Ça commence à faire une paire d’années que je me définis comme féministe. J’ai lu, j’ai échangé, j’ai regardé, j’ai écouté, j’ai analysé. Je ne sais que trop bien que le féminisme n’est pas une chose une et indivisible. Je peux presque affirmer qu’il existe autant de féminismes que de féministes. Les croiser et les observer permet de construire le sien : mon féminisme correspond à mes valeurs et mes idéaux. Il contient tout ce que je peux projeter sur le monde idéal dont je rêve. Il est donc ouvert, inclusif, évolutif, tolérant, libre. En un mot, c’est un énorme fantasme, mais j’espère que jour après jour, petit pas après petit pas, qu’il finira par devenir une réalité.
on a les ambitions qu’on mériteÇa a l’air chouette, présenté comme ça : on fait de beaux rêves, et on s’engage pour qu’ils deviennent un jour vrais. Sauf que les licornes, ça n’existe pas, et qu’on est en guerre. À mon petit niveau, et du haut de mes privilèges de femme cis blanche hétéro ayant eu la chance de faire des études et d’avoir un job plutôt sympa et plutôt bien payé, je le sens au quotidien. Quand je passe pour la féministe de service en insistant sur la féminisation de certains mots (oui, on dit une cheffe de cuisine, et une maîtresse de stage, et non, ce n’est pas une coquetterie, c’est juste revendiquer une place qui nous a longtemps été refusé), ou quand je fais remarquer que l’accouchement allongé n’est pas naturel, et qu’il a été mis en place pour faciliter à la base le travail des hommes (cette position est surtout pratique pour les soignant•e•s , et aurait été popularisée par Louis XIV qui kiffait grave être aux premières loges de la naissance de ses enfants. Et cerise sur le gâteau, si elle est hyper répandue par chez nous, elle est loin d’être la plus safe pour les femmes qui accouchent et le bébé.) dans des milieux moins sensibilisés au féminisme, je me retrouve encore bien souvent à subir remarques, critiques et autres mauvaises blagues. Et à devoir me justifier, encore et encore. Chaque fucking jour.
Alors, oui, le féminisme est devenu plus « mainstream ». Merci Beyoncé. Et oui, le féminisme (tel que je le conçois en tout cas) est une lutte pour l’égalité et l’équité absolues, et pour tout le monde. L’objectif serait d’atteindre la mixité totale : sexes, genres, religions, orientations sexuelles, taille, poids, couleur de peau, handicap, de manière de s’habiller ou de choix de vie… Elle est là mon utopie : il y a de la place pour tout le monde, sans que personne n’y perde quoi que ce soit et que tout le monde gagne un petit quelque chose. Plus de discrimination ni de stigmatisation. Quand je parle de licorne… Mais avec ou sans Beyoncé, si les féministes sont plus nombreu•se•s, on est loin du compte. Et je ne me sens jamais autant en sécurité qu’avec celleux qui partagent au moins un peu mes convictions. Alors oui, j’évolue dans un monde où relever la misogynie (et oui, elle est partout, même chez les gentilles personnes, même chez moi parfois, parce qu’elle fait partie d’un système, et qu’elle est structurelle) fait qu’on me qualifie de misandre. Quand j’observe (de loin, certes) des femmes se faire agresser sexuellement dans des rassemblements qui se veulent aussi progressistes que Nuit Debout. Quand je me force à me taire face à des situations de violences sexistes que je subis ou que j’observe quotidiennement parce que je sais pertinemment que ça va me retomber dessus. Quand parfois, je ne me tais pas, et que je subis au mieux des yeux au ciel et des moqueries et au pire des remontrances, des critiques déplacées voire des insultes. Quand j’observe et que j’écoute des féministes racisées se faire violemment prendre à parti parce qu’elles ont l’outrecuidance de vouloir se rassembler dans un espace de parole qui leur appartient et pour une fois sans blanc•h•es. Je ressens un grand besoin de sécurité et de bienveillance. Et je ne peux, pour l’instant, la trouver qu’auprès de personnes partageant le même engagement que moi. Pour la pédagogie, le partage et la transmission, merci de repasser ultérieurement : j’ai juste pas la force pour l’instant.
lors de nos apéros misandres, on boit des pintes entières de vos larmes, messieurs.Aujourd’hui, je ressens le besoin de me justifier : non, je ne suis pas misandre. Je pensais qu’on avait largement dépassé le stade du cliché de la féministe harpie qui ne se déplace jamais sans son sécateur, toujours à l’affut d’une paire de couille à couper. Mais il faut croire que tout est toujours à reprendre à zéro. Je ne hais pas les hommes. Comme 99,999% des féministes d’ailleurs, soit dit en passant. Ce que je hais, c’est le Patriarcat. Et le Patriarcat est un système. Une belle partie de ces mécanismes sont conscients, mais la plus grande partie est totalement inconsciente. Une preuve ? Tu traites innocemment ton voisin de con, parce qu’il a fait du bruit jusqu’à 3h du mat. Rien de bien méchant, pas vrai ? Et pourtant, c’est sexiste : le con, c’est le sexe de la femme. Le sexe de la femme est donc une insulte. Si les deux tiers du cheptel de gros mots français est sexiste et homophobe (le troisième tiers étant simplement scato), c’est pas parce que toi qui donne du « putain » et du « enculé » régulièrement tu es sexiste et homophobe. Si tu as la sensation que c’est ta personne que je remet en cause, c’est certainement que tu n’es pas aussi exempté de tout reproche que tu veux bien le croire. Tout ce qu’on attend, c’est que tu te poses deux secondes, et que tu réfléchisses, au delà du bout de ton nez. Notre monde est sexiste, et le Patriarcat est un enfoiré de dictateur. Et c’est contre ça que je m’engage. Loin de moi l’idée d’émasculer qui que ce soit : mais force est de constater que l’espace est largement plus occupé par les hommes. Et qu’à chaque fait relevé, chaque situation décrite, chaque remarque exprimée contre le sexisme, un homme est forcément pas bien loin. C’est statistique, même moi je l’ai compris, et pourtant, je suis une sacrée pelle en maths. Et ça ne loupe jamais : l’homme en question se rebiffe, m’invective, me met dans une position d’insécurité. Comme s’il avait été attaqué en premier lieu.
Mansplaining, allégorieSa petite personne, et pas le système patriarcal qui le contraint lui aussi. Je pourrais dire que ce n’est pas systématique, mais je mentirais. L’homme qui explique, qui recadre, qui récupère la parole, et qui ne comprend pas qu’on en peut plus. Et qui va se mettre à déblatérer des poncifs sur le sexisme inversé, et l’intolérance des féministes harpies coupeuses de couilles. Et là, je le confesse, l’envie de correspondre au cliché me chatouille parfois très fort.
COUICEt plus j’avance, plus ça me tape sur le système : ce qui explique, au moins en partie, pourquoi je ne blogue plus. J’ai pas l’énergie, ni le courage.
Je rêve de mixité, mais je crois bien qu’on est juste pas prêts.