Ce soir, à la télévision britannique, est diffusé Porn on the Brain. Basé sur l’étude qui montre des réactions similaires entre des accros au porno et des individus ayant d’autres types d’addiction, le documentaire à charge s’annonce bien énervant pour toute personne sensée aimant la pornographie.
Si j’ai bien lu les résumés, le docu se présente en deux parties. Une où l’on apprend que le porno influence notre cerveau au plus profond de sa mécanique. Une autre où la jeunesse perdue par le porno témoigne. Un homme se trouve au centre de la narration, Martin Daubney, l’ancien patron de Loaded, un magazine où les paires de seins servent à vendre des exemplaires sans qu’on ne se pose trop de questions. Désormais, Martin a un fils de quatre ans et les boules lui remontent quand il envisage le rapport de son gamin à la pornographie. Panique totale à bord.
L’homme qui a peur pour sa famille
L’ex-pseudo pornographe tremble pour les générations futures et se rachète une conduite. Voilà un point de départ idéal pour mener une enquête sans objectivité, garantie pièces et main-d’œuvre.
L’étude en neuroscience du professeur Valerie Voon consolide le documentaire dans une image scientifique, bien entendu, inattaquable. Seulement, l’étude n’est toujours pas publiée. Ce qui, dans le domaine de la recherche universitaire, signifie qu’aucun des collègues de Voon n’a validé ses protocoles et ses conclusions. Conclusions qui, rappelons-le, prouveraient l’influence déterminante du porno dans la modification du comportement et des goûts sexuels. Ce n’est pas rien. Pour l’instant, tout le monde discute donc sur du vent et les papiers que vous pourrez lire dans la presse ne se fondent que sur de l’opinion.
Justement, ces opinions sur le porno sont faciles à avoir surtout quand elles l’identifient à de la drogue. Mais les preuves manquent encore pour accuser formellement l’industrie du X de créer une génération de psychopathes aux mœurs sexuelles complètement tordues. La partie où Daubney recueille les témoignages d’ados semble édifiante et digne d’un micro-trottoir dans le journal de 13 heures de TF1. Exemple : ce jeune homme de 19 ans, matant du porn 12 fois par jour, qui gare sa voiture précipitamment pour rallier les toilettes d’un pub afin de se masturber. Ce garçon paraît avoir des problèmes bien plus importants que la pornographie.
Le documentaire a l’air d’une blague. Chris Chambers du Guardian l’avoue à demi-mot dans une critique parue hier. Cet homme de bonne volonté, le seul écrivant un papier équilibré et éclairé, cite le professeur Field questionné dans le docu. Ce psychologue donne son avis : « le chocolat et la course à pied peuvent se transformer en drogue ». Alors tant que plusieurs études ne valideront pas que le porno a de réelles conséquences, ce ne sera qu’un débat d’opinions. À l’instar des jeux vidéo violents, le porno n’est pas responsable de tous les maux de la Terre. Et s’il l’est, bien malin celui qui le prouvera.
La rageUn phénomène plus global participe de cette stigmatisation du porno. On l’a rappelé précédemment, David Cameron mène une fronde contre le porno. Chaque jour, un article sort dans la presse pour désigner ce divertissement à but sexuel comme la pire des épidémies. Tout le monde y va de sa petite étude à la noix, de son témoignage alléguant la culpabilité des pornographes. En vrac, on a pu lire que le porno produit du sexisme, que des étudiants accros au gonzo criaient à l’aide, que les NoFap créent des infographies pour prouver le bonheur de vivre sans les tubes. Vous en voulez encore ? Les gamins utilisent Facebook pour voir un mec s’enfiler une bouteille dans le derrière. Les pop-ups agressent les ados suisses et les perturbent. Une prostituée belge accuse le tag #anal de fabriquer des clients maniaques et avides de sodomie. Voilà ce que l’on peut lire à propos du porno ces derniers temps. Rien de positif, que de la peur. On dirait du Marine Le Pen interdit aux moins de 18 ans. Comme si on lisait partout que Marseille n’était peuplée que par des bandits sans personne pour soulever l’absurdité de tels propos.
Pour conclure le #CoupDeGueule du taulier, Gonzo :
Si ces bons messieurs veulent une étude, ils n’ont qu’à venir tâter de nos entrejambes. Vous êtes plus de 200 000 à nous lire chaque mois, une génération biberonnée au porno censée s’échouer comme le Concordia sur les récifs de la décadence. Pas de bol, jusqu’à preuve du contraire, aucune génération n’est née plus cinglée qu’une autre. La réalité est d’une banalité sans nom, l’humain évolue à une vitesse beaucoup trop lente pour tirer le signal d’alarme. Ni le porn, ni les jeux vidéo, ni la télé, ni Internet ne changeront ça. Laissez donc les outils de communication et le divertissement en dehors de vos délires et si le porn ressemble à de la dope, on tend le bras pour s’en refaire un petit.