Je me souviens avec émotion du jour de mon adolescence où j’ai tourné la première page du best-seller de l’époque, La bicyclette bleue. Je passai une nuit blanche, avide de mener ma lecture à son terme, me retrouvant au petit matin épuisée mais conquise par le style de cette écrivaine que je venais de découvrir. Ce livre, je l’ai lu et relu de nombreuses fois, de même que tous ceux qui lui succédèrent dans cette fabuleuse saga, qui m’accompagna tout au long de ma vie de femme. Je me souviens avoir été époustouflée devant la flamboyance des passages les plus érotiques des premiers volumes, admirative de cette femme qui osait.
Pour autant, ce n’est que quelques vingt ans plus tard que j’ai découvert les ouvrages érotiques de Régine Deforges. Indéniablement, ces lectures ont forgé à la fois la femme que je suis devenue et l’auteur en devenir que j’étais alors. Combien de fois, au détour d’une page, me suis-je dis que je donnerais tout pour un jour écrire d’une aussi belle façon la beauté du désir et du plaisir… De son œuvre sulfureuse il est un livre qui occupe, pour moi, une place indétrônable, il s’agit de L’Orage. L’histoire de cette femme qui sombre dans la folie après le décès de son mari m’a particulièrement bouleversée. Ce livre est de ceux que je relis le plus souvent et à chaque lecture le choc est toujours aussi intense.
J’ai souvent dit et écrit que je faisais de l’érotisme féministe, parce quen au travers des mots que je couche sur le papier, c’est avant tout aux femmes que je m’adresse. Pour leur dire que leurs désirs sont légitimes, qu’elles n’ont pas à en avoir honte. C’est aussi cela que l’on doit toutes à Régine Deforges, elle qui a payé si cher sa volonté d’être elle-même. Que ce soit la jeune fille terriblement blessée du Cahier volé, l’éditrice du Con d’Irène condamnée pour outrage aux bonnes mœurs ou l’auteur que l’on étiqueta de scandaleuse. Parce que ce que la société considérait comme scandaleux, c’était surtout qu’une femme revendique sa liberté totale… Si, depuis plus de vingt ans, les femmes se sont emparées en nombre du registre érotique de la littérature c’est en grande partie grâce à elle.
Via Facebook, j’ai pu voir à quel point Régine Deforges était restée humble malgré ses nombreux succès. Avant chaque nouvelle parution, elle y partageait ses doutes, ses craintes que le public ne comprenne mal sont nouvel ouvrage, un peu comme si, habituée qu’elle était à prendre des coups, elle s’attendait sans cesse à un nouvel affrontement. Ce fut le cas notamment au moment de la parution de Toutes les femmes s’appellent Marie, livre dans lequel elle traitait de la sexualité des personnes handicapées, mais aussi l’été dernier alors que L’enfant du 15 août -ses mémoires- s’apprêtait à sortir en librairie.
En septembre dernier, j’ai eu la chance de la rencontrer brièvement, lors du salon du livre de Besançon. Ce fut pour moi l’occasion d’échanger quelques mots avec elle, mais aussi de lui faire dédicacer quelques volumes parmi lesquels L’orage, précédemment cité et qui depuis -malgré le fait qu’il soit en mauvaise édition de poche- est devenu l’un des livres les plus précieux que je possède.
À l’heure où vous nous faussez compagnie pour un repos éternel, laissez-moi vous remercier pour tout ce que vous nous avez apporter chère Régine. Vos mots, choisis avec soin, continueront de nous enchanter encore longtemps… Mais l’éternelle emmerdeuse que vous revendiquiez être nous manquera, indubitablement.
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