Attention, la date limite pour déclarer vos revenus 2015 aux impôts approche à très grand pas. Si comme moi vous avez fait mille boulots différents dans l’année, ça risque d’être compliqué. Notamment si l’un de vos jobs est celui de camgirl ou si vous diffusez votre contenu contre rémunération sur des sites comme ManyVids ou Pornhub. Oui, on rigole, on fappe, on tippe mais au final l’argent qui circule constitue un revenu pour la personne qui le reçoit. Et qui dit revenu, dit déclaration et donc, forcément, impôts. Cela dit, vous remarquerez qu’il n’y a pas de case Cam4 ou Chaturbate dans le formulaire. Alors comment on fait ?
Soyons sérieux cinq minutes. Vous pensiez vraiment que les gains des modèles webcam n’étaient pas à déclarer ? Apparemment oui, si on compte le nombre d’e-mails que j’ai reçus qui me demandaient l’air innocent : « Dis donc Carmina, tu déclares tes tokens aux impôts parce que… haha … hehe, enfin tu vois quoi… » Oui je vois, je vois que vous essayez de vous faire croire que ce ne sont pas des vrais revenus, puisque « c’est pas un vrai travail ». Hé bien si, on ne le répètera jamais assez mais animatrice webcam est un métier à part entière et les tokens reçus sur les sites de diffusion live sont un revenu comme un autre, qu’il faut porter à la connaissance de l’administration française. Pour être sûre de ne pas vous raconter n’importe quoi, je suis allée demander des précisions à des experts en fiscalité : Pingoubélix et Pierre.
Bonjour messieurs et merci de répondre à mes questions. J’en ai surtout une : est-ce que je dois payer des impôts sur ce que je gagne en tant que camgirl ?
Pingoubélix : Normalement oui, sinon tu rentres dans la définition de l’activité occulte et en cas de contrôle fiscal tu encours théoriquement une majoration de 80 %.
Très bien, mais comment je fais ça ? Il n’y a pas de case « camgirl » dans les administrations françaises…
Pierre : Avant toute chose, il faut étudier les conditions générales des sites sur lesquels tu diffuses. Il y a un contrat qui définit la rémunération et la nature du lien juridique entre la société qui gère le site et celui qui travaille pour eux. Même s’ils n’appellent pas ça contrat mais « conditions générales » ou autre, c’est bien cela qui lie la société qui gère le site et les modèles. Si la société est française, pas de problème, le droit français s’applique. Sinon, ça peut être plus compliqué. Il faut donc examiner ces « conditions générales » pour voir ce qu’elles disent sur la nature des sommes versées par le site aux modèles. C’est en fonction de ces éléments qu’on peut déterminer les obligations fiscales des modèles vivant en France. Ceci dit, je suppose que dans la plupart des cas, les camgirls sont indépendantes (c’est-à-dire qu’elles n’ont pas de contrat de travail donc pas de salaire).
En effet c’est mon cas, j’ai signé les conditions générales, mais je n’ai pas de contrat de travail, ni de « salaire ». Juste des sommes aléatoires que je peux encaisser si j’en fais la demande.
Pierre : Vis-à-vis du droit français, les camgirls sont donc des indépendantes. Elles doivent créer une activité indépendante en France, soit dans le cadre d’une auto-entreprise soit dans le cadre d’une micro-entreprise. Juridiquement, cela reviendrait à facturer leurs prestations au site web qui leur verse des revenus à déclarer comme n’importe quel revenu d’un auto-entrepreneur ou d’une micro entreprise en France.
Pingoubélix : Es-tu enregistrée auprès du centre de formalités des entreprises (as-tu un numéro SIREN/RCS) ?
Oui, mais pour mon activité principale (le community management), est-ce que ça pose problème ?
Pingoubélix : Pour moi tu peux rajouter cette activité à ton activité de CM free-lance : la webcam est finalement une activité libérale également. Et il faut l’avouer, le cadre législatif est très flou. Le problème qui pourra se poser est la limite de chiffre d’affaires annuel qui est imposée dans le cadre d’une auto-entreprise. Pour l’exercice 2015 par exemple, elle a été fixée à 32900 €. Après, il faut penser à tes comptes de type PayPal par exemple. Il faut déclarer les sommes reçues en bénéfices non-commerciaux.
Ah bon ? Un compte PayPal ça se déclare ?
Pierre : Oui, ces comptes sont une forme de compte bancaire. D’ailleurs ils sont soumis à une obligation de déclaration au titre des comptes ouverts à l’étranger. Pour être tout à fait précis, il y a trois conditions cumulatives à remplir pour être dispensé de déclarer un compte Paypal. Il faut : que le compte ait pour objet de réaliser en ligne des paiements d’achat ou des encaissements de ventes de biens, que le compte soit adossé à un compte bancaire ouvert en France et qu’il n’y ait pas plus de 10000 euros annuels de ventes de biens. La plupart des camgirls ne remplissent pas ces conditions, d’où la nécessité de déclarer les comptes (Paypal, Payonner, Paxum etc…) à l’aide du formulaire adéquat.
Bien. Et en ce qui concerne les cadeaux qu’on nous offre ? Et les cagnottes de type Leetchi, ou le Pot Commun : là on reçoit aussi bien des dons que des paiements (pour des shows ou des culottes).
Pingoubélix : Les cadeaux sont des cadeaux… Alors en théorie, il n’y a pas à les déclarer. Après s’il y avait disproportion, ça pourrait être remis en cause. Sur les cagnottes c’est plus compliqué, il faut voir si ça devient la principale source de revenus. Techniquement je déclarerai pas même s’il y a une contrepartie (show privé, par exemple) compte tenu de la plate-forme qui n’a pas cette vocation.
Pierre : Pour les culottes, si elles t’appartiennent il faut savoir que vendre un objet qui nous appartient, de particulier à particulier, n’est pas taxable.
Je me demandais justement s’il fallait distinguer les tokens que l’on reçoit pendant les shows et ceux qui sont offerts pour le plaisir par les tippers… Mais là, ça devient très compliqué de faire le tri.
Pingoubélix : En tout état de cause, pour moi, c’est tout ou rien sur une plate-forme. Ou tu déclares tout (dons et paiements) ou tu ne déclares pas.
Pierre : Bien sûr que ça paraît compliqué. Cela comporte certes des obligations, mais aussi des droits ! Des droits à l’assurance maladie, à une mutuelle, des droits à la retraite… S’il n’y a pas de déclaration des sommes gagnées, c’est du travail au noir. Il y a dans ce cas risque de contrôle fiscal et de contrôle URSSAF, aucun droit social… D’autant plus que les sites ne versent sans doute pas les sommes concernées en billets et pièces. Ce qui suppose qu’il y a des traces facilement exploitables par des services de contrôle, et là…
Méthode non valable, cacher les dollars dans la litière du chat.
Après cet entretien, je me suis plongée dans les papiers administratifs. Si on résume, il suffit donc de déclarer ses gains dans le cadre d’une auto ou micro-entreprise, puis de déclarer le compte sur lequel vous recevez les gains s’il n’est pas en France. Finalement, pour moi qui ai déjà une auto-entreprise, ce n’est pas si difficile. Pour celles et ceux dont ce n’est pas le cas, les démarches sont très simples. Nous avons même trouvé la catégorie dans laquelle il paraît logique de déclarer des revenus de cam : « 9609Z Autres services personnels, 96.09.19 Autres services divers ». Alors, à vos déclarations ! Bon courage.