Le rapport de la Commission française de classification des œuvres cinématographiques a enfin été publié ! Rendez-vous compte, cinq ans qu'on l'attendait ! Depuis 2003, le président de la Commission est pourtant tenu de remettre au ministre de la Culture un rapport d'activité dans les six mois précédant l'échéance de son mandat. Or, l'avant-dernier rapport, le troisième, a été publié en décembre 2010 pour la période 2007-2009 et depuis... plus rien !
Si ce quatrième rapport aurait dû être édité dès 2013, pour la période 2010-2012, la nomination de trois présidents successifs, entre 2010 et 2012, a repoussé la date de sa publication. Du coup, le rapport mis en ligne cette semaine couvre la période 2010-2012, qui correspond au mandat d'Edmond Honorat. Il faudra donc attendre 2016 pour connaître les dessous de l'affaire Nymphomaniac puisque Jean-François Mary, l'actuel président de la Commission, a été nommé en août 2012. Un mandat qui devrait courir jusqu'à la fin de l'année 2015 au moins.
Alors que dit ce rapport ?
Après avoir expliqué que la France ne classe pas les films en respectant un quelconque barème, la Commission affirme que son travail consiste d'abord à protéger les mineurs, conciliant cette obligation avec la liberté d'expression des cinéastes. Elle précise en outre que si les mineurs doivent être protégés en tant que spectateurs, ils doivent l'être aussi lorsqu'ils sont acteurs. Jean-François Mary fait référence à l'affaire Ken Park (Larry Clark, 2003), pour laquelle il était à l'époque rapporteur public au Conseil d’État, mais aussi aux difficultés soulevées par le film Clip (Maja Milos, 2013) même si cette affaire n'est pas évoquée dans le bilan d'activité, puisque postérieure à 2012. Sans doute ces arguments préparent-ils déjà ceux du rapport à venir.
Beaucoup de films français interdits aux moins de 16 ans.
Les 215 pages du rapport – dont 150 pages d'annexes – nous révèlent que huit longs métrages ont été réexaminés par la Commission à la demande des distributeurs. Ainsi, malgré une seconde projection devant l'assemblée plénière, l'interdiction aux moins de 16 ans décidée pour La Meute (Franck Richard, 2010) a été maintenue en raison de « scènes d'une très grande violence (humiliation, torture) ». On découvre aussi que, malgré la présentation d'une version édulcorée, la Commission a décidé de conserver l'interdiction aux mineurs de 12 ans pour Captive (Brillante Mendoza, 2012) jugeant que, « bien que la scène de décapitation soit raccourcie, plus suggérée que montrée, l'intensité de la violence physique et psychologique du film » nécessitait une telle restriction. Le rapport nous apprend que Chroniques sexuelles d'une famille ordinaire (Jean-Marc Barr et Pascal Arnold, 2011) dispose de deux niveaux de classification avec une version longue, dite « sexuelle », interdite aux moins de 16 ans, et une version courte, dite « sensuelle », interdite aux mineurs de 12 ans raccourcie de 4 minutes de scènes de sexe explicites par son distributeur.
Les films français plus sévèrement classés que les films américains.
89 % des 3 928 films examinés par la Commission entre 2010 et 2012 ont été classés « tous publics ». Sur les 42 longs et courts métrages interdits aux moins de 16 ans sur la période, aucun n'a dépassé les 100 000 entrées au cours de la première semaine d'exploitation si l'on excepte Le Dernier exorcisme avec 269 260 entrées pour 196 copies. Seuls deux autres films, distribués avec plus de 100 copies la première semaine, ont fait autour de 10 000 entrées : Maniac (9 471 entrées avec 131 copies) et The Raid (10 104 entrées avec 104 copies). Notons la performance de The Theatre Bizarre qui a enregistré 1 756 entrées la première semaine avec une seule copie (24 fois mieux que Maniac à comparaison égale), le meilleur score comptabilisé au box office pour un film interdit aux mineurs de 16 ans.
Les 19 films français interdits aux moins de 16 ans entre 2010 et 2012 ont été distribués en France avec en moyenne 13,6 copies par film (en excluant Maniac) quand, dans le même temps, les productions françaises classées « tous publics » ont bénéficié de plus de 400 copies. En outre, le rapport précise que « sur les 346 films visionnés en assemblée plénière durant le mandat [...], les longs métrages soumis à des interdictions aux mineurs de moins de 16 ans et plus, ont été majoritairement des films français et étrangers non américains (35 contre 3 pour les américains). […] sans doute le cinéma américain évite-t-il de produire des films risquant d'être classifiés moins de 16 ans. » Un constat que nous faisons assez régulièrement sur ce site.
Entre 2010 et 2012, la Commission a également interdit deux longs et un court métrages aux moins de 18 ans : Dirty Diaries (collectif, 2010), Il n'y a pas de rapport sexuel (Raphaël Siboni, 2011) et Little Gay (Antony Hickling) pour des scènes de sexe non simulées.
Notons enfin que la Commission conclut son rapport d'activité en faisant quelques propositions dont la suppression de l'interdiction aux moins de 12 ans, la réinstauration de l'interdiction aux mineurs de 13 ans et la création de l'interdiction aux moins de 10 ans.