Alors qu'il sort demain sur les écrans français, A Touch of Sin, du réalisateur chinois Jia Zhangke, prix du meilleur scénario au dernier Festival international du film de Cannes, vient d'être interdit d'exploitation dans son pays d'origine. Jugé bien trop critique à l'endroit des autorités chinoises, Pascal Merigeau nous apprend en outre, sur le site du Nouvel Observateur, que le département de la propagande du Parti vient d'exiger des médias, qu'ils passent sous silence toute information s'y rapportant.
Un changement d'attitude qui surprend un peu, Jia Zhangke expliquant, assez confiant, au journal Libération le 24 juillet dernier que son film, décrivant une Chine au bord de l’implosion sociale, avait néanmoins réussi à passer la censure chinoise : « Je perds un temps fou à négocier avec la censure, mais j’y suis obligé parce qu’il est nécessaire que mes films soient vus en Chine. Je négocie néanmoins pour ne pas faire de compromis. »
Initialement programmée en Chine au début du mois de novembre, la sortie de A Touch of Sin a d'abord été repoussée « après le 3e plénum du Parti communiste chinois », à la fin du mois dernier, avant d'être définitivement mise entre parenthèses ces derniers jours. Racontant quatre histoires de révoltés, inspirées de faits réels (un mineur confronté à la corruption des cadres qui règle ses comptes à coups de fusil ; un paysan migrant qui devient tueur professionnel ; une employée de sauna qui tue un notable qui tente de la violer ; un jeune ouvrier qui se suicide après que son amie soit devenue une prostituée de luxe pour les puissants), le film déplait très fortement au pouvoir en place qui y voit une incitation à la révolte teintée d'antipatriotisme.
Sur NextLibération, Philippe Grangereau écrit : « Pour plus d’authenticité, Jia Zhangke s’est amplement documenté sur ces faits divers réels, symptomatiques de la société chinoise. «Il plane sur la Chine une odeur de d’explosion sociale, expliquait le cinéaste en juillet. Les bouleversements qu’a connus la société ont accru les pressions sur les individus, mais ceux-ci n’ont pas de moyen de les exprimer ou de résoudre leurs problèmes par les voies habituelles. Face à l’inextricable, ils ont recours à des moyens violents. A partir du moment ou une société bloque tous les moyens d’expression des gens, cette société est anormale.» et d'ajouter : « Après visionnage de ce film-vérité très fort, le spectateur a presque envie d’aller lui-même se venger sur les nantis. »
« Ce qui m'importe, c'est que ce film soit vu par le maximum de gens en Chine et dans le monde, faire en sorte qu'il fasse naître des discussions, suscite des réactions. Ce serait le plus grand des bonheurs », confiait Jia Zhangke durant le dernier Festival de Cannes.
Un vœu pieux dans l'Empire du Milieu.