Voulez-vous tenter le massage tantrique génital ? Vous initier à la danse érotique ? Faire une Rencontre du 7e Type ? Si vous êtes en couple, problème : pour éviter toute crise de jalousie, un atelier propose de comprendre cette émotion négative.
Comme
chaque année depuis sa création (en 2014), EroSphère, le «festival des créativités érotiques» vous invite, pendant trois jours, à «participer» aux
émulsions sexuelles les plus inattendues : s’ouvrir à «l’hyper-sensorialité»,
faire du SM déguisé en panda, pratiquer le Fat sex (jeux d’écrasement et de
glisse), vous transformer en charmeuse de libidinal, découvrir l’univers des backrooms, apprendre à «aller vers l’autre»… Entre le jeudi 13 et le samedi 16
juillet, 18 ateliers ludiques ou techniques proposent pour plus 30 heures
d’activités qui impliquent parfois que vous soyez nu.e ou semi-nu.e, que vous
fermiez les yeux et que des choses étranges se passent, en compagnie de corps
inconnus. Voilà qui nécessite de faire le point avec son-sa partenaire : vous
laissera-t-il ou elle la liberté d’explorer vos envies ? Accepterez-vous de
le-la voir partir en vrille et jouir avec des étranger.e.s ?
Un atelier pour désamorcer la bombe
«On
parle de la jalousie comme d’un sentiment inéluctable, parfois compliment ou
preuve d’amour, parfois colère dévorante utilisée comme une excuse à la
violence domestique. Qu’en est-il pour vous ?». L’artiste MxJena,
propose, au sein de Festival EroSphère un atelier pour apprendre à «démêler les concepts de jalousie et d’envie, d’amour et de possessivité. Peut-être que
la jalousie n’est pas si monolithique : nous essaierons de séparer ses
causes, ses effets physiques, ses conséquences sur vos actions. Une fois
l’horloge démontée, elle ne fait plus si peur ! On pourra étudier ses
rouages, peut-être même tester ses mécaniques… Et remonter l’horloge ?».
La
jalousie est-elle un «droit» ?
Spécialisée
en soutien relationnel, Mx Jena (1) propose depuis plusieurs années des
consultations bénévoles d’aide et d’écoute aux personnes ayant des difficultés
par rapport à leurs orientations de genre, à leur couple et à leurs désirs.
Longtemps impliqué dans des associations d’accueil à destination des jeunes
LGBT, Mx Jena a suivi toutes les formations sur la communication non-violente.
La jalousie, elle connaît. «Mon point de vue a été formé, surtout, par les
discussions en groupe polyamoureux, dit-elle. Je constate qu’en France
aujourd’hui, quand un homme tue la personne qui partage sa vie, la presse et le
public qualifient le meurtre de «drame familial» ou «crime
passionnel» et utilisent la jalousie comme une explication voire une
excuse. Cette intégration de la jalousie comme d’un fait non seulement
inévitable, mais très souvent revendiqué comme une vraie preuve d’amour
–justification des pires abus– me semble terrible.»
La
jalousie est-elle un élément de la personnalité ?
Son
atelier «Jalousies» a lieu jeudi 13 juillet (de 11h à 13h) et vendredi 14
juillet (de 14h à 16h). Il dure deux heures : «Un peu court pour envisager
un déconditionnement !, remarque Mx Jena. Elle n’a pas «la prétention de
vaincre une émotion.» La jalousie, surtout, ne se maîtrise pas facilement. «Mais
on peut la tenir pour ce qu’elle est : une réaction fugace, qui n’altère pas le
libre arbitre. Ce qui compte, c’est ce qu’on en fait. Si on l’entretient, qu’on
la laisse s’installer, elle devient un sentiment durable, et dans certains cas,
une redéfinition de notre personnalité. Qui n’a pas entendu “Je suis
jaloux·se” comme si c’était un trait de caractère inéluctable ? Une fois
qu’on identifie une émotion, on peut choisir l’étendue de son influence sur nos
actions.» Pour Mx Jena, donc la jalousie est une émotion. Reste à
savoir ce qu’est une émotion.
Si
la jalousie est une émotion, comment définir l’émotion ?
La
jalousie n’a rien de «naturel». C’est le message principal de Mx Jena qui
s’appuie pour le dire sur les travaux d’Eve Rickert et Franklin Veaux, «une
inspiration permanente dans le travail sur la non-exclusivité». L’idée de
départ est simple : nous avons des sentiments pour quelqu’un. Nous lui sommes
attaché.e. Puis un jour vient où nous souffrons. Pourquoi ? Pour la sociologue
américaine Arlie Russell Hochschild, le sentiment (ou l’émotion) se définit «comme
un sens», au même titre que la vue ou l’ouïe. «Nous faisons l’expérience
de ce sens quand se rejoignent des sensations corporelles, d’une part, et ce
que nous voyons ou imaginons, d’autre part. Au même titre que l’ouïe, l’émotion
communique l’information : elle a une “fonction de signal”. C’est lorsque nous
éprouvons des sentiments que nous découvrons notre propre point de vue sur le
monde.» Il est donc très important d’avoir des émotions, car elles
permettent de se définir. «À l’instar de quelqu’un qui ne sentirait pas la
chaleur et se brûlerait en touchant du feu», une personne dépourvue
d’émotions ne dispose d’aucun système d’alerte pour se protéger. L’émotion
signale l’existence «d’un point de vue interne» sur le monde. Le
problème, c’est quand ce point de vue fait mal.
