Dernièrement, nous avons mis en ligne un lien vers un article de Serge Hefez traitant des fantasmes sado-masochistes. Ce qui est dit dans ce papier, plus particulièrement à la fin, a suscité des interrogations chez certains lecteurs. C’est pourquoi nous allons développer ici ce qui pose problème et pourquoi.
Tout d’abord, on retrouve l’incontournable cliché quant aux motivations des personnes qui décident de réaliser leurs fantasmes sado-masochistes, à savoir les violences subies durant l’enfance. Ainsi donc, il n’y aurait pas de pratiquants autres que des victimes en quête de reproduction des actes subits et des bourreaux qui reproduiraient ce qu’on leur a infligé…Plus simpliste que cela, c’est difficile à trouver !
En fait, on retrouve dans l’article un amalgame des plus courants, à savoir la confusion entre des pratiques consensuelles dont le but est le plaisir de chacun des partenaires et le sado-masochisme pathologique.
A aucun moment il ne parle de ce que l’on appelle depuis quand même plus de quarante ans, le BDSM (Bondage, Domination/Soumission, Sado-masochisme) et dont le fondement repose sur une pratique Saine, Sûre et Consensuelle (SSC).
A aucun moment, il n’évoque ce qui différencie fondamentalement une pratique BDSM d’un sadomasochisme pathologique, pourtant cette nuance est clairement indiquée au DSM (classification des pathologies psychiatriques).
- Dans le premier cas, on pratique ponctuellement dans le but de se faire plaisir, c’est une forme d’activité sexuelle parmi d’autres tout aussi jouissives.
- Dans le second cas, c’est la seule façon possible pour une personne, d’éprouver un plaisir sexuel.
Un dominant (ou sadique) BDSM n’a rien de commun avec un sadique commun, puisque ce dernier n’a que faire de ce que ressent l’autre et fait passer la satisfaction de ses pulsions avant tout.
Dit comme cela, c’est tout de suite plus parlant. Certains diront que la pratique BDSM régulière va entraîner une dépendance qui fera qu’au bout de quelques temps, les personnes pratiquantes se retrouveront dans la deuxième configuration. Mais ce serait alors faire totalement abstraction des facultés de ces personnes à maîtriser leur corps !
Qu’est-ce qui provoque le plaisir en BDSM ?
Pour les jeux de domination/soumission (pas de douleur), le plaisir est essentiellement cérébral pour les deux partenaires. Il est issu d’un sentiment profond d’appartenance/possession, de jeux d’humiliation, d’autorité, de contrainte, de la fierté de s’offrir à la personne dominante…
Pour les jeux sado-masochistes, le plaisir naît de la douleur ressentie. Cela peut paraître paradoxal, mais il y a une explication physique et rationnelle à cela. Lorsqu’il éprouve de la douleur, le corps produit des endorphines (sécrétées par la glande pituitaire), et ce sont elles qui vont faire « décoller » la personne masochiste. Cette transformation de la douleur en excitation sexuelle est connue sous le nom d’algolagnie.
Chacun d’entre nous a une perception différente du plaisir de même que chacun a son propre seuil de douleur. A noter que l’on peut-être masochiste sans être soumis(e) et réciproquement…
Pourquoi la soumission libère ?
Il est courant de lire, sous la plume de personnes soumises, que la soumission les libère. Voilà qui peut paraître paradoxal et pourtant… En situation de soumission, la personne n’a pas à porter la responsabilité de ses désirs les moins avouables. Elle peut donc s’y abandonner sans avoir à culpabiliser et y prendre du plaisir. Cela la libère de ses frustrations et apaise ses tensions.
Et puis il ne faut pas perdre de vue que dans un jeu BDSM, la personne soumise peut à tout moment, sur un simple mot (safeword), mettre fin à la scène en cours ; cela est généralement réservé à des situations d’urgence (malaise, action insupportable, ou tout autre problème pouvant survenir). Cette règle de sécurité place donc entre les mains de la personne soumise la décision de mener à terme ou pas au jeu.
Rien n’est donc laissé au hasard, parce que les pratiquants sont conscients que le moindre relâchement de vigilance peut avoir des conséquences fâcheuses, ce qui n’est absolument pas le but. On est donc à des années-lumière de la malveillance ou de la barbarie.
Passer du fantasme à la réalité ?
Pourquoi pas, mais en y ayant réfléchi longuement. En ayant analysé ce qui motive ce désir (le BDSM n’est pas une thérapie), en ayant conscience qu’il y a un fossé entre ce qui paraît excitant intellectuellement et ce qui l’est réellement.
On évitera ainsi de tenter de reproduire tel ou tel comportement tiré d’un roman érotique SM pour construire son propre cadre érotique personnalisé, en respectant ses propres limites.
On se renseignera au maximum sur la façon de sécuriser au mieux les pratiques que l’on compte adopter -pour cela, le net est un outil formidable.
On déterminera quelles sont les limites que l’on ne souhaite absolument pas franchir.
Enfin, on prendra soin de s’assurer que le(la) partenaire que l’on choisira a des désirs qui sont en adéquation avec les nôtres.
Si ce processus est respecté, il n’y a aucune raison que cela se passe mal.
Pour en savoir plus
Notre prochain atelier aura lieu le 7 juin 2014 sur le thème des jeux BDSM (annoncé prochainement).