Tu embrasses tes gosses, tu leurs souhaites une bonne nuit. Tu vas mater un peu la téloche. Tu rejoins ta femme au lit. Elle est en train de faire des mots-fléchés. Et puis tu ouvres Guerriers Amoureux. C’est un peu comme si Jean-Louis venait se glisser entre les draps pour taper la discute. T’as pas lu la première page que déjà tu tombes sur les mots banlieue, cul, rebeus, sucé, pédé, conne, shit, crack et black. Les néophytes vont tomber du lit, les autres connaissent à peu près la musique.
Momo et Patou sont deux petits dealers dans la cité. Ils tombent tous deux amoureux de Darlène, la voisine de Patou. A force de jalousies, les deux amis deviennent rivaux et le duel va finir par les séparer. Patou s’en va en Amérique du Sud sur les traces des orpailleurs tandis que Momo va s’entraîner dans un camp terroriste en Afrique. Tous deux vont vivre de grandes aventures et leur destin vont évidemment se croiser à nouveau.
Malgré les années qui passent, Costes reste fasciné par le caca. Cela peut paraître puéril, mais à l’instar de Milan Kundera, il nous rappelle que notre relation à la matière fécale tient de la philosophie, voire du divin. Vue de l’extérieur, l’auteur passera pour un illuminé. Lui-même affirme qu’il fait de la merde mais il l’assume. Pour ma part, je dirais qu’il touche aux questions essentielles, qu’il gratte là où ça démange. Il fait aussi partie du peu d’artistes qui tentent de renverser l’ordre des choses, de secouer le public et de lui proposer autre chose que la soupe habituelle, de l’art subversif en ces temps où la rentabilité guide les choix de création artistique. Sans avoir l’air d’y toucher, Costes nous parle de plein de sujets : les banlieues, le racisme, le communautarisme, les religions, la vie dans la jungle, et même l’économie et Internet !
Jean-Louis Costes est un authentique passionné qui s’exprime, qui brûle quotidiennement, à travers ses chansons, ses spectacles, ses films, ses chansons et ses livres. Au début, on aurait pu croire à un effet de mode mais la carrière de Costes est désormais conséquente. On attendait l’artiste au tournant car son dernier roman Grand Père était carrément édité chez Fayard. Il est vrai que le caca était moins présent et qu’il y avait une ambition de mêler l’histoire intime de son grand-père haineux avec l’Histoire et notamment les conflits. Ainsi, Costes imaginait son grand-père en soldat sanguinaire, main armée qui prenait part à toutes les purges ethniques du siècle dernier. Ce roman était une grande réussite, au rythme trépidant et à la structure carrée, dans lequel l’art de Costes était canalisé. En d’autres termes, ça ne ressemblait pas vraiment à du Costes ! Guerriers Amoureux est donc bien plus bordélique, plus délirant. Mieux ou moins bien, ce sera selon les goûts. Il est certain que ce sont deux romans tout à fait différents.
Ce nouveau livre est un grand plongeon dans la craditude et la connerie, avec des logorrhées sur le sexe, un délire inspiré par sa vie réelle et décrit avec un vocabulaire de charretier, qui envoie du pâté trash porn. L’auteur diverge parfois dans des délires scato-porno-gores que certains trouveront difficiles à supporter. Après tout, ce n’est pas du goût de tout le monde de sucer une bite couverte de diarrhée ou de violer le cadavre putréfié d’une guenon. Mais comme dirait Costes : ne jugez pas avant d’avoir essayé.
Le rythme est effréné car l’auteur est en mode « écriture automatique ». On est parfois proche du langage parlé, et Costes enchaîne les péripéties avec une facilité déconcertante. Si les aventures vécues sont extrêmement rocambolesques, il y a toujours une part de vérité ou de vécu, qui rend réalistes des choses incroyables. Alors que l’on s’astreint généralement à trouver du sens dans le monde qui nous entoure, Costes dépeint le chaos du monde pour montrer qu’il n’a pas de sens, qu’il est chaotique, comme l’affirme aussi Neil Gaiman.
Bien que trash et violente, l’écriture de Costes vibre d’une énergie positive et créatrice qui balaie tout sur son passage, même l’orthographe. Mots en double, mots manquants, fautes en tous genres. Officiellement, le manuscrit n’a pas été relu mais au final, on se demande si ce côté « brut de décoffrage » ne convient pas à ce récit qui a les nerfs à vif. Costes parle avec son coeur, son cul et accessoirement sa bite, éradique toute auto-censure. Voir qu’une telle liberté est possible fait un bien fou.
Disponible pour 18 EUR port compris sur http://eretic-art.com/costesguerriers.html