essai consacré au photographe Romain Slocombe, par l’écrivain et critique d’art Stéphan Lévy-Kuentz. Sa prose, inspirée mais un tantinet absconse, expose les tenants et aboutissants du travail de l’artiste, définissant son rapport particulier au corps sur 33 pages brillantes. L’auteur déploie un vaste panorama des œuvres appelant à une érotisation de corps singuliers, cultivant une certaine fétichisation de l’anormalité. L’occasion idéale de tendre des ponts entre l’art de Slocombe et celui d’artistes marginaux, innervés de modifications corporelles, bondage ou voyeurisme, et inspirés par ce flux continu généré par Eros et Thanatos (J.G. Ballard, Francis Bacon, Bataille, Araki, Molinier, Félicien Rops, Bellmer, Richard Kern, …). Une introduction éclairante, qui devrait néanmoins laisser les lecteurs les moins assidus sur le bord de la route, mais récompensera doublement les autres.
Y fait suite un portfolio de photographies de Slocombe, ouvrant une porte sur un univers éminemment personnel. S’y développe une érotisation de corps meurtris, emplâtrés, munis d’attelles, bandages et autres instruments médicaux, qui s’y révèlent en tant qu’accessoires aphrodisiaques d’un genre nouveau. Ces nymphettes, en apparence fragiles et laissées à l’abandon de leur tortionnaire, comme soumises aux désirs les moins avouables, se montrent beaucoup plus fortes qu’elles n’en ont l’air et fixent le spectateur droit dans les yeux. Un regard provoquant le trouble et dont on peine à définir le sens. Dans cette posture, le spectateur-voyeur se voit lui-même regardé, définissant de facto une inversion du rapport habituel (regardant/regardé) et s’engouffrant vers un trouble abyssal. Mais n’est-ce pas là l’origine de l’émoi érotique ? Dès lors, peu importe que l’on se sente des affinités avec ces visuels médicaux, souvent figés en noir et blanc ou baignés d’une tonalité bleue, vu que l’on se retrouve happé par la posture des modèles, nullement passifs face à ceux qui les contemplent…