Le mot «condom» vient-il du persan kondü («boyau d’animal») ? De l’italien guanto («gant») ? Du latin con-duma («avec dôme») ? Ou de l’expression Recondere gladium in vaginam : «rengainer l’épée…» ?
Le mot «condom» apparaît en 1705 dans une lettre mentionnant le fait que le duc d’Argyll, John Campbell, arrive à Londres muni d'«un certain instrument appelé Quondam qui aurait occasionné la débauche d’un grand nombre de dames de qualité». Il revient en 1706 dans un poème ironique du politicien John Hamilton-Lord Belhaven, intitulé Une réponse écossaise à une vision britannique (A Scots Answer to a british vision). Ce poème est publié lors d’un débat qui agite l’opinion : faut-il signer le traité d’«Union» entre les parlements écossais et britannique ? John Hamilton s’y oppose : une union non-protégée, ne peut que nous infecter. Son pamphlet, parsemé d’allusions sexuelles, évoque tour à tour des seringues (à lavement), une vierge déflorée, des cargaisons de bouc et de mystérieux «condum» qui rime avec «quondam» (1). Les deux mots sont en italiques.
En 1709, le journal anglais The Tatler répand l’idée selon laquelle le mot «condon» est le nom de son inventeur, un certain Docteur Condom ou Conton, «physician» ou chevalier anglais à la cour du roi d’Angleterre Charles II (1660-1685)» (2), sans que l’on retrouve jamais la trace de ce sauveur de l’humanité. Faut-il chercher l’origine du mot dans les dictionnaires étymologiques ? Au début du XXe siècle, un médecin allemand Arnold Meyerhof, publie quelques articles sous le pseudonyme de Hans Ferdy où il défend l’idée selon laquelle «condom» viendrait d’un petit bourg français du même nom, situé en Gascogne. Plus tard, écartant cette théorie, il soutient que le mot dérive du latin condus («protecteur, gardien») : «J’émets l’hypothèse qu’un des traités écrits en latin sur la syphilis a employé, à l’occasion, le terme «condus» à l’accusatif et que cette expression a passé dans l’usage général sous cette forme inintelligible. «Condus» désigne celui qui recueille et préserve de quelque chose. Le terme aurait été employé aussi dans le sens «receptaculum seminis» ou bien préservateur contre quelque chose : «impeditor luis venereae» tout à fait dans le sens actuel de «French letter» (sic). L’expression propre serait alors le “Coecal-Condus“» (3).
Un autre médecin, Paul Richter, affirme en 1911 –dans un essai publié dans la revue Zeitschrift zur Bekämpfung der Geschlechtskrankheiten (Journal pour le contrôle des maladies vénériennes) – que le mot «condom» viendrait du persan kondü ou kendü, qui signifie «boyau d’animal». Ce mot persan aurait ensuite transité par le latin et le grec, affirme-t-il, en s’appuyant sur l’idée que les premiers préservatifs étaient en intestin de porc ou de mouton. Cette théorie ne fait pas l’unanimité. En 1928, une autre étymologie voit le jour dans une encyclopédie publiée à Vienne qui avance l’hypothèse selon laquelle «condom» dériverait de l’expression latine condere gladium, qui signifie «rengainer son glaive» et qu’on trouve par exemple dans la phrase Gladium cruentum in vaginam recondere : «remettre l’épée cruelle au fourreau».
«Il n’est pas étonnant qu’aucune de ces nombreuses tentatives d’explication se se soit finalement imposée, remarque avec humour Robert Jütte, auteur du livre Contraception : a history. L’origine du mot reste une énigme jusque de nos jours. Voilà pourquoi, lorsque le magazine Playboy, affirme que le mot dérive du latin conundrum («puzzle, énigme, devinette»), cette nouvelle hypothèse apparaît comme une des plus pertinentes.» Lorsque, au XVIIIe siècle, la fabrication des condoms se généralise, les noms pour désigner l’objet se multiplient. Dans le Nouveau dictionnaire de la science et de la littérature médicale, édité par Dunglinson en 1839, les termes en anglais sont : condom, armour («armure»), posthocalyptron (du grec posthe «prépuce» et kalyptra, «voile»), french letter («lettre française», mais pourquoi ?) et cutherean shield (bouclier cutheréen ?).
Les mots français sont : «redingote anglaise», «gant des dames», «calotte d’assurance», «peau divine» et «chemisette». Le mot «préservatif» apparaît (semble-t-il) dans une réclame discrète en 1780, lorsque la Maison du Gros Millan ouvre ses portes à Paris au 22 de la rue Beaujolais, près du Palais-Royal, qui est alors le centre de la prostitution parisienne. Son prospectus donne les précisions suivantes : «Fabrique de préservatifs de toute sécurité… bandages, suspensoirs, articles d’hygiène… Exportation discrète pour la France et l’étranger». S’il faut en croire le site du Roi de la capote, qui recense toutes sortes d’informations sur l’histoire du préservatif, la Maison du Gros Millan emploie des vendeuses «entraînées à avoir l’œil juste […] afin de ne vexer personne». Est-il possible d’évaluer la taille d’un pénis en érection d’après celle qu’il a au repos ? Encore un mystère.
NOTES
(1) When Reasoning’s answer’d By seconded Votes, And speeches are banter’d By outfield turn-coats, Then Sirenge and Condum Come both in request, While virtuous Quondam Is treated in Jest.
(2) «Controverses sur l’origine du mot « Condom » synonyme de préservatif», par Charles Guyotjeannin, Revue d’histoire de la pharmacie, 84ᵉannée, n°309, 1996. pp. 186-188. L’auteur de cet article mentionne que Christine Fallet –dans un Dossier sur la contraception locale (publié dans Journal des Pharmacies et des laboratoires, n°371, 17 novembre 1986) a écrit : «Ce mot viendrait du latin condere (protéger) ou de la déformation du nom de son inventeur, le Dr Cockburn». D’où viennent les informations de Christine Fallet ? Ce n’est pas indiqué… Le nom de Cockburn (brûlure de pénis) laisse tout lieu de penser qu’il s’agit d’une plaisanterie potache.
(3) «Contribution à l’étude historique du cæcal condom », de Hans Ferdy, Chronique médicale, 1905, 12, 535-537.
POUR EN SAVOIR PLUS : Le préservatif avec un chapeau tyrolien.
IMAGE : préservatif Luxe Maxima, sur le site du Roi de la capote.