Et si vous veniez d’une autre planète ? L’atelier OVNISex (EroSphère) invite à «toucher son partenaire comme si on ne connaissait rien de ce qui fait un être humain» : il s’agit de reconstituer, in vivo, une Rencontre Rapprochée du 4e type. Voire du 7e type.
Le premier témoignage de contact sexuel avec une entité extra-terrestre remonte à octobre 1957 : au Brésil, un fermier illettré de 23 ans, Antonio Villa-Boas, laboure au tracteur quand un énorme vaisseau lumineux en forme d’oeuf se pose dans le champ. Quatre créatures casquées l’entrainent dans l’appareil, le dénudent, lui enduisent le corps d’un liquide huileux et le laissent entre les bras d’une splendide humanoïde. «Ce qu’ils attendaient de moi ? Un bon étalon pour améliorer leur race», raconte Villa-Boas. C’est le début d’une incroyable épidémie de rapts, qui frappe plus de quatre millions d’Américains et des centaines de milliers d’autres personnes dans le monde entier : ils prétendent tous avoir été enlevés par des extra-terrestres. Chinois, Australiens, mexicains ou Russes, ces abductees - les «ravis» en français – racontent leur viol avec des mots qui se ressemblent d’une manière frappante. Les femmes se plaignent d’avoir subi d’humiliantes manipulations gynécologiques. Les hommes avouent qu’ils ont été transformés en donneur d’ADN pour des expériences d’hybridations.
L’humain comme matériel d’expérimentations
Internet contribue largement à la propagation de cette névrose/hallucination collective. Le web regorge d’associations comme l’AAER (Alien Abduction Experience and Research) ou l’ISUA (Interplanetary Society for UFO Abduction) qui multiplient les mises en garde : «Les aliens se servent de nous comme de cobayes génétiques ! La race humaine n’est pour eux qu’un matériel de laboratoire.» Sur les newsgroups réservés aux victimes, on répond à toutes les questions : «Ma petite soeur est-elle visitée par des Aliens ?», «Comment devenir abducté ?», «Avez-vous eu des contacts avec la fédération des Aliens ?»… Les groupes de support s’organisent à la façon des Weight Watchers ou des Alcooliques Anonymes : ils se réunissent plusieurs fois par semaine et répètent le récit de leur cauchemar. En 2003, l’Association Américaine pour l’Avancement de la Science (AAAS) se penche sur ce que les scientifiques nomment une «épidémie psychique» et affirme que les ravis présentent presque tous des symptômes de stress post-traumatique. Comme les soldats qui reviennent du front. Mais «ces symptômes peuvent très bien être provoqués par un effet d’auto-suggestion», affirme le psychologue Richard Mc Nally, expert en troubles d’anxiété. Deuxième observation : la plupart des ravi.e.s présentent pour «trait commun de s’être intéressé aux thérapies bio-énergétiques, aux vies antérieures, aux projections astrales, au tarot etc», dit-il. Des gens comme il en existe beaucoup, donc.
Les RR4 : un fantasme commun
Sommes-nous tous concernés par les RR4 ? Oui, répond le «Docteur SenzO» : «Les récits d’enlèvement extra-terrestre sont devenus un socle commun de notre imaginaire. Ils ont remplacé toutes ces divinités ou êtres magiques qui abusaient de leur pouvoir auprès des simples mortels.» Co-fondateur du festival EroSphère, Dr SenzO organise cette année un des ateliers les plus mystérieux du programme : il s’agit de jouer le rôle d’un(e) abducté(e) ou d’un(e) alien. L’atelier OVNISex se déroule dans le 4e arrondissement de Paris, vendredi 14 juillet à 16h45 et samedi 15 à 14h. La session dure deux heures. Chacun choisit d’abord son rôle. Qui sera l’alien ? Qui l’humain ? «Au total, cet atelier pourra accueillir une cinquantaine de festivaliers, qui s’exploreront les uns les autres charnellement, à la recherche du tilt, de la réaction significative, du symptôme érotique remarquable.» Dr SenzO se réjouit d’avance : ce jour-là, nul doute que les masques tomberont. Quel comportement adopteriez-vous si vous aviez à entrer en contact avec une autre forme de vie ?
Exploration spatiale et métaphysique du sexe
«Entre les aliens qui aiment profondément les humains, ceux qui les voient comme des insectes, d’autres qui veulent les vampiriser, ou juste les étudier scientifiquement», beaucoup de postures seront adoptées du côté des kidnappeurs. Mais sur la table de «dissection», les réactions seront tout aussi révélatrices. Certaines personnes auront-elles peur ? Lorsque la mémoire leur revient, à la faveur d’une séance d’hypnose ou de cauchemars à répétition, la plupart des abducté(e)s rapportent qu’ils se souviennent d’une table d’opération. Des tiges froides entraient en eux. Raison pour laquelle il arrive bien souvent que les typologies concernant ces RR soient floues : un enlèvement suivi d’auscultations (RR4) peut-il servir à désigner une rencontre sexuelle ? Certains ufologues préfèrent parler de RR7 pour désigner l’union avec un alien. Dr SenzO, lui ne se prononce pas : incertitude, o mes délices. La sexualité c’est ne pas savoir qui nous sommes, dit-il, soulevant «la question de notre place dans l’univers, qui est métaphysique.» «Le débat ici n’est pas de savoir si d’autres formes de vie intelligente existent, et si elles nous visitent réellement. Il s’agit de partir d’une idée répandue, et de cette fascination pour des entités supérieures qui seraient dotées de pouvoirs leur permettant de mieux nous connaître que nous-mêmes.»
