Deux femmes, un violoncelle et de la poésie érotique. La promesse de « Au fond, la chose » est de vous chuchoter le sexe au creux de l’oreille, mêlant leurs cordes vocales à celles du violoncelle. Cécile Martin et Lola Malique ont réussi à me faire saliver, et vous?
Comment vous est venue l’idée de ce spectacle? Y a-t-il eu une influence des « Monologues du vagin« ?
Tout d’abord, l’idée de ce spectacle est venue de l’envie de faire entendre des beaux textes sur un sujet important : le sexe. Quoi de mieux que la poésie pour parler de désir, de sensualité. Quasiment tous les grands auteurs ont écrit des textes érotiques, souvent peu connus. A une époque, c’était très transgressif d’écrire sur l’érotisme, les textes s’échangeaient sous le manteau, on lisait en cachette. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, mais pourtant la manière dont on parle de sexe ne nous convient pas non plus. Nous avons la sensation que l’on est soit dans la pudibonderie, soit dans une vulgarité outrancière. Nous avions envie d’une parole différente, à la fois classe et drôle. Nous ne voulions pas faire un spectacle intello ou élitiste. Un spectacle de poésie ça peut faire peur sur le papier mais en réalité les textes que nous avons choisis sont très accessibles. Aussi, nous racontons des anecdotes rigolotes entre les textes : par exemple vous pourrez apprendre à vous servir du nouveau sextoy biologique, recyclable et biodégradable ! Nous n’avions pas vraiment de références de spectacle sur ce thème. Nous n’avons pas vu « Les monologues du vagin », malgré son très grand succès. Nos influences artistiques sont plutôt sur le genre du spectacle musical et de la musique contemporaine.
Considérez vous ce spectacle comme érotique ? Féministe ? Les deux?
« Au fond, la Chose » n’est pas érotique au sens commun du terme, dans le sens où nous ne montrons rien. Cependant, il est érotique par ce qu’il y est raconté. Nous partons du fait qu’il n’y aura rien à voir, mais tout à entendre. Ainsi, nous ne sommes pas les objets du désir, c’est bien la poésie et la musique qui sont mises à l’honneur pour éveiller nos sens. Le propos du spectacle ne relève pas forcement d’un engagement féministe, bien que nous ayons toutes deux des convictions féministes. Dans le spectacle nous sommes deux femmes qui parlons de sexe sans tabou, notamment de sexualité féminine (une partie du spectacle est consacrée au thème de la masturbation chez les femmes) et c’est sûrement en cela que le spectacle peut être considéré comme féministe.
Quels sont vos liens avec le cabinet de curiosité féminine ?
Nous avons découvert le Cabinet de Curiosité Féminine lors de nos recherches pour créer le spectacle. Nous voulions récolter des témoignages de femmes sur leur sexualité et nous avions alors assisté à un des ateliers du CCF. Nous avons beaucoup aimé la manière dont elles parlaient de sexe, qui est très bien résumé dans leur petit slogan « le sexe est un sujet sérieux qu’il faut traiter avec légèreté et inversement ». Suite à cette rencontre, Cécile est devenue chroniqueuse littéraire pour le blog. Puis Alexia Bacouël, la fondatrice, est venue voir le spectacle et a beaucoup aimé. Elle a décidé de nous soutenir notamment en relayant l’information sur le site et sur l’émission de radio du CCF.
Le violoncelle oblige l’artiste à jouer les jambes écartées avec un gros truc entre les jambes; c’est un instrument intrinsèquement érotique. C’est pour ça que vous l’avez choisi?
Nous avions déjà travaillé ensemble sur une petite forme mêlant poésie et violoncelle pour le projet de fin de Conservatoire de Lola. Dans l’imaginaire commun, il est vrai que le violoncelle est un instrument très sensuel. Nous avons tous en tête cette célèbre photo de Manray « Le Violon d’Ingres » avec Kiki de Montparnasse, nue, de dos. Il y a le timbre chaud et proche de la voix humaine, la posture assise, mais également le répertoire, les œuvres les plus jouées sont des pièces romantiques et très passionnées (Concerto de Schumann, de Dvorak etc…). Le violoncelle est donc parfaitement adapté pour un spectacle de poésie érotique !
Quelles sont les réactions de vos spectateurs?
Le public est toujours conquis et cela nous fait chaud au cœur ! Les spectateurs sont heureux de découvrir de très beaux textes et pour beaucoup c’est la première fois qu’ils entendent de la poésie érotique. Le point de départ du spectacle c’est « Comment faire pour retrouver le désir perdu ?». Plusieurs fois, des couples venus nous voir, sont partis rapidement après le spectacle en nous disant « Désolé, on ne reste pas, on a très envie de… » ! Et ça c’est chouette ! Aussi, lors de la première représentation, un homme avait invité une femme qu’il désirait depuis longtemps mais il n’avait jamais osé lui dire. On a appris quelques mois plus tard qu’ils étaient en couple et que notre spectacle avait bien délié les langues…
« Au fond, la chose », les lundis et mercredis à 21h15 au Théâtre Darius Milhaud, 80 allée Darius Milhaud (Paris 19, Métro Porte de Pantin).