Les boules de geisha, tout le monde en veut… mais sans savoir comment s’en servir. Ce n’est d’ailleurs pas un sex-toy. Les boules servent à muscler le vagin. Pour en tirer des sensations, il faut les détourner de leur usage premier.
Le succès frelaté des boules de geisha
«Bonjour, c’est pour écrire un article sur le phénomène “Fifty shades of Grey“. Est-ce que vos ventes de boules de geisha ont augmenté ?». Depuis quelques mois, à la boutique Demonia, pas une semaine ne passe sans un appel de ce genre. «Toujours sur les boules de geisha, s’amuse Miguel, le gérant de la boutique. Visiblement c’est le «sex-toy» du livre qui a le plus retenu l’attention des journalistes. Il est vrai qu’il est plus facile de parler de boules de geisha que de plaisir anal, c’est plus accepté dans la presse grand public.» Miguel cependant refuse de répondre. «Cette question n’a aucun sens, explique-t-il. Elle repose sur l’idée que les boules de geisha peuvent procurer du plaisir, ce qui n’est pas le cas. En tout cas… il ne suffit pas de se mettre les boules dans les orifices pour avoir un orgasme. Le sujet nécessite une approche plus “nuancée“… n’est-ce pas ?».
Ne pas confondre avec un jouet à piles
Miguel fait un clin d’œil mais ce n’est pas toujours très drôle de voir des clientes revenir en se plaignant qu’elles n’ont rien senti. «Après la sortie du tome 1 de “Fifty shades“, plein de gens sont venus acheter des boules, en pensant qu’il s’agissait d’œufs vibrants. Ils sont très mal informés sur l’utilisation de ce produit. Je suis toujours obligé de leur dire qu’à l’origine les boules de geisha ne servaient pas au plaisir de la femme mais uniquement à celui de l’homme : il lui fallait un vagin bien serré, musclé…». Les boules sont l’équivalent de haltères, pour le vagin.
Peut-on jouir avec un instrument de musculation ?
«Vous pouvez jouir avec des haltères ?», demande Miguel. Non. A moins d’avoir beaucoup d’imagination… «Il faut qu’il y ait un jeu : si une personne force l’autre à se mettre les boules (dans le vagin, dans l’anus) et l’emmène au restaurant ou pire… un repas avec la belle-mère. Une réunion de travail. Il faut qu’il y ait la peur et la honte. A ce moment-là, certainement, la sensation des boules peut devenir très agréable. Mais je ne crois pas qu’il soit possible de jouir avec…». Miguel hésite. «En fait, si, mais cela demande de l’entraînement…».
Pourquoi les appelle-t-on boules de geisha ?
Les geisha n’y sont pour rien. Ces boules ne viennent pas du Japon mais d’Asie du sud-est (Chine ? Birmanie ? Thailande ? impossible de savoir). Elles s’inspirent probablement de ce que l’on appelle maintenant des Bao Ding : «Les boules chinoises étaient historiquement deux boules libres yin yang pour jouer avec les énergies, explique Miguel. Elles sont maintenant reliées par un cordon avec un anneau pour les retirer facilement. L’avantage de ces boules, c’est qu’elles musclent le périnée. Plus le périnée est musclé, plus la femme peut le contrôler et avoir des orgasmes puissants. Mais il y a autre chose : la boule est parfois creuse, avec une plus petite boule à l’intérieur. L’entrechoquement provoque des vibrations qui se répercutent à l’intérieur du vagin».
Les boules de geisha : instrument de musique ?
«En réalité l’instrument c’est le corps, dit Miguel. Les boules créent les vibrations et le corps fait office de caisse de résonance. C’est le vagin tout entier qui produit cette étrange mélodie silencieuse, oui.» Reste à savoir s’il est possible d’apprendre à contrôler ces vibrations… «Dans un premier temps, les femmes les “subissent«. Je crois qu’il faut vraiment s’entraîner avant de pouvoir jouer avec. Pour y arriver, je ne sais pas très bien comment il faut faire. Peut-être contracter et décontracter ? Il faudrait demander à une spécialiste. En tout cas, il faut apprendre à utiliser les muscles de son vagin.» Consulter une spécialiste ? Qu’à cela ne tienne.
La sage-femme Sophie Frignet
Elle anime à l’Institut de Gasquet une formation pour les professionnels de santé sur «l’utilisation des boules de geisha en rééducation périnéale». Dans son cabinet de consultation, les boules de geisha sont posées bien en évidence. Sophie les recommande fortement aux patientes en l’absence de contre-indication. «Le travail avec les boules est un excellent outil pour mieux appréhender le creux vaginal et la façon dont il se modifie avec la posture, la respiration et l’excitation», dit-elle. Son discours a priori n’est pas très érotique. Mais… ses patientes fantasment facilement sur l’objet. «Je n’ai jamais rencontré de femmes ayant eu un orgasme rien qu’avec des boules, tempère Sophie. En revanche, elles sont nombreuses à me parler spontanément de leur excitation à porter des boules, de la prise de conscience de cette excitation et du réveil de leur désir…». Pourquoi ? Deux raisons.