Faire comme si on ne savait rien
Le jeu d’OVNISex c’est tout oublier. Partir de zéro sur un corps rendu radicalement nouveau, étranger. Faisant de l’ignorance le principe fondateur d’une Rencontre possible avec l’autre, Dr SenzO conclut : «Tout érotisme va au-devant d’une part d’ignorance et de trouble qu’il éclaire et qu’il transcende par la récompense offerte d’une évidence incontestable, celle du plaisir qui nous rend bienheureux tout en nous aidant à affronter le mystère de notre condition humaine, si vertigineux qu’il vaut mieux en faire une source d’érotisme infini que d’angoisse destructrice.»
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Festival EROSPHERE, du jeudi 13 au samedi 16 juillet 2017.
Atelier du Dr SenzO et Esther Néa : OVNISex, vendredi 14 juillet à 16h45 et samedi 15 juillet à 14h
Lieu : le festival se déroulera dans le 4è arrondissement de Paris, mais le lieu est tenu secret pour éviter les personnes qui viendraient non inscrites. L’adresse est dévoilée par courriel aux personnes qui réservent sur la Billetterie.
But de l’atelier : «Favoriser un nouveau champ d’expression personnelle, libérer les participants de leurs craintes ou préjugés grâce à une perte de repères par rapport aux grandes références érotiques classiques. Certes, bien des fictions, notamment en bande-dessinée, mettent en scène des ET qui réalisent des fantasmes improbables, choquants ou juste délirants sur de pauvres humains devenus leurs jouets. Ils servent à mon avis à exprimer nos envies cachées, qu’on leur prête, et à manifester notre crainte respectueuse pour des forces libidinales qui défient constamment les normes et impératifs. Cet atelier aide à déterminer ce que nous ferions si nous étions ces souverains voyageurs venus d’autres mondes. Symétriquement, il aide à saisir toute l’étrangeté vécue par ceux qui, de bonne foi, prétendent avoir vécu des rapports ou examens sexuels imposés par des moyens technologiques extra-terrestres sur-puissants ? Cela peut amener non seulement à lâcher-prise, mais à explorer des pulsions délicates, des envies difficiles à avouer ou à tester dans un contexte réaliste.
Dans nos sociétés, nos vies érotiques flottent encore beaucoup entre des images imposées et des objectifs assez prévisibles et réduits. Le propre de toute expérience créative est de partir d’une cadre de contraintes ou d’inspiration, afin d’en tirer profit. Par une mise en condition collective à la fois modeste et pleine d’énergies positives, on peut facilement retrouver ensemble la créativité originelle, qui plonge ses racines dans l’enfance dont la sexualité était presque absente, pour s’amuser autour de sujets « adultes » et sérieux. 30 ans de pratique du jeu de rôle sur table m’ont permis d’apprécier la richesse qui dort en nous et ne demande que des occasions stimulantes pour se révéler. Les grands penseurs du jeu, notamment Huizinga, Caillois, Winnicott, Moreno, Stanislavski, Henriot, ont expliqué les bénéfices qu’on peut en tirer : prise de risque dans un contexte bienveillant où l’échec est possible, liberté de posture, invention de configurations inédites. Jouer un rôle pour rentrer dans une fiction s’inventant au fur et à mesure des décisions est très satisfaisant pour sortir de nos cadres habituels et aller vers l’inconnu, avec un bon niveau de sécurité. Cela est d’autant plus utile pour élargir un champ érotique où on manque de liberté, d’initiative, de références vécues. Même si la littérature est abondante, cela ne remplace pas l’expérience qui permet de se découvrir soi-même autrement tout en développant de nouvelles compétences : adaptation, coopération, verbalisation, théâtralisation, nouvelles sources d’excitation. Indéniablement, je crois au pouvoir régénérateur du jeu, de l’attitude ludique, et à la grande puissance des phrases magiques du type « et si on disait que… », « On serait dans un monde où… ». Dans le module créatif OVNIsex, certaines vibrations sensorielles, sensuelles et sexuelles vont pouvoir prendre corps ou faire naître de nouveaux fantasmes que chacun s’autorisera ou non ensuite à prolonger.» (Dr SenzO M. de l’Erosticratie, co-fondateur du festival Erosphère).
Les rencontres de plus en plus rapprochées
RR1 : Les Ovnis passent au loin, sans laisser aucune trace de leur passage (à part des photos)
RR2 : Les Ovnis passent plus près ou se posent, provoquant radiations au sol, brûlures sur les témoins et pannes de voiture inexpliquées.
RR3 : La porte des Ovnis s’ouvre : on voit leurs passagers ! Les extra-terrestres apparaissent.
RR4 : Les extra-terrestres emmènent des humains à l’intérieur d’un vaisseau spatial, leur posent des implants dans le nez, l’oreille ou la cavité oculaire à l’aide d’une longue aiguille se terminant par une petite bille de 2 mm et leur font subir des expériences corporelles généralement angoissantes ou désagréables. Ces expériences confinent au viol dans le sens où des choses sont introduites dans le corps d’humains dénudés et manipulés comme de simples cobayes.
RR5 : Les humains parviennent à donner rendez-vous aux extra-terrestres en se concentrant sur leur profond désir d’établir un contact avec eux.
RR6 : Deux humains (de sexe opposé) sont régulièrement enlevés ensemble, depuis l’enfance et nouent des liens affectifs, voire sexuels sous l’oeil des extra-terrestres.
(Source : Enquête sur les enlèvements extra-terrestres, de Marie-Thérèse de Brosses, éd. J’ai Lu)