Quid
des émotions «inadéquates» ?
Quand
l’émotion est négative, on souffre. On voudrait arrêter de souffrir. Parfois
aussi, il y a une discordance entre «ce que je ressens effectivement» et
«ce que je devrais ressentir». Dans Le Prix des sentiments, la
sociologue Arlie Russell Hochschild explique : l’émotion est un signal, oui,
mais qui opère à plusieurs niveaux, parfois contradictoires. D’où la
souffrance. Le problème avec ce signal, c’est qu’il est «déterminé par
certaines conceptions, culturellement considérées comme allant de soi, du monde
et des attentes que l’on peut en avoir», dit-elle. Pour le dire plus
clairement : dans certaines cultures, il est considéré comme «normal» de
disposer d’un droit de regard sur la sexualité du conjoint et par conséquent
«normal» d’être jaloux. Mais dans beaucoup de couples dits libres certains
accords sont passés qui entrent en contradiction avec cette normalité. On
souffre, mais la souffrance n’étant pas légitime, on culpabilise de souffrir.
On prend sur soi, on serre les dents et on souffre encore plus…
L’émotion
au niveau individuel
Pour
faire la part des choses, rien de plus utile qu’appliquer à nos émotions la
grille d’analyse proposée par la sociologue (2). La gestion des sentiments
opère à trois niveaux : individuel, interpersonnel et culturel. Au niveau
individuel, l’émotion c’est le fait de souffrir, par exemple, quand on aime une
personne qui vous dit «Tu comptes beaucoup pour moi» et qui, néanmoins, va voir
ailleurs. Faute de dialogue, la relation reste trouble. Si c’était de l’amour,
irait-il-elle voir ailleurs ? Ne sachant pas à quoi s’en tenir, on n’ose
réclamer un «droit» de propriété sur l’autre. Par ailleurs, le fait d’aimer et
d’être aimé, justifie-t-il l’exclusivité sexuelle ? Il faut mettre cela au
clair, proposer un contrat, négocier ce que l’on s’autorise réciproquement à
faire… Tout cela n’ayant pas été discuté, vous en êtes réduit à aimer quelqu’un
sans savoir si c’est réciproque. Et si c’est réciproque, sans savoir à quoi
l’autre s’engage vis-à-vis de vous, ni de quelles libertés vous pouvez disposer
avec lui ou elle. Vous éprouvez de la jalousie parce que vous vous sentez floué
ou perdue. L’émotion au niveau individuel vous fait toucher du doigt les zones
sensibles qui réagissent de façon souvent difficile à interpréter : est-on
triste parce que l’autre vous «trompe» ? Ou parce que soi-même on n’ose pas
aborder la question de ce que signifie «aimer» ?
L’émotion
au niveau interpersonnel
Au
niveau interpersonnel, l’émotion c’est le fait de souffrir par exemple quand on
voit son ex s’afficher en couple heureux. Etant donné qu’il s’agit de l’ex, il
n’est pas légitime de souffrir, puisque «officiellement», la relation amoureuse
est rompue. Il faut donc simuler l’indifférence. Qui sait si votre ex ne simule
pas le bonheur de son côté, dans le seul
but de vous rendre jalouse-jaloux ? L’émotion au niveau interpersonnel relève
souvent des jeux de pouvoir. C’est un outil au service de l’individu qui s’en
sert, dans la logique des pertes et profits, pour obtenir une emprise sur les
autres. Telle personne jouera l’affection pour obtenir un pourboire ou un
cadeau. Telle autre va «contenir» sa jalousie et «ravaler» sa colère pour
donner l’impression qu’elle est quelqu’un de bien. L’émotion au niveau
interpersonnel relève souvent du jeu, car chacun interprète un rôle en public :
on essaye donc d’être en phase avec l’émotion qui est attendue de vous. Ce qui
n’est pas sans créer de multiples conflits intérieurs avec ce que l’on ressent
ou avec les règles du groupe. L’émotion au niveau interpersonnel est vécue généralement comme un ensemble
d’injonctions discordantes, de choses qu’il s’agit tantôt de manifester, tantôt
de réprimer : on se force à sourire «avec franchise», en espérant que ce
sourire vous rende heureux afin d’optimiser les interactions avec les autres.
L’émotion
au niveau culturel
Si
vous êtes jaloux parce que les vrais mecs doivent être les propriétaires de
leur femelle, vous voilà dans une émotion qui opère au niveau culturel. Si vous
exigez que votre compagnon soit jaloux, parce que sinon ça voudrait dire qu’il
ne vous aime pas… même chose. Au niveau culturel, l’émotion doit être conforme
aux usages. On l’adopte, on la mime ou on se force à l’éprouver pour éviter
d’être critiqué voire pire : insulté par ses proches et rejeté par les siens.
