À partir d’un certain seuil de chaleur et d’humidité, tout ce que je vois devient pornographique.
Assise sur le guidon du vélo, elle fait dos au jeune homme en nage qui pédale. Elle porte une jupe courte de coton blanc et écarte les cuisses. On se rafraîchit comme on peut, dans le Vieux Hull.
Sur le trottoir, parmi les ordures et les poubelles, un matelas très souillé, signe d’une vie remplie de plaisirs – ou d’une mort particulièrement glauque.
Elle attend toute l’année les grandes chaleurs pour aller, comme une chatte de ruelle, rôder dans les chantiers et se «faire mettre» (c’est l’expression qu’elle utilise) par les ouvriers. «Les vacances de la construction me font l’effet d’une douche froide», de dit-elle, le front constellé de gouttes de sueur.
Ce ne sont pas tant les individus qui m’intéressent – je veux dire, qui m’excitent sexuellement –, mais plutôt les situations, les agencements.
Elle repousse le drap en se plaignant qu’il fait trop chaud. Ce faisant, un parfum de chlore, de Coppertone et de poissonnerie vient chatouiller mes narines – la quintessence de l’été.
Elle se prénomme Violaine et se situe quelque part à la conjonction de «viol» et de «vilaine».
«Un corps mat et doux qui serait pourvu à la fois d’un sourire franc et d’une belle bite. Rien d’autre: pour ce qui est du reste, je peux m’arranger toute seule. »
À peine vêtues, elles sont assises sur le trottoir en face du dépanneur et dégustent un Mister Freeze. Je ne leur donne pas plus de vingt ans.
— Les blancs sont les meilleurs. On dirait de la dèche de bonhomme carnaval!
— T’es nounoune.
— Quand j’étais jeune et innocente, la seule idée d’avoir du sperme dans la bouche suffisait à me donner envier de vomir. Maintenant, le goût me vient en bouche dès qu’une pensée cochonne me traverse l’esprit et ça m’excite à mort. Je pense que je deviens vieille.
— Je dirais plutôt que tu deviens salope.
— Une vieille salope, alors.
Je lui envoie un texto.
Il faut battre ma chatte pendant qu’elle est chaude. Prends ton vélo et viens me rejoindre. Mes fesses sont moites – de chaleur, de sueur, du sperme de celui qui t’a précédé.
Il fait trop chaud pour des étreintes énergiques et passionnées. Paresseuse, je lui lèche l’oreille tout en le masturbant, tandis qu’il pétrit mes fesses, puis mes seins. Son plaisir est rapide, vif et si exténuant qu’on le croirait en pleine crise d’asthme.
Maintenant que j’y pense, je crois que c’est vraiment une crise d’asthme. Merde.
Le voisin d’en face est probablement le seul sur ma rue qui a la clim et je crois que ça le rend autiste, isolé du monde extérieur qui souffre de la chaleur. J’en veux pour preuve sa tendance à se balader à poil devant ses fenêtres, la pine dressée à la main, comme s’il était le dernier survivant de l’apocalypse caniculaire.
— On pourrait cuire un œuf sur le trottoir… je ne vois pas comment l’enfer pourrait être pire.
— Imagine la même chaleur, mais à Cornwall.
— Dieu, aie pitié de mon âme.