L’humidification reflexe
Première raison : lorsqu’une femme met des boules dans son vagin, cela provoque un réflexe de vaso-congestion génitale. «En clair quand on porte des boules un certain temps (temps variable d’une femme à l’autre) cela se traduit pas des sensations de gonflement, de chaleur, d’humidité», explique Sophie Frignet. Au contact des boules, les muqueuses se gorgent de sang... Pour peu que l’utilisatrice fantasme sur la situation, la voilà lubrifiée, «demandeuse, prête à recevoir son partenaire…». Mais il faut que la tête participe pour que cela fonctionne. «Côté plaisir je pense que l’on est d’abord dans le fantasme, l’imaginaire sexuel : les geishas, la prostitution... tout cela se confond. L’utilisation vient pimenter le quotidien, crée une situation érotique. Certaines portent les boules dans un lieu ou un contexte décalé…». D’autres en revanche, qui ne fantasment pas sur les boules, n’éprouvent que des démangeaisons. «Chez certaines femmes, l’utilisation des boules est parfois contre-productive : difficulté voire impossibilité d’introduction, irritations (si elles oublient d’utiliser un lubrifiant), expulsion des boules au mouvement... aucun plaisir là dedans. En revanche ce qui est constant dans leur discours c’est cette émotion d’avoir »osé“.» Même celles que les boules laissent froides, sont tout de même un peu réchauffées.
Le bénéfice musculaire
Deuxième raison : «Les boules déclenchent un réflexe de contractions au niveau des muscles du périnée et des adaptations posturales d’auto-grandissement et de fermeture vaginale pour ne pas les expulser. Cela travaille le tonus périnéal.» Les bénéfices de cette stimulation réflexe sont nombreux : prévention des descentes d’organes et de l’incontinence urinaire… Augmentation du plaisir chez les deux partenaires dû à la «bonne tonicité vaginale»… «Les muscles sont mieux vascularisés et se contractent régulièrement. Le périnée s’anime. D’ici à dire qu’il se renforce ? Scientifiquement ce n’est pas validé, mais…». Le périnée s’entraîne. Voilà peut-être pourquoi certaines légendes racontent que les courtisanes chinoises utilisaient les «oeufs de jade» dans le cadre de pratiques taoïstes : «un muscle qui travaille de manière réflexe reste en bon état de marche pour le plus grand plaisir de l’Empereur... et peut être aussi de sa partenaire, dit Sophie. On dit d’ailleurs que les courtisanes étaient capables de faire «tourner» les boules à l’intérieur de leur vagin. Personnellement je n’ai pas réussi…».
Pour les contrôler, que faire ?
Il ne faut pas se leurrer : tout comme Miguel, Sophie souligne que le plaisir ne tombe pas tout cuit… Il faut : «contracter son périnée, se grandir, respirer en remontant le diaphragme, faire des fausses inspiration thoracique, des mouvements du bassin... Bref, tout ce que j’ai appris à faire avec le Dr de Gasquet (1) pour la rééducation du périnée. En complément d’une prise en charge globale par un sexologue c’est super intéressant chez les femmes qui ne peuvent pas être pénétrées ou qui n’ont pas d’orgasme... Leur apprendre à mieux sentir ce qui se passe avec les boules comme accessoire. Mais aussi chez les autres qui reviennent en disant qu’elle et leur partenaire ont plus de plaisir depuis qu’elles utilisent les boules. Développer les habilités érotiques corporelles, voilà l’idée.» Sophie Frignet a-t-elle d’autres idées pour «aller plus loin» ? Oui.
Idée numéro 1 : Garder les boules dans le vagin pendant la pénétration
«Avec l’excitation, il y a de la place, rassure-t-elle. Les boules peuvent donner plus l’impression d’être «défoncée». Maintenant dire que cela augmente le plaisir...c’est je pense très individuel. En tout ce qui est partagé c’est l’excitation du jeu à “enfiler“ les boules.» Certains hommes peuvent se sentir gênés par la ficelle. «Mais ce n’est pas le cas pour tous. Quant aux boules ils ne les sentent pas tous... et de toute façon là encore ce qui va déplaire à l’un va plaire à l’autre. Certains prendront du plaisir à l’idée de «bourrer» plus leur partenaire. Question de sexualité. Comme dirait DSK il y a des sexualités plus «rudes» que d’autres. Si cela convient aussi à la partenaire…». Sophie Frignet ajoute : «Il m’est arrivé d’en parler à une patiente dont le mari avait un pénis de petite taille : l’usage des boules pendant la pénétration lui permettait d’éprouver bien plus de sensations. Je pense que les boules sont une vraie bonne solution pour certains couples».
