C’est une révolution dans l’univers des sextoys. Leurs vibrations douces se propagent plus loin dans le corps et touchent des zones en profondeur. Pour le moment une seule firme au monde les fabrique, en Grande Bretagne : elle s’appelle Je joue.
A la boutique Demonia, à Paris, il existe un «coin de marque» dédié aux produits Je Joue. On passe devant le présentoir sans vraiment le voir. Les objets sont beaux, mais… n’a-t-on pas déjà vu ces formes mille fois déjà ? Miguel, le responsable de la boutique, doit fournir l’explication, faire prendre en main les jouets qu’il compare avec ceux des autres marques et qu’il met en marche : «Vous sentez ? Ca c’est un moteur normal et ça, c’est un moteur basses fréquences.» Les client.e.s d’abord sceptiques (parfois goguenards ou intimidés) s’étonnent : «Ah oui, tiens», «Ah mais oui». Miguel s’illumine : «Avec les basses fréquences, plus de problème d’abrasion ni d’engourdissement… Vous pouvez prendre votre temps, utiliser l’objet longtemps sans craindre d’avoir mal, ni d’être désensibilisé. Le problème, ces derniers temps, c’est qu’il y avait la course au RPM, le “nombre de tours par minutes”. Chaque firme de sextoy en rajoutait dans la puissance. 5000 tours par minute, 10 000 tours par minute… Les sextoys ressemblaient à des mixers.»
Orifices en charpie, clitos broyés
Miguel en brandit plusieurs qu’il fait tester. Il y en a, dans la catégorie vibro, qui ressemblent à des fraiseuses. Ils sont si puissants qu’ils abrasent la peau. La friction vous arrache un cri. «Ca tourne si vite que ça devient presque insupportable, n’est-ce pas ?». Miguel s’anime, va chercher des godes vibrants qu’il branche à fond : «Et là, vous sentez ?». De fait, le gode vibre si fort qu’on a l’impression de tenir un marteau-pilon. Des doigts jusqu’au coude, on se sent d’abord pulvérisé, puis rapidement… tétanisé. Voilà donc les derniers-nés des sextoys conçus pour procurer un “orgasme en une minute” ? Terrifiant d’imaginer ce que ces jouets surpuissants peuvent faire dans vos orifices. «J’ai des clientes qui s’abiment le clitoris à force d’utiliser des vibromasseurs classiques, explique Miguel. Elles reviennent sans cesse pour m’acheter des vibros plus puissants, en disant qu’elles “sentent moins”. Les terminaisons nerveuses en prennent un coup. Ca les désensibilise, à force.»
Eloge du «sexe lent»
Fatigué de cette course aux turbo-vibros et aux orgasmes version Mach3, Miguel s’est transformé en défenseur du slow-sex. «A quoi ça sert de jouir toujours plus vite ?», demande-t-il. L’argument porte. Après tout, oui, on n’est pas pressé. «L’intérêt des basses fréquences, ajoute-t-il, c’est qu’elles font vibrer plus doucement le corps, mais surtout plus loin. Le clitoris, par exemple : il mesure environ 10 centimètres. Pourquoi se concentrer uniquement sur la partie émergée ? Quand on va plus en profondeur, on sollicite des nerfs qui sont généralement ignorés. Dans le fond du vagin, c’est vrai que les femmes ont souvent l’impression qu’il n’y a rien… parce qu’elles ne sont jamais aller chercher par là-bas.»
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Que dire du fond anal ? Avec un plug à basses fréquences, ça se propage dans l’intérieur en créant un effet «caisse de résonance». Le corps devient violon, basse, contrebasse. On sent brusquement des ondes en retour qui font prendre conscience de chambres d’échos corporelles. Les basses fréquences dévoilent aussi l’existence de zones écrans qu’elles font palpiter et qui répondent par réverbération. Etonnantes sensations que ces «déplacements» intérieurs dans les couches souterraines de la chair. Sur son site Internet, la marque Je Joue suggère : «Vous pouvez même utiliser nos sextoys de façon indirecte, pour transférer dans vos doigts une vibration afin que la caresse peau à peau répercute les basses fréquences plus loin.»
Partition digitale
Pour l’instant, la marque n’a créé «que» 8 jouets à basses fréquences, dont un cockring pour faire passer les vibrations depuis la base du pénis jusque dans le corps du ou de la partenaire. Mais les jouets les plus «agréables» sont ceux qui se connectent à distance : un plug anal et un plug vaginal. Ils sont commandés à l’aide d’une application gratuite pour smartphone qui s’installe en 3 clics (1) et qui permet (tout en faisant semblant d’écrire un SMS) d’envoyer des messages «vibrants» à son-sa partenaire. Parmi les types de vibrations au choix (sans compter celles que l’on peut composer à la façon d’une partition intime et personnalisée), il y a purr, «ronronnement». Musique de chambre parfaite pour les personnes qui préfèrent jouir… longtemps.
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DEMONIA : 22, avenue Jean Aicard, 75011, Paris. Ouvert du lundi au samedi, de 11h30 à 19h30. Tel. : 01 43 14 82 70.
NOTE 1 : L’objet est aussi fourni avec un stylo qui est censé «commander» le sextoy à distance, mais ainsi que Miguel le fait remarquer très justement : «Le stylo ne marche pas bien. Il vaut mieux installer l’appli directement qui est par ailleurs d’une évidence graphique totale et d’un usage bien plus discret.» C’est à ce genre de reflexion qu’on reconnaît l’utilité d’acheter les sextoys en magasin plutôt que sur Internet. A Demonia, les vendeurs suivent des formations pour apprendre à se servir des jouets, et surtout à en saisir les spécificités. Indispensable d’aller poser des questions avant d’acheter quoi que ce soit.