Ma demande est simple : je veux qu’elle dise devant la caméra un fantasme qui l’habite, un à la fois… Je veux que ça vienne de l’intérieur, dans ses mots. Et tout ça, pendant qu’elle se caresse… Sans ma présence.
Nous nous connaissons depuis six mois. Malgré son expérience limitée de l’échange de pouvoir érotique, elle sait que je n’ai aucun intérêt pour le théyâtre. Je n’ai que faire de la représentation, de ce qu’elle pense que j’ai envie d’entendre… Il ne s’agit pas de moi ici, mais bien d’elle. Il y aura des moments de silence et d’autres moments où la femelle deviendra plus… bavarde.
C’est à voir, et surtout, à entendre.
Comme elle est en chasteté imposée depuis quelques jours (semaines?) je me dis que ça va l’occuper. Elle va pouvoir penser à autre chose (rire). Blague à part, mon souhait le plus cher dans le cas présent, c’est qu’elle se concentre sur ce que le Maître priorise. Je vais me servir de cette énergie pour obtenir ce que je veux d’elle et qu’elle veut me donner.
Je parle de son plein lâcher-prise.
« Consentir à ne plus consentir »
C’est sa cinquième capsule vidéo. Cette fois-ci, elle sort l’artillerie lourde. Elle me livre ce qu’elle appelle son fantasme ultime. Après la prestation visuelle, elle m’envoit la version écrite.
« Mon fantasme ultime, c’est que Monsieur m’amène dans les siens. Sans explications, sans descriptions, par sa simple volonté. Que je puisse les découvrir, par l’expérience elle-même, et les vivre, par son intermédiaire, sans trop savoir où cela peut nous mener.
« Consentir pour les plaisirs de Monsieur à ne plus consentir, s’exposer à la surprise, la honte, l’embarras, la peur, l’émotivité brute, l’extase, la paix, la joie, la douleur, parfois les larmes.
« Me livrer à lui, à ses perversions, sa brutalité, sa douceur, son intransigeance, sa sensualité, son intelligence et en être couverte de fierté.
« Me faire posséder corps et âme par cette volonté étrangère, par cette puissance plus grande que moi et dont la simple évocation me rend frissonnante, en attente, disponible, avec cet élément d’incertitude, que rien ne sera jamais acquis.
« Faire de moi cette fil-de-fériste, sans harnais, capable de marcher dans le vide, les yeux fixés sur son regard, sur ce fil tendu, en apesanteur entre ciel et terre, dans une dimension impalpable constituée des perversions profondes de Monsieur. »
« Je serai cette chose »
Elle se découvre, je la découvre. Je deviens fiévreux, étourdi par ce débit. Le sphinx passe aux aveux. C’est beau des aveux. C’est touchant. Et puissant.
« Je serai cette chose, attendant sagement qu’on lui octroie ce moment, où elle pourra s’offrir, donner ce torrent qui gronde, en savourer chaque seconde du plaisir donné puis reçu, puis donné… Distinguer chaque composante de l’amalgame de saveurs, de sons, de couleurs, de textures, d’odeurs. Créer de nouveaux sens, les approfondir pour en découvrir leurs plus simples expressions.
« Je voudrais fluctuer au gré de ses états d’âme dans cette danse dont lui seul connait les pas.
« Je veux me laisser bercer et malmener dans ce chaos, jusqu’aux limites du tolérable, à en avoir le vertige, à me faire vaciller, sans tomber, dans ce qui l’habite profondément, me mouler pour l’expression de ses désirs, fusionner, ne serais-ce que l’espace d’un instant pour goûter son âme, m’abreuver de ses instincts primitifs et lui redonner, encore et encore dans cet échange infini du don de soi, soumise à l’inspiration qui se révèle et qu’il me transmet, de vitalité qu’il m’inculque, de la sérénité vers laquelle il m’aide à en défricher la route. Déployer mes ailes et m’envoler pour ce voyage à vos côtés, Monsieur. Vous appartenir, être captive de vos désirs par choix et savoir que je ne pourrai jamais m’échapper.
« Être votre canevas, votre oeuvre façonnée pour vous, être marquée par vos fluides, mes chaires empreintes de votre main, votre souffle effleurant qui libère mon esprit, les possibilités décuplées. Être fouillée, investiguée, creusée, grattée, empoignée, ciselée et voir dans vos yeux la satisfaction de l’accomplissement, du bonheur que vous avez à posséder alezane.
« Ça, c’est probablement le fantasme le plus puissant qui m’habite et me parle. »
Je pensais…
Je pensais avoir tout vu, tout lu, tout entendu. L’imposition de la chasteté sur sa volonté avait fait lézardé les murs de sa conscience. Mais pas que…
J’étais soufflé; ma culotte, mouillée… et ce n’était pas ma faute.
Car elle parle au « je », la soumise. Ma soumise. En réalité, elle s’exprime au « nous ».
Les dessins sont tirés d’Histoire d’O de Pauline Réage, Guido Crepax (1975).
L’article Mon fantasme ultime… est publié dans le site cercle O - L'échange de pouvoir érotique.