« Au vrai, la vie créatrice est si proche de la vie sexuelle, de ses souffrances, de ses voluptés, qu’il n’y faut voir que deux formes d’un seul et même besoin, d’une seule et même jouissance. » Rainer Maria Rilke
Ecrire et faire l’amour. Comme un même vent de liberté, comme un identique jaillissement de soi, comme un semblable état de plénitude. Ne serait-ce pas dans la poésie que ce parallèle se vérifie le mieux ? La poésie donne à l’érotisme ce que la littérature fait de mieux. La poésie est une déclaration d’amour aux mots, l’érotisme une déclaration d’amour au corps. « Si la poésie est le plus haut état de la langue, n’est-elle pas alors la plus apte à restituer l’émotion érotique, ce plus haut état du corps et du cœur ? » nous explique Zéno Bianu dans la préface de cette Anthologie de la poésie Erotique Française. La poésie est l’expression la plus pure de la sensualité. Elle décrit les sensations comme nul autre genre.
Alors, gare à vous en ouvrant ce livre. Vous risquez une explosion en pleine altitude. Surtout ne vous protégez pas, ne vous prémunissez de rien. Laissez-vous faire. Deux cent poètes français sont réunis pour vous mettre dans tous vos plus hauts états. Préparez-vous à trembler, à pleurer de joie, à crier de plaisir, à rire aussi beaucoup. Et ce qui est bien avec une anthologie c’est que ça ne se lit pas d’un trait, ça se déguste avec parcimonie, ça dure dans le temps. On l’ouvre au hasard, et un poème vous prend à la gorge ou vous ouvre le ventre pour votre plus grand plaisir.
Dans son édition, Zéno Bianu nous offre cinq siècles de poésie amoureuse en quelques 350 poèmes. Vous en connaitrez certains, sans doute. Vous savourerez alors ce plaisir immense que l’on a à relire un poème que l’on aime. Il y a souvent un souvenir qui s’y rattache, comme une vieille photo que l’on ressort de sa boîte.
Vous en découvrirez beaucoup. Et certains vous étonneront par leur sublimation des émotions érotiques, par leur audace, par leur crudité. La poésie française du XVIème et XVIIème est envahi d’un vertige libertin où tout est permis. On se révolte face à un ordre bien trop établit. On dépasse les limites de la bienséance, on défit la censure en riant très fort. Les écrits circulent sous le manteau et traversent la cour, alors que cette impertinence pouvait coûter la vie. Claude LePetit fut brûlé vif à 23 ans à cause de ses textes érotiques. Citons alors quelques-uns de ces vers les plus célèbres :
« Foutre du cul, foutre du con
Foutre du ciel et de la terre,
Foutre du diable et du tonnerre,
Et du Louvre et de Montfaucon. »
Extrait de son Sonnet foutatif qui se termine ainsi
« Foutre de tout le monde ensemble,
Foutre du Livre et du Lecteur,
Foutre du sonnet, que t’en semble ? »
Aussi, vous serez certainement surpris par quelques auteurs que vous connaissiez, sous un autre angle… Ainsi, Paul Verlaine ne fait pas que des rêves étranges et pénétrants, d’une femme inconnue qu’il aime et qui l’aime, il se laisse parfois aller à d’autres activités…
« Un peu de merde et de fromage
Ne sont pas pour m’effaroucher
Mon nez, ma bouche et mon courage
Dans l’amour de gamahucher. »
L’humour est alors une arme d’impertinence massive. Et oui car il fut une époque où nous pouvions rire du sexe. A la lecture de cette anthologie, peut-être remarquerez-vous que plus on avance dans le temps plus le sexe se teinte de souffrance et de violence. Les univers sont sombres, les relations torturées. Symptôme d’une époque ? Tout est si sérieux. Le sexe n’est plus un jeu. Ou est-ce relatif au genre poétique ? Genre noble votre excellence, il n’est donc plus permis de rire. Le rire est vulgaire et graveleux, il ne fait pas partie des hauts états de l’esprit. Quelle tristesse !
Il est tout de même des petits bijoux dans la poésie contemporaine et je voudrais vous laisser avec ces quelques vers de Laure Cambeau :
« Elle a un chat dans l’oreille
Une nuit dans la main
Un pays dans la gorge
Et des prières aux bouts des seins
Allons boire au sexe des arbres puis rallumer la flamme du lit inconnu »
Retrouvez les plaisirs de la langue, la langue voluptueuse, la langue joueuse, la langue taquine qui touche pile là où c’est bon.
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