L’émotion qui relève d’un scénario collectif peut créer un effet de malaise quand
elle entre en contradiction avec ce que vous ressentez réellement. Une femme,
par exemple, peut se sentir déchirée parce qu’elle aspire à la liberté et
réclame que son conjoint cesse de la surveiller… tout en ayant peur de le
perdre. «S’il ne me surveille plus : je ne compte plus pour lui ? Peut-être
même qu’il me trompe ?». Des règles antinomiques peuvent également entrer
en conflit et la gestion de l’émotion relever d’un combat intérieur épuisant.
Ce que le monde attend de nous émotionnellement n’est pas forcément clair, pas
plus que nos jeux de rôle, ni la part que prennent les puissances sociales sur
nos comportements. Quelle est la part du «Je» dans ces affects qui nous
traversent ?
Passer un Test de jalousie
Pour essayer d’y voir plus
clair, l’atelier «Jalousies» propose de mettre à plat les attentes des uns et
des autres. Il s’agit de montrer que la jalousie sexuelle et l’amour ne vont
pas «naturellement» de pair et que le lien s’est historiquement construit dans
un contexte de monogamie. Introduire des amant.e.s dans le couple : s’agit-il
d’adultère ou d’une preuve d’amour ? Tout dépend du contrat qui lie le couple.
«Dans la mesure où la monogamie est une façon courante d’exprimer son
engagement émotionnel, lorsqu’on l’abolit on donne plus d’importance à d’autres
manières d’exprimer cet engagement ; mais si celles-ci échouent, l’un des
partenaires au moins peut se sentir rejeté», résume Arlie Russell
Hochschild. Mx Jena, elle, invite tout le monde à venir tester sur le vif ses
réactions et ses zones sensibles dans son atelier, en prélude à ce grand
melting-pot sexuel que seront les trois jours du Festival EroSphère.
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RENDEZ-VOUS au Festival
EROSPHERE, du jeudi 13 au samedi 16 juillet 2017.
Atelier « Jalousies», jeudi 13 juillet (de 11h à 13h) et vendredi 14 juillet
(de 14h à 16h).
Dans le cadre du Festival IN, qui se déroule au coeur de la capitale, pendant trois jours : «Il s’articule cette année autour de trois
axes complémentaires : Fantaisie, Harmonie, et Magie, soit 18 ateliers, sur
trois jours, proposés deux fois, pour plus de 30 heures d’activité en tout.
Pour les participant·e·s, le principe est de choisir un module parmi les trois
proposés sur chaque créneau horaire. À
l’issue des trois jours, chaque participant·e aura assisté à 12 ateliers.»
Parallèlement
aux modules, plusieurs artistes seront en résidence avec un atelier, une
retranscription photo, vidéo, dessin, peinture…
Il
y aura une fête finale : le dimanche 16 juillet, «un module immersif de 8 heures conclut le IN au cours duquel
érosphérien·ne·s, volontaires, participant·e·s et intervenant·e·s s’y
retrouvent pour une libre expression participative, imprévisible et décalée,
mettant en œuvre ce que les modules leur auront apporté. Les artistes
résident·e·s produisent leurs œuvres dans ce joyeux maelström.»
Lieu : le festival se déroulera dans le 4è arrondissement de Paris, mais le lieu est
tenu secret pour éviter les personnes qui viendraient non inscrites. L’adresse
est dévoilée par courriel aux personnes qui réservent
sur la Billetterie.
Déroulement
de l’atelier : «Je ne voudrais pas dévoiler l’effet de surprise de l’atelier,
mais après un tour de présentation, nous procédons à un brainstorming et un
échange de définitions sur la jalousie, ses causes et ses effets. Je vois ce
travail commun comme le démontage d’une horloge : nous allons étudier les
rouages ensemble. Une fois l’horloge démontée… si tout va bien elle ne
fonctionne plus. La partie pratique, qui suit, a trois étapes : la
première a lieu très tôt, avant la discussion. Pour moi les présentations de
chaque participant·e·s fait partie d’un processus qui permettra ensuite, après
la discussion, de se poser des questions sur les attirances entre les personnes
présentes… Pour la suite il faut venir et participer !» (Mx Jena)
A LIRE : Le Prix des sentiments, d’Arlie Russell Hochschild, éditions La Découverte.
NOTES
(1)
Mx Jena est trans, M to x, et se désigne comme «ielle» : à la fois homme et
femme. Pour des raisons pratiques (facilité de lecture), j’ai fait le choix de
parler de Mx Jena au féminin en espérant bénéficier de votre indulgence.
L’expression «ielle» n’est pas encore passée dans la langue.
(2) Sa grille est la même que
celle de Steve Gagnon qui, à la même époque, propose d’analyser la sexualité
comme un script à trois niveaux : intrapsychique (individuel), interpersonnel, culturel.