C’est enfin l’été et, si vous faîtes partie de la petite moitié des Français-es qui partent en vacances, peut-être avez-vous prévu de vous rendre dans un pays où l’homosexualité est illégale. Vous n’avez que l’embarras du choix : ils sont soixante-dix-sept à travers le monde. Les plus médiatisés sont les pays africains et/ou musulmans, auxquels on peut ajouter la Russie, où l’homosexualité n’est plus illégale depuis 1993 mais où toute forme de visibilité homosexuelle est, comme on le sait, sévèrement réprimée.
La situation des homosexuel-le-s dans ces pays est évidemment un scandale, mais que dire des réactions que ces situations insoutenables provoquent chez les personnes LGBT en France ?
À chaque fois que les médias communautaires se font l’écho de telle ou telle mesure répressive dans l’un de ces pays, on peut s’attendre à une avalanche de commentaires, sur leurs sites Internet ou sur les réseaux sociaux, dans lesquels se mêlent ethnocentrisme, occidentalisme, islamophobie et racisme éhonté, le tout dans une ignorance complète et volontaire de l’histoire de ces pays, du contexte et de toutes les évolutions qui peuvent expliquer, sinon justifier, leur climat homophobe.
La palme de la réaction la plus abjecte revenant sans doute à Pierre Guénin (photo), ancien éditeur de presse homosexuelle (et co-fondateur d’un prix qui porte son nom remis chaque année par SOS Homophobie) qui a récemment commenté en ces termes les déclarations du président gambien Yahya Jammeh (qui souhaite égorger «tout homme qui veut en épouser un autre») : «sa grosse gueule de Noir parle pour lui. Et il se dit civilisé ! On peut en douter. Un gorille du 1er siècle ?». Ni l’âge de Pierre Guénin (quatre-vingt-huit ans) ni les crimes du président gambien n’excusent de telles ignominies racistes.
D’autres commentateurs se proposent pour leur part de ne plus se rendre dans les pays où les homosexuel-le-s sont réprimé-e-s, une suggestion problématique pour au moins deux raisons.
La première est que, pour espérer avoir la moindre efficacité, un tel boycott ne peut pas être individuel mais collectif, c’est-à-dire médiatisé, structuré, organisé comme l’était le boycott de l’Afrique du Sud au temps de l’apartheid ou comme l’est actuellement la campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) contre les violations du droit international commises par Israël. Et ce n’est actuellement pas le cas.
La seconde raison est que, quand bien même un tel boycott parviendrait à faire significativement baisser le nombre de visiteurs étrangers dans ces pays, son effet ne serait peut-être pas aussi positif qu’escompté. Dans des pays pour lesquels le tourisme représente une source de revenus importante, voire indispensable, cela se traduirait par un ralentissement économique certainement plus favorable aux démagogues et aux fondamentalistes religieux qu’aux partisans d’un assouplissement des législations en matière de mœurs. Pensons-y, avant d’organiser ou d’annuler nos vacances à l’étranger…
Bonne lecture et bon été à toutes et tous !
Photo 1 : le Kremlin à Moscou © Pavel Kazachkov
Photo 2 : Pierre Guénin © DR
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