Certains parents, qui se faisaient une joie d'accompagner leurs jolies têtes blondes à la projection de Iron Man 3 (2013) de Shane Black, ont été particulièrement surpris d'assister, avec leurs enfants parfois très jeunes, à la diffusion de la bande-annonce du film Evil Dead (2013) de F. Alvarez sur grand écran ! On imagine leur surprise et le traumatisme des bambins... Tout cela pouvait-il être évité ?
En France, la diffusion des bandes-annonces (BA) avant la projection de films fait régulièrement l'objet de réclamations de la part de spectateurs mécontents, se plaignant des choix parfois inadaptés faits par les distributeurs ou les exploitants de salles. Dans son dernier rapport d'activité, la Commission de classification cite par exemple la lettre d'un spectateur s'étonnant de la diffusion de la BA de Paranormal Activity avant la projection du Petit Nicolas ou encore celle de Ghost Rider avant Happy Feet... Que dit la réglementation ?
Le code du cinéma et de l'image animée dispose que la commission de classification des œuvres cinématographiques a l'obligation de donner un avis sur les BA projetées en salles avant l'attribution d'un visa d'exploitation par le ministre, dans les mêmes conditions que celui accordé aux œuvres cinématographiques. Les choses sont donc simples et claires : une BA destinée à une diffusion en salles doit avoir reçu un visa. Dès lors, une BA qui serait interdite de diffusion à une catégorie de spectateurs ne pourra être diffusée que dans les salles projetant des œuvres cinématographiques du même niveau de classification, étant précisé qu'une BA peut également avoir un niveau de classification différent de celui du film qu'elle annonce. Ainsi, la BA de Evid Dead, film interdit aux -16 ans, ne devait pas être diffusée avant le film Iron Man 3 classé pour tous publics sauf si son niveau de classification est moins contraignant que celui du film auquel elle se rapporte. Ceci est la règle et la pratique est parfois bien différente.
En effet, il arrive fréquemment que les BA qui n'ont pas encore été soumises à l'avis de la Commission, donc qui n'ont pas de visa, soient néanmoins projetées, sans précaution particulière, avec un simple avertissement invitant le spectateur à vérifier à quelle catégorie de public cette œuvre est destinée. Cette possibilité, parfaitement réglementaire, est prévue par le code du cinéma. On peut alors se demander si dans ce cas l'exploitant de salles ne pouvait pas décider, de sa propre initiative, de ne pas diffuser la BA d'un film d'horreur au titre explicite, avant la projection d'un film tous publics, et ce, alors même qu'aucun texte ne l'y contraint.
Enfin, notons que la Commission de classification souligne dans son dernier rapport que les distributeurs « oublient » de plus en plus souvent de soumettre leurs BA à son avis, ce qui constitue pourtant une obligation réglementaire, en choisissant sciemment de les projeter en salles sans aucun visa.
Dans le cas présent, soit la BA de Evil Dead n'avait pas encore reçu de visa, auquel cas elle a été diffusée avec un avertissement à l'attention des spectateurs ; soit le distributeur s'est assis sur la demande de visa, ou n'a pas pris en compte le niveau de classification du visa accordé en la projetant dans une salle accueillant un public inapproprié. A moins qu'elle n'ait été classée tous publics...
Article également publié sur cinemafantastique.net le 1er mai 2013. Cliquez ICI.
Et qu'en est-il du régime des bandes-annonces aux États-Unis ? Pourquoi Internet regorge-t-il de bandes-annonces officielles dites « non censurées » de films américains pourtant interdits aux mineurs et parfois même censurés au moment de leur sortie en salles ? Explications...
La Motion Picture Association of America (MPAA) offre aux spectateurs une classification des films distribués sur le territoire des États-Unis d'Amérique sur la base de recommandations faites aux parents. Contrairement à la France, où la classification des œuvres cinématographiques est organisée par l’État, l'industrie américaine du cinéma s'auto-régule via le Rating System. La cotation des films est réalisée par une division de la MPAA depuis 1968. La Classification And Rating Administration (CARA) est chargée de formuler cinq catégories de recommandations : « G » (General Audiences), c'est-à-dire « film tous publics », « PG » (Parental Guidance Suggested), c'est-à-dire « accompagnement parental recommandé », « PG-13 » (Parental Strongly Cautioned) c'est-à-dire « accompagnement parental recommandé, film déconseillé aux moins de 13 ans », « R » (Restricted) c'est-à-dire « film interdit aux mineurs de 17 ans non accompagnés » et « NC-17 » (No One 17 and Under Admitted) c'est-à-dire « film interdit aux moins de 17 ans ».
Si la CARA examine tous les films, elle n'a pas pour mission de classer le matériel publicitaire, dont les bandes-annonces dénommées teasers ou trailers. Celles-ci sont laissées à l'appréciation de l'Advertising Administration, autre division de la MPAA, chargée de valider les bandes-annonces de films non encore classifiés, souvent en post-production, mises en ligne sur Internet six mois avant leur sortie. Les teasers offrent ainsi en libre accès sur le Net, des scènes déconseillées aux mineurs voire même coupées au montage lors de leur sortie en salles, sans que personne ne s'en émeuve. Cette situation surprenante et connue, est parfaitement admise par l'industrie du cinéma aux États-Unis car les trailers s'adressent d'abord aux parents afin qu'ils puissent juger par eux-mêmes le contenu des films que voudront voir leurs enfants. Outre-Atlantique, il est donc possible de voir des bandes-annonces de films classés « R » sur MTV ou encore des « PG-13 » sur Cartoon Network...
Article également publié sur cinemafantastique.net le 2 novembre 2012. Cliquez ICI.