OnlyFans est devenu un outil incontournable pour le secteur de l’érotisme. Lancé en 2016, ce réseau social pour web et mobile inspiré de Twitter et au premier abord totalement SFW s’adresse aux personnalités du milieu adulte et à leur fan base : les premiers proposent des contenus exclusifs aux seconds, moyennant un abonnement mensuel dont ils ont fixé le montant. Plus de contrôle pour les utilisateurs, une fidélisation accrue de leur communauté… En quoi OnlyFans participe au renouvellement du business model adulte ?
Un an après sa création, bon nombre d’actrices porn, de cam girls et de modèles se sont déjà appropriées OnlyFans. Janice Griffith, Jenna Valentine, Brenna Sparks, Rabbit Magick, Joanna Angel, Ivy Lebelle… Les liens de leurs pages OnlyFans sont mis en exergue sur leurs différents comptes, s’imposant comme les nouveaux atouts de leur identité digitale. Ce nouvel outil de promotion de contenu payant s’ajoute ainsi à la longue liste de ceux déjà disponibles pour les modèles depuis quelques années, un mouvement de fond (une « ubérisation »), qui tente de contre-balancer la chute vertigineuse des revenus du secteur adulte depuis l’arrivée des tubes porno.
Le phénomène n’est pas exclusivement féminin (coucou Charles Dera), mais les femmes y sont majoritaires, et OnlyFans semble leur procurer un pouvoir qui dépasse la simple dimension business.
« L’indépendance est totale »Elles utilisent ce site pour ses avantages financiers et l’espace de liberté qu’il leur offre, à l’heure où les réseaux grand public se montrent de moins en moins bienveillants envers le milieu du cul. La jeune actrice française Luna Rival s’y est inscrite sur les conseils de son amie Francys Belle. « Il y a très peu de limites et de censures. On peut poster ce que l’on veut. L’indépendance est totale. L’autre avantage, qui compte beaucoup, est leur faible commission (20%). » Aujourd’hui, c’est la plateforme la plus fructueuse pour elle.
Lou Charmelle, qui avait fait ses adieux au porn game en 2012, revient à pas de loup, notamment à travers son compte OnlyFans. Elle avait accumulé près d’un téraoctet de contenus sur ses disques durs et voulait leur donner une seconde vie. C’est Lily Labeau, avec qui elle travaille sur son Patreon, qui l’a mise au parfum. « Je n’avais aucune envie de m’atteler à la construction d’un nouveau site. OnlyFans est une parfaite alternative, à l’interface simple et la prise en main rapide. Pas besoin de maîtriser l’HTML et PHP pour gérer sa page. C’est à nous de décider de la fréquence de publication, des contenus et de leur prix. »
Voilà qui n’est pas sans rappeler le discours tenu par certaines cam girls vis-à-vis de Chaturbate et consorts. OnlyFans est un moyen de se réapproprier son image, son corps, et surtout de devenir sa propre patronne.
Business is businessDerrière « OF », se cache l’entrepreneur britannique Timothy Stokely, fondateur de Customs4U, entre autres. Nous avons essayé de l’interviewer, mais il se fait discret. Est-ce parce que la modèle fetish Lindsey Leigh l’accuse d’avoir volé son idée ? Elle se serait associée avec lui il y a quelque temps pour monter Follow Plus, l’ancêtre d’OnlyFans, mort depuis.
OF is run by a criminal and thief of my idea Follow+.Which he was a share holder.HE STOLE more than my Idea, MY MOTHER$$+ threatened models.
— Lindsey Leigh (@mylindseyleigh) 28 juin 2017
« Timothy m’a laissé tomber. Il pensait que je n’allais pas le payer, alors il a pris l’argent restant et lancé OnlyFans, violant notre accord de non-concurrence. J’ai intenté une action en justice. La société ne pouvait plus rémunérer les modèles partenaires, je leur ai donc payé ce qu’on leur devait de ma poche. Elles ont toutes quitté le navire quand Timothy leur a proposé un taux plus élevé que celui pratiqué par Follow Plus. Je suis ruinée, » nous a raconté Lindsey. Nous n’aurons jamais le fin mot de l’histoire…
L’avenir de l’industrie adulte ?Sur OF, à chacune ses règles et sa ligne édito. Luna Rival s’en sert presque tous les jours. « J’y poste des images de mon quotidien et des contenus plus ‘exclusifs’. Dans un avenir proche, je laisserai à mes fans l’occasion de choisir quelles vidéos ils veulent voir de moi afin de créer des contenus personnalisés. Cette plateforme me permet d’ailleurs d’échanger avec eux dans un cadre plus intime. » Facilitée par les réseaux sociaux mainstream et spécialisés, cette proximité entre les actrices et leur communauté nourrit une impression d’accessibilité grandissante. Bientôt, les statuts de « porn star » et « girl next door » ne feront peut-être plus qu’un.
Merci Luna
Lou Charmelle effectue au moins une mise à jour hebdomadaire et varie le plus possible ses posts. « Parfois ce sont des making-of de tournages, parfois des photosets X, des vidéos réalisées dans ma vie privée, ou bien des scènes avec d’autres acteurs. Je ne publie qu’une ou deux images sur les réseaux sociaux pour en faire la promotion, tout le reste va sur OnlyFans. »
Ni Lou ni Luna n’ont assez de recul sur cet outil pour affirmer qu’il incarne l’avenir de l’industrie porno. Mais avec le succès parallèle de Patreon, qui permet également de fidéliser ses followers avec des contenus monétisés et des goodies, ou des plateformes de vente de VOD comme ManyVids, la route de l’indépendance et de la créativité est bel et bien entamée.