Idée numéro deux : se masturber avec des boules dans le vagin
«Facile à expérimenter, dit Sophie. Cela intensifie et prolonge le temps de plaisir, car les boules accentuent l’excitation mécanique par massage interne et vibrent en résonance sous l’effet des contractions périnéales lors de l’orgasme. Pour les positions il n’y a pas de recette... La même chose qu’avec un partenaire : à chacune de trouver selon son ressenti. Si les boules ont tendance à sortir, il faut privilégier les positions inversées».
Idées numéro trois, quatre et cinq : attention de ne pas trop tirer
Se faire fesser avec les boules de geisha dans le vagin : «50 nuances de Grey, page 393, du tome 1 je crois…». Se faire sodomiser avec les boules de geisha dans le vagin : «Massage de la verge par les boules, double remplissage pour madame.» Retirer les boules rapidement en tirant dessus : «Il faudrait le faire au moment de l’orgasme, pour en augmenter la puissance... Je ne suis pas sûre de savoir pourquoi : stimulation du point G? douleur de l’urètre qui est frottée au passage? Difficile à dire. L’idée de «tirer» sur les boules me fait plutôt peur pour l’urètre.» Sophie Frignet ne recommande pas forcément cette «extraction brusque des boules» car cela peut endommager les muqueuses et favoriser une descente de la vessie ou de la paroi recto-vaginale en cas de fragilité.
L’intérêt principal des boules
Il y a des femmes dont le vagin est si exercé qu’elles sont capables de «serrer» un homme en elles, comme des pieuvres. Leur vagin mâche et remâche le pénis, convulse sur lui et se secouent de spasmes à n’en plus finir… D’une façon ou d’une autre – masturbations fréquentes, talent, entraînement – ces femmes-là ont appris à se servir des muscles du périnée. Ainsi que le rappelle Sophie Frignet : «le périnée fonctionnel est fait en deux plans (superficiel et profond), d’où l’intérêt de deux boules pour un travail patient et régulier. Il s’agit de stimuler alternativement un plan puis l’autre : le plan superficiel (la zone que je contracte quand je retiens un gaz ou que je stoppe mon pipi) et le plan profond (la zone vaginale qui se contacte quand j’ai un orgasme).» Prendre conscience de ces deux plans, c’est déjà être sur la bonne voie. Il n’y a ensuite plus qu’à apprendre à maîtriser l’alternance des plans, alternance dont Sophie Frignet enseigne les arcanes à ses patientes, dans le cadre de ce qu’elle nomme si justement la «rééducation».
A LIRE : «Périnée, arrêtons le massacre !», Dr Bernadette de Gasquet. Ed Marabout.
SOPHIE FRIGNET anime à l’Institut de Gasquet une formation pour les professionnels de santé en partenariat avec Hedoneo « fournisseur officiel » des boules pour la formation.
DEMONIA : 22 av Jean Aicard 75011 PARIS. Tél. : 01 43 14 82 70
Quelles boules de geisha recommandent-ils, et pourquoi ?
SOPHIE FRIGNET : «En rééducation cela dépend de l’indication. Le plus souvent ce sont les perles vaginales Lasselle d’Intimina. Pour leur nom d’abord ! Même si la perle, l’huitre... On peut critiquer... Bon les couleurs - 3 nuances de rose - un peu « quiche » je vous l’accorde... Pour leur texture douce en silicone grade médical sécure (pas de phtalates). Pour leur facilité d’entretien et surtout pour la taille de la ficelle entre les deux boules qui permet aux boules de se placer dans le vagin à distance l’une de l’autre...comme dans les modèles traditionnels. Il en existe de différents poids à combiner en fonction de la tonicité du périnée pour la rééducation. D’où l’intérêt de former les professionnels du périnée à l’utilisation de cet accessoire ».
MIGUEL (DEMONIA) : « En général je recommande les boules de la marque Lelo : les matériaux sont de bonne qualité, elles ne sont ni trop petites ni trop grandes et plutôt élégantes. Le cordon qui les relie est en silicone. Il faut éviter les ficelles en tissu, mauvaise pour l’hygiène. Les boules de geisha ne sont pas un article extrêmement cher, évitez les boules trop bas de gamme, vous devrez les remplacer plus rapidement et comme les boules sont un accessoire à utiliser régulièrement, au final ce ne sera pas rentable. Les boules de la marque Lelo sont des boules évolutives : elles sont amovibles et peuvent aussi être utilisées sans l’habillage en silicone qui les relie, seule ou à deux, non-reliées. Comme il est plus difficile de contrôler une seule boule que deux, il vaut mieux y aller progressivement ».
Illustration : Boules de la marque Lelo. Le blog de Lelo indique d’ailleurs des exercices à faire avec les «boules de Kegel», rebaptisées du nom de l’inventeur d’une méthode de remusculation du plancher pelvien. La méthode du Docteur Bernadette de Gasquet s’inscrit dans cette lignée, de façon plus efficace.