Ses cheveux sont une splendeur. Souples, doux, fluides, ils tombent sur ses épaules comme dans un poème de Baudelaire… ou une pub de shampoing parce qu’on le vaut bien.
Plus que tout, leur couleur subjugue Léonore : un roux foncé, profond, dense, animé de reflets dorés. Une couleur parfaite, une vision qui réjouit les sens et réchauffe le cœur, comme la lumière du soir sur un paysage familier.
Aussitôt qu’elle l’a vue assise devant elle, les cheveux noués en un chignon lâche, des mèches rebelles caressant sa nuque, Leonore n’a pu détourner le regard des volutes d’or éclairant cette masse sombre comme les veines d’un bois précieux. Elle n’a rien vu du spectacle (un ballet contemporain trop abscons pour elle), perdue dans sa contemplation, obsédée par l’envie de défaire l’épingle pour voir se répandre cette chevelure comme un flot de soie sur les épaules d’une femme dont elle n’avait pas même vu le visage.
Léo n’est pourtant pas spécialement attirée par les femmes. Sa seule expérience saphique l’a intéressée mais guère convaincue : elle n’a pas tant aimé ce sexe intégralement épilé, ni son goût ni son parfum. Et si elle a apprécié l’expertise de sa partenaire à lui donner du plaisir avec sa langue et ses doigts, celle de son amant n’a rien à lui envier.
Non, ce dont elle garde un souvenir ému, ce sont les seins de cette femme. Des seins pleins et fermes, légèrement incurvés en forme de poire, doux et souples au toucher… Caresser ces seins de la paume de ses mains, en sentir les bouts s’ériger à ce contact, contempler leur frémissement tandis qu’elle en faisait rouler les bouts entre ses doigts, les lécher, les sucer longuement lui avait procuré un plaisir inédit. En cette occasion elle avait compris la fascination éternelle des hommes pour ces passionnants apanages de la féminité.
Ce soir là, captivée par cette chevelure caressant la nuque devant elle, Léo avait repensé à cette expérience et s’était surprise à se projeter dans les bras de cette rousse flamboyante dont elle imaginait le décolleté ponctué de taches de son. Rapidement embrasée par cette rêverie éveillée, elle avait serré convulsivement les cuisses et cambré les reins, soudain inconfortable sur son siège, dansant d’une fesse sur l’autre afin de gagner en confort face au désir qui l’irrigait déjà.
Sa fascination n’avait pas échappé à son amant assis à ses côtés, qui lui avait jeté des sourires amusés tout au long du spectacle. Ni ses mouvements de bassin, ni le frémissement de ses narines ne pouvaient échapper à cet adorateur du plaisir de son amante.
Ils avaient retrouvé la grande rousse en coulisses, où ils félicitaient le chorégraphe tandis qu’elle étreignait le premier danseur : il leur avait été facile de se présenter. Elle s’appelait Ludivine, « Comme la flamboyante héroïne des Gens de Mogador » remarqua Léo. « Oui, je suis née l’année de l’adaptation télé et ma mère était fan ! » répondit Ludivine d’un air contrit.
« C’est une saga familiale qui se passe en Provence au XIXe » précisa Léonore à son amant. « Ludivine est mon personnage préféré : fougueuse, passionnée, libre… c’est une belle référence et qui vous va très bien » conclut-elle en souriant à la jeune femme qui rougit sous le compliment.
La suite avait été étonnamment fluide et simple, l’intimité grandissant sous l’influence du champagne qui coulait à flots lors de la fête qui suivit.
À l’évidence elles se plaisaient.
La belle rousse, dont les yeux noirs brûlants tenaient la promesse de sa luxuriante chevelure, semblait apprécier le regard direct et le rire franc de Léo et l’avait déshabillée des yeux aussi hardiment qu’un homme. Quant à l’amant de Léo il avait su lui aussi lui plaire. Il faut dire que sa peau sombre, son corps de danseur et ses longues dreadlocks rencontraient généralement peu de résistance.
Arrivée seule, la belle Ludivine repartit donc à trois, assez alcoolisée pour abattre des barrières morales qui, de toute façon, ne paraissaient guère résistantes à sa sensualité, mais assez lucide pour profiter de tout ce qu’elle avait l’intention de s’offrir.
Quant à Léo et son amant, ils jubilaient, heureux de leur chance d’avoir rencontré une si belle femme prête à assouvir avec eux un de leurs grands fantasmes. L’alcool allégeait l’atmosphère, leur permettait gaîté et légèreté, ramenant le moment à ce qu’il devait être : un délicieux moment de plaisir partagé.
Léo n’attendit pas longtemps pour passer à l’offensive : dans l’ascenseur elle s’approcha de Ludivine, en murmurant « je rêve de faire ça depuis des heures ». Elle saisit l’épingle à cheveux et laissa s’écrouler le soyeux édifice. Les cheveux coulèrent sur les épaules bronzées, exhalant une senteur capiteuse, dans laquelle l’amant de Léo enfouit voluptueusement son nez, en se plaçant derrière la belle. Qui cambra aussitôt ses reins vers lui… II sourit de plaisir anticipé à l’idée des promesses contenues dans ce réflexe de sensualité.
Ses cheveux, décidément splendides, descendaient jusqu’à sa poitrine. Léo caressa les longues mèches, les huma, les entortilla dans ses doigts, son visage se rapprochant de celui de la belle, immobile, captivée par ce double hommage.
Léo approcha ses lèvres de la bouche de Ludivine et fit courir ses doigts le long de son cou, puis remonta sur sa nuque et les enfouit dans ses cheveux. Assurant sa prise doucement mais fermement, ses yeux plongés dans les yeux noirs de la belle, elle parcourut les lèvres pleines de la pointe de sa langue, s’insinuant doucement entre elles. Pendant ce temps son amant faisait glisser ses mains sur le décolleté de Ludivine, enserrant sa poitrine de ses paumes, le dos de ses doigts caressant les seins de Léo, laissés libres sous son fin top de soie. Les deux femmes frissonnèrent ensemble à ce contact partagé.
Mais des voix leur parvinrent des étages plus élevés, brisant leur bulle de désir. Vite, se réajuster, se recomposer une allure respectable de voisins fréquentables. Mais un sourire entendu flottait sur leurs lèvres quand l’ascenseur s’ouvrit sur le notaire du 4ème gauche. Il prenait congé de l’avocat du 4ème droite qui sortait son chien, avec l’air sacrifié des citadins à chien. Probablement le dernier homme sur terre à porter une veste d’intérieur en velours, songea Leo en le saluant poliment, le rire au bord des yeux.
(cc) Iain Cuthbertson
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