Entre le nouveau président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez et les associations LGBT locales et régionales, les choses n’ont pas commencé sous les meilleurs auspices. On connait bien sûr l’engagement de l’élu LR avec la «Manif pour tous», mais durant sa campagne pour les élections régionales fin 2015, un bras de fer entre lui et les associations s’est engagé. Invité à les rencontrer quelques jours avant le scrutin, Laurent Wauquiez ne s’était tout bonnement pas présenté. Peut-être n’avait-il pas goûté à la manifestation des associations pour dénoncer la proximité entre le candidat LR et Christophe Boudot, celui du Front national?
Toujours est-il que plus de six mois après avoir succédé à Jean-Jack Queyranne, il semble que Laurent Wauquiez continue à mettre des bâtons dans les roues des associations LGBT, et plus précisément de la Lesbian and Gay Pride de Lyon, qui a contacté Yagg pour alerter de ses difficultés avec le Conseil Régional.
LA DÉLÉGATION CONTRE LES DISCRIMINATIONS SUPPRIMÉE
En 2014, une subvention de 4000 euros pour la LGP Lyon est votée. Une première moitié lui est versée en juin 2015, comme le prévoit l’accord entre la Région et l’association. «Pour que le solde soit versé à l’issue du projet, nous devons fournir les factures, ce que nous avons fait, explique à Yagg Olivier Borel, porte-parole de la LGP Lyon. Nous avons apporté toutes les justifications, qui ont été validées par la Délégation générale aux missions transversales et à la relation aux élus (DGMTRE). Mais entretemps, il y a eu les élections régionales et l’élection de Laurent Wauquiez.» Les conséquences de l’arrivée du nouveau président ne se font pas attendre: la délégation contre les discriminations est supprimée, avec les lignes de crédit. «Aujourd’hui, les subventions votées avant les élections sont impossibles à payer. Cela concerne trois dispositifs: l’égalité femmes/hommes, la lutte contre les discriminations et la démocratie participative.»
«Nous avons déposé un recours à l’amiable auprès du Président de Région. Actuellement on attend encore le vote de l’assemblée délibératrice, mais si nous n’obtenions pas cette aide alors qu’elle a été approuvée, ce serait du jamais-vu.» L’association lyonnaise a l’intention d’aller en justice pour faire reconnaître son droit à toucher cette subvention.
QUAND LA RÉGION REFUSE DE PAYER LA NOTE
Mais l’absence de versement d’une subvention votée avant l’arrivée de Laurent Wauquiez n’est pas le seul problème de la LGP Lyon. En octobre 2015, elle a obtenu de la Région une contrepartie d’image (CPI) à hauteur de 3 900 euros pour l’organisation de quatre événements (l’organisation du TDoR, celle de la journée mondiale contre le sida, et deux «rainbow brunchs, autour des discriminations dans le sport, et du racisme chez les LGBT). En avril dernier, l’association envoie comme prévu les justificatifs qui attestent que le logo de la région Rhône-Alpes apparaissait bien sur les supports de communication. Mais en juin, un courrier adressé à la LGP Lyon fait part du refus de régler la CPI: «les justificatifs ne correspondent pas à l’événement pour lequel vous avez demandé une aide» affirme la région. D’après elle, la CPI était destinée au financement du «défilé», ce que réfute totalement la LGP Lyon: «Pour l’organisation de la marche des fiertés, nous ne demandons jamais aucune aide financière de la part des institutions, parce que nous souhaitons justement préserver l’indépendance de cette marche.» Pour l’association, la Région use d’un argument fallacieux pour ne pas régler la CPI: «Si ça n’avait pas été pour la marche des fiertés, ça aurait pu être un autre argument. Le nœud du problème, c’est que cette justification est une fausse excuse.» Yagg a eu accès aux différents échanges entre la Région et l’association au sujet de cette CPI, et nous avons pu constater que nulle part, la LGP Lyon n’a déclaré que ce financement servirait à la marche.
UN CHANGEMENT DE CAP TRÈS NET
Au-delà de ces deux affaires qui mettent en difficulté l’association, la LGP Lyon constate à ce jour que tous ses interlocuteurs/trices à la Région sont aux abonnés absents. «Nos appels et nos courriers sont restés sans réponse. Nous avons fait parvenir un courrier en recommandé. Nous n’avons reçu aucun avis de réception», déplore Olivier Borel. Ni Martine Guibert, déléguée aux politiques sociales, à la santé et à la famille, ni Marie-Camille Rey, déléguée à la jeunesse, au sport et à la vie associative, ne répondent aux sollicitations de l’association.
Contacté par Yagg, le service administratif et financier du Conseil régional a mis plusieurs semaines avant de nous répondre, nous invitant finalement à contacter une personne du cabinet de Laurent Wauquiez… dont le nom n’existe pas dans l’organigramme de la région. Nous avons alors sollicité le service presse de la région, qui à ce jour, n’a toujours pas répondu à nos questions.
La LGP Lyon reconnait sans mal ne jamais avoir attendu grand chose du nouveau président de Région dont on connait les positions clairement opposées à la communauté LGBT. «Mais ce n’est pas parce qu’on critique un élu, qu’on ne peut pas demander une subvention», souligne Olivier Borel. Il a observé un changement très net de la politique budgétaire de la région: «On voit très bien où Laurent Wauquiez place l’argent et où il veut économiser. Une subvention de 50 000 euros a été versée à l’Uni, par exemple. Il y a aussi ces 300 000 euros de la région versés à la ville du Puy-en-Velay.» Ville dont Laurent Wauquiez a été maire de 2008 et 2016. L’éventualité d’une suppression du Pass contraception a aussi agité la région en avril dernier.
Mi-juillet, Lyon Capitale a publié un article sur le SOS lancé par une trentaine d’associations et ONG qui elles aussi se retrouvent dans une position très délicate. Plusieurs responsables associatifs ont eux aussi constaté que la Région n’était pas volontaire pour poursuivre le travail lancé pendant l’ancienne mandature.
Olivier Borel de la LGP Lyon: «On voit très bien où Laurent Wauquiez place l’argent et où il veut économiser.»
L’OMBRE DE SENS COMMUN
L’élection de Laurent Wauquiez à la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes a été une main tendue vers Sens Commun, mouvement politique issu de la «Manif pour tous». En témoigne la présence d’Anne Lorne, devenue co-secrétaire nationale chargée de la petite enfance au sein des Républicains en juin 2015, conseillère régionale et récemment investie à la 1ère circonscription de Lyon pour les législatives de 2017. Très présente sur les réseaux sociaux, elle avait il y a un an posté un tweet particulièrement acerbe: «Si j’étais élue, les premiers à voir leurs subventions sauter seraient LGBT et SOS Racisme.» Un vœu presque exaucé?