Dans l’équipe The Holy Culotte, on compte quelques globe trotteuses – outre les voyages fréquents, nous avons vécu au Canada, en Allemagne, au UK… Où nous avons encore des ami.e.s avec qui nous échangeons régulièrement. Lors d’une de mes récentes discussions avec une amie exilée à Montréal, nous avons abordé le sujet du fameux « harcèlement de rue ». Et là, cette amie m’explique qu’à Montréal (en tous cas dans les quartiers qu’elle fréquente), elle ne se fait pratiquement jamais arrêter dans la rue, rarement draguer (même en boite), et surtout que depuis qu’elle vit là bas (ie quelques années), elle a oublié le concept de peur quand elle rentre chez elle le soir. À n’importe quelle heure, dans n’importe quel état et habillée comme elle veut, elle n’a jamais ressenti ce sentiment d’insécurité ou le besoin de « faire attention » tel qu’elle l’a vécu par exemple à Paris. Elle ajoute que pour ses ami.e.s Québécois.es, ce qui se passe en France sur ce point est juste inconcevable et hallucinant.
J’ai repensé à mes expériences à l’étranger, discuté avec mes ami.e.s expatrié.e.s, observé un peu ce qui se dit sur les réseaux sociaux (on suit beaucoup les sites Québécois par exemple), et il m’a semblé qu’en effet, il n’ y a qu’en France où je me sois sentie « victime » du harcèlement de rue, contrainte de faire attention à comment je m’habille pour sortir, vigilante quand je rentre tard.
Étudiante, j’ai vécu quelques mois en Allemagne. Ambiance Erasmus oblige, on sortait en boite 3 à 4 fois par semaine, et l’alcool coulait à flots. J’adore danser, et je sortais souvent habillée « très » sexy : mini jupe et talons, avec un haut léger pour ne pas crever de chaud. Je me souviens de cette sensation étrange d’être invisible aux yeux des mecs – les Allemands ne draguent pas, ou du moins ils le font d’une manière bien différente de mes compatriotes Français. Là bas, j’étais bien loin de la culture méditerranéenne dans laquelle j’ai passé une bonne partie de mon adolescence (j’ai grandi dans le Sud de la France) et où c’est normal de regarder l’autre, les garçons se permettent facilement des remarques, et si on sort en boite en jupe, on se fait systématiquement draguer (hors présence d’un mec à nos côtés, et encore…). Ça avait été à l’époque une sorte de choc culturel, mais je n’avais jamais réalisé à quel point ce sentiment est spécifique à la France avant d’en parler avec mes ami.e.s expats et étrangers.
Bien sûr je n’ai pas fait le tour du monde et il me semble qu’on se fait aussi aborder dans la rue en Italie ou en Espagne, ce sont des cultures beaucoup plus « tactiles » que celles du Nord de l’Europe, mais je ne crois pas que cette notion de « harcèlement de rue » y existe comme chez nous ni que les hommes se permettent ce qu’ils se permettent en France.
Au delà de l’attitude des hommes envers les femmes dans les lieux publics, on peut prendre l’exemple du regard porté sur une femme en jupe et talons. Je pense que tout le monde a déjà halluciné sur la façon dont les Anglaises s’habillent pour sortir – toutes cuisses dehors, quel que soit leur poids et leur allure #noshame. Je les envie, ces Anglaises, de ne pas se poser la question de ce qu’on va penser d’elles parce qu’elles exhibent leurs fesses et leurs seins dans des looks qu’on considèrerait à Paris comme vulgaires. Le fait est qu’à Berlin, Londres, Barcelone ou Montréal, la culture de l’apparence n’a pas lieu d’être – dans la rue, on croise des gens aux looks divers, les gens sont tatoués, colorés, et personne ne semble se préoccuper plus que ça de l’apparence de son voisin de table au resto. À Montréal, une journaliste a même tenté de passer un après-midi seins nus dans un quartier central de la ville, sans se faire aborder ni déranger par quiconque (son but était de démontrer l’égalité avec les hommes qui ont le droit de se promener torse nu sans provoquer d’attentat à la pudeur).
Il me semble normal de s’habiller de manière « décente » quand on est dans un lieu public – loin de moi l’idée de défendre le torse nu pour aller faire son shopping, que ce soit les femmes ou les hommes -; mais ce qui me choque c’est qu’en France on justifie une drague un peu reloue dans la rue, une main au cul dans le métro, ou même un viol par ce genre de remarque « elle l’a cherché, tu as vu comment elle était habillée ? ». De la drague de merde à la justification d’une agression par la tenue soi-disant ostentatoire, il n’y a qu’un pas (coucou la culture du viol).
Alors quoi ? Cette attitude qui considère que draguer lourdement une fille dans la rue ou lui toucher les fesses dans le métro est « normale » et autorisée serait-elle typiquement Française ? Si c’est le cas, d’où vient cette « liberté » qu’ont pris les hommes ? Est-ce lié au regard que nous portons les uns sur l’apparence des autres (j’inclus tous les sexes, que celle qui ne s’est jamais retournée sur une fille en pensant très fort que sa jupe était bien trop courte me jette la première pierre) ? Ou une question de culture, dans un pays pourtant réputé pour sa « galanterie » et son « romantisme » ?
Tout ceci pose des questions sociologiques profondes, et une réponse que je n’ai pas. Je suis curieuse cependant, pour les personnes ayant voyagé en Amérique Latine ou en Asie, qu’en est-il ? Je ne parle bien sûr pas de l’insécurité envers le vol mais bien de cette attitude sans gêne et de la drague parfois agressive de certains hommes dans les lieux publics. Quid des tenues des filles ? Avez-vous ressenti une contrainte lorsque vous sortiez, un jugement ? Il est aussi clair que chaque culture a sa pudeur (pour des raisons religieuse ou sociologiques), c’est pourquoi j’ai fait le parallèle avec des pays ayant globalement une culture et une considération des femmes comparable à celle de la France.
Avez-vous entendu parler d’un équivalent du « harcèlement de rue » ailleurs qu’en France ?
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À lire :
Drague : la complainte des Français exilés en Allemagne (je pense que cet article mériterait discussion ^^)
La drague improbable, ou comment faudrait pas devenir pire que les Allemands, une Française à Berlin raconte
Vieille France, la drague et le harcèlement de rue vus par une Française à Montréal
Stop au harcèlement de rue, l’excellent post de Diglee qui vaut le coup d’être relu – dont est extraite l’image sur le slut shaming
Apparemment on se pose aussi la question à Montréal
Photo du haut : Naked Bike Ride à Toronto