J’envoie une énième photo d’une partie de mon corps à un énième gars que j’ai rencontré sur Tinder. Je ne connais rien d’eux. À peine une ou deux photos. Quelques messages. Des fois ce n’est même pas leur vrai prénom. À peine leur vrai âge.
J’envoie une énième photo d’une partie de mon corps à un énième gars que je ne connais pas et ça ne me fait rien. Genre absolument rien.
Des fois, les premières fois, je fais en sorte que mon visage n’apparaisse pas. C’est quoi la photo d’une paire de fesses sans un visage ? Ça reste une ultime paire de fesses comme il y en a des milliards.
C’est un amas de cellules, de la graisse, du muscle (peut-être), de la peau.
Des fois, ils m’envoient en retour une photo de leur membre pour me “montrer” l’effet que mes photos leur font. Ça se trouve, ils matent aussi un porno en même temps. Si ça se trouve, j’envoie des photos de parties de mon corps à des psychopathes mais je crois pas.
Au final, ils sont faibles, ils ont tous envie de découvrir “en vrai” le package qu’ils reçoivent en photo. Alors je les rencontre.
Ils ont vu mon corps, sans fioritures, des fois avec des filtres, mais ils ont vu des parties de mon corps nu ou en lingerie. Ils estiment donc qu’ils sont légitimes à avoir envie de moi, sans me demander mon avis plus que ça.
Comme si le fait que je leur envoie des photos de mes seins, de mes jambes, de mes fesses, valait autorisation à avoir envie de moi. Sans connaître le reste.
Si j’en ai été quelque peu perturbée au début, ça ne me fait plus rien.
Je n’ai jamais vu autant de photos de sexe en érection que depuis que j’envoie des bouts découpés de mon corps à des mecs.
Et ça non plus ça ne me fait rien. Je crois qu’il n’y a rien de moins sexy qu’une photo prise à la va vite d’un mec qui se tripote en me disant que je fais cet effet. Ça a l’air de leur plaire d’envoyer ça. Et moi je continue, les compliments que je reçois en échange me poussent à continuer.
L’ego, ce truc qui te fait systématiquement faire de mauvais choix.
J’envoie une énième photo de mon corps à ce mec dont je ne suis pas sure qu’il me plaira en vrai. Il a hâte de toucher “ça” en vrai. Il dit que je suis un plaisir pour les yeux et qu’en plus j’ai l’air sympa. Je vais le rencontrer. On va surement baiser.
Il y en a eu un qui n’a pas demandé de photos. Qui a pris le temps de me découvrir pièce par pièce en vrai. Et puis il m’a dit maintenant que j’ai vu ton corps, je voudrais connaître le reste. Et puis il a disparu.
Alors je vais continuer à envoyer des photos des parties à des mecs que je rencontre sur Tinder et ça va continuer à rien me faire.
Parce que quand ils veulent en savoir plus, plus que les muscles, la peau, la carcasse, quand ils veulent vraiment connaître ce qu’il y a derrière les jambes musclées ou la paire de fesses, ils font du mal.
Alors je vais continuer à soigner mon ego, en envoyant des photos de moi, de l’enveloppe. Je vais donner mon corps, mon plaisir éventuel, mélanger quelques fluides corporels, mais au moins ça ne me brise pas à l’intérieur.
Je vais continuer à envoyer des photos de mon corps à des mecs qui peut être utilisent un faux prénom pour continuer à ce que ça ne me fasse pas du mal.
(cc) Andy Morris
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