Les insexuel(le)s sont des personnes dont il est impossible de dire s’il s’agit d’hommes ou de femmes. L’artiste a fait d’un insexuel le héros d’un court-métrage aux allures de cauchemar malsain : The Corridors, projeté demain mardi 16 juin au festival Côté court.
Aurélie Dubois se définit comme une «artiste de garde». Son travail tourne autour des orifices excréteurs qui annulent la différence des sexes. Comme l’explique le psychanalyste Daniel Androvski, avec qui elle collabore depuis quelques années : «Aurélie Dubois nous propose d’épurer, de faire sortir le venin de la morale, où la jouissance ne serait qu’un funeste brouillon mêlant le plus-de-jouir à l’esthétique du trou.» Ce n’est pas très clair, mais le mot « funeste » associé à « jouissance » résume bien le propos. Il s’agit d’explorer une sexualité qui «n’a d’effet qu’à être régressive et ne peut prendre son sens que dans l’interdit». L’exploration prend parfois les allures de vidéo-clips bizarres et nauséeux.
Projeté au festival Côté Court (Seine St Denis, Pantin), dimanche 14 juin à 18h puis mardi 16 juin à 22h, le nouvel opus d’Aurélie Dubois est un film de 12 minutes intitulé The Corridors, qui joue avec délices sur la fibre du film d’angoisse : un vieillard vêtu d’une robe de petite fille s’y dandine au fil d’une chorégraphie pédo-pornographique qui le voit se toucher la culotte et soulever sa robe en faisant des simagrées. Vision d’horreur accompagnée en voix off par Daniel Androvski, dont le commentaire poétique – L’irréparable de la vie – fait très efficacement résonner l’effroi provoqué par les images : «Cette douce et tendre femelle qui était en moi voulait se reproduire». Comment comprendre ce film ? Un entretien avec Aurélie Dubois.
– The Corridors est-il un documentaire ou une fiction ?
The Corridors n’est ni l’un ni l’autre. Il est un événement. Comme Deleuze disait : le seul vrai événement est une œuvre d’art.
– Qui est la personne mise en scène ? Comment, quand et où la rencontre s’est faite ?
La personne mise en scène est un mutant Human Behavior, un être divin hors du temps et des conventions esthétiques. C’est «quelqu’un qui n’existe pas» et qui existe partout.
– Dans quelles circonstances l’idée est venue d’en faire le héros-héroïne de The Corridors ?
Dans la nature, avec Human Behavior qui est ouvert sur un terrain où peu de personne sont capables de jouer.
- Cette personne est-elle insexuelle ? Est-ce ainsi que lui-elle-même se définit ? Ou est-ce ainsi que le personnage de fiction a été mis au point ?
C’est au regardeur de le définir et oui c’est une intention de le présenter comme un mutant du sexe.
- Que pensez-vous des catégories de genre, de sexe ou de sexualité ?
C’est quelque chose que j’ai du mal à comprendre. Pour moi le genre et le sexe n’existe pas. C’est une imposture depuis des siècles. Il est douteux de se circonscrire avec de la sexualité qui n’est qu’imaginaire et qui ne regarde personne d’autre que soi et ses partenaires.
- Pourquoi ce titre ?
The Corridors : simplement les couloirs qui relient les expériences les unes aux autres. Un passage entre deux mondes. «Le haut vers le bas», etc.
- La personne que vous filmez semble sortir d’un film d’horreur. Pourquoi avoir fait le choix de montrer l’insexualité sous les traits répulsifs d’un vieillard habillé en gamine ? La fin du monde est souvent associée dans les mythologies à un moment durant lequel l’homme et la femme échangent les rôles, où l’inférieur renverse le supérieur sont mélangés, où les règles sociales sont perverties… The Corridors est-il une mise en garde terrifiante contre ce qui menace les sociétés lorsqu’elles font sauter les frontières et les séparations ?
C’est une question de point de vue. J’ai fait le pari de montrer un personnage apocalyptique composé de signe «de tout genre». C’est un mutant. Nous traversons la vie de l’enfance à la vieillesse. Ce personnage porte toute la vérité avec sa beauté et sa laideur.
PLUS D’INFORMATIONS : Le http://www.aurelie-dubois.com/site d’Aurélie Dubois.
Aurélie Dubois sur le site du festival “Côte